Comment comptons-nous piloter cette transformation ? Nous devons être capables de le faire, non simplement en modifiant l'architecture organisationnelle, mais également nos méthodes. C'est la raison pour laquelle, à mes côtés et aux côtés de M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, le Premier ministre a lancé il y a moins de dix jours le programme « Action publique 2022 ».
Il s'agit d'un processus en plusieurs phases : un comité indépendant va être nommé, où les deux assemblées seront représentées, puis nous allons réfléchir à l'identification des sujets d'innovation, de ceux qu'il faut renforcer, de ceux sur lesquels la France est en avance et de ceux sur lesquels elle est en retard. Cela nous permettra ensuite de réfléchir à la transformation et à la simplification. Se posera ultérieurement la question des modalités de transformation et du portage des projets.
L'architecture globale du dispositif sera annoncée très prochainement, afin de finaliser la nécessaire consultation des organisations syndicales. Je reviendrai alors vers vous.
Nous souhaitons avant tout renforcer la compétence technologique de l'État auprès du Premier ministre – surtout auprès de mon secrétariat d'État –, mais également notre capacité de transformation, en déployant de nouvelles méthodes. Mais il faut d'abord se poser la question de l'expérience du citoyen et de l'entreprise, mais surtout de celle de l'agent au quotidien : c'est lui qui, à la fin, travaille quotidiennement au service du public.
Vous avez parlé de l'humain : que se passe-t-il si l'on numérise très – trop – vite ? Nous souhaitons mettre en place une stratégie nationale d'inclusion numérique, mais que fait-on immédiatement ? Monsieur Dominique Potier, vous avez évoqué le secrétaire numérique. D'autres parlent d'écrivains publics numériques ou de maisons universelles des démarches administratives. Aujourd'hui, une mosaïque d'initiatives intéressantes existe sur les territoires, certaines collectivités, tout comme l'État, s'étant investis depuis dix ans. L'objectif d'une stratégie nationale d'inclusion numérique sera justement de maintenir cette diversité, tout en s'assurant que 100 % du territoire a bien une stratégie, quel que soit le niveau retenu – régional, départemental ou, pourquoi pas, métropolitain et départemental. Certains départements laisseront le pilotage de ce dispositif aux collectivités, tout en demandant des financements à l'État et aux opérateurs sociaux. Ailleurs, ce sera la préfecture qui mettra en place des lieux d'accueil universels pour accompagner les citoyens dans toutes leurs démarches. C'est déjà le cas aujourd'hui, mais les lieux de médiation numérique des préfectures ne permettent de gérer que les procédures de l'État, sans vous accompagner pour les procédures qui relèvent des collectivités…
Je veux être certain que ce dialogue ait bien lieu partout – quitte à l'imposer – et que cette « option humaine » existe toujours. En effet, les experts de l'inclusion numérique et de la médiation, dont je fais humblement partie, estiment que trois quarts de ces treize millions de personnes – qui représentent 20 % des Français – deviendront autonomes s'ils sont accompagnés quelques dizaines d'heures, car on leur aura appris à se loguer et à utiliser une interface. Mais cela ne sera jamais possible pour un quart d'entre eux, soit 5 % de la population. C'est donc une nécessité absolue de les accueillir physiquement. Ils auront toujours besoin d'un être humain pour les orienter et faire ces démarches avec eux. Nous devons prendre en compte cette réalité importante pour lutter contre la fracture générationnelle.
Vous avez parlé du thermomètre sur la qualité du réseau. Vous avez raison : cela fait quinze ans qu'on peste sur le thermomètre et cela fait quinze ans qu'il n'est toujours pas très bon… Pour l'heure, la carte de l'ARCEP est ce que nous avons de mieux. Pourtant, elle n'est pas complètement exacte. Ainsi, Mme Laure de la Raudière en est témoin, lors d'un déplacement en Eure-et-Loir, je me suis permis de twitter la carte autour de Nogent-le-Rotrou. Dès que nous sommes arrivés, les gens nous ont dit qu'elle était complètement fausse et nous l'ont prouvé… Difficile alors de nier la réalité !
Pour autant, il est important de souligner que c'est la première fois que nous disposons d'une carte intelligente, complète, avec un maximum de données. L'ARCEP étant le régulateur, il est facile d'en faire le bouc émissaire. Mais elle a de lourdes tâches : gérer les opérateurs, réaliser le meilleur thermomètre, etc. Et puis, il faut le reconnaître, c'est elle qui a permis l'innovation et l'accélération quand il y en a eu besoin, ainsi que le rattrapage de certains retards.
Le Gouvernement a transmis ses exigences – mais surtout celles des citoyens – à l'ARCEP : elle doit se mobiliser sur un meilleur outil d'analyse, basé sur de véritables relevés réalisés plutôt par les citoyens eux-mêmes et par les collectivités. Elle doit également faire en sorte qu'en 2020, un réseau mobile de qualité soit disponible pour tous les citoyens.
Monsieur Dominique Potier, la formation et l'emploi sont un sujet essentiel pour moi, qui nécessite qu'on mobilise tout l'outil de formation au niveau national : éducation nationale, enseignement supérieur, formation professionnelle dite « ancienne version » mais également nouvelle formation professionnelle, plus agile et moins réglementée.
Nous avons une chance incroyable avec ces métiers du numérique : la tension est forte car il en manque beaucoup. Mais comme ils ne sont pas basés sur des savoirs historiques, pour certains de ces métiers, peu de diplômes existent pour le moment. Cela permet une plus grande créativité. Partout sur notre territoire, notamment au sein du réseau de la Grande école du numérique, se développent de nouveaux types de formations, courtes, ouvertes à tous : vous rencontrez des gens qui ont 16 ou 45 ans, qui ont raté leur formation initiale, se sont fait virer de leur lycée, ou des personnes qui en sont à leur deuxième changement de carrière, doivent se former à un nouvel emploi ou ont déménagé.
Toutes ces formations permettent par ailleurs de trouver un emploi directement à l'issue de la formation, avec des taux de retour à l'emploi supérieurs à 90 %. Et souvent, c'est pour d'autres raisons qu'un manque de postes disponibles que les personnes ne trouvent pas d'emploi.
Le métier de codeur n'est pas le seul métier du numérique, c'est important de le rappeler. Dans ces grandes écoles du numérique, on forme aussi beaucoup de techniciens des métiers du numérique et d'assistants techniciens du numérique. En matière de cybersécurité, si l'on veut protéger trois millions de TPE-PME, il va falloir former des personnels de tout niveau technique sur l'ensemble du territoire – techniciens, assistants techniciens, ingénieurs et chercheurs. En six mois à deux ans, on forme aujourd'hui ces assistants techniciens.
Avec ma collègue ministre du travail, Muriel Pénicaud, nous avons lancé un appel à toutes les entreprises, qu'elles soient grandes, moyennes ou petites. Nous leur avons demandé d'exprimer, dans les prochaines semaines, un engagement de recrutement sur certains métiers du numérique très ciblés, pour lesquels nous avons identifié un appareil de formation disponible ; nous sommes prêts à créer des capacités afin d'accélérer les formations dès le début de l'année 2018, pour peu que nous ayons l'assurance que les entreprises prendront ensuite bien ces personnes en stage, puis les recruteront.
J'ai l'engagement de plusieurs entreprises avec lesquelles j'en ai parlé, car le besoin en techniciens est criant. On s'est longtemps trompé en ne recrutant que des codeurs ou des ingénieurs. À titre personnel, j'y attache de l'importance car j'ai été technicien réseau et sécurité pendant neuf ans. C'est un très beau métier, qui permet d'être au service des gens avec le numérique.