Intervention de Mounir Mahjoubi

Réunion du mercredi 25 octobre 2017 à 16h55
Commission des affaires économiques

Mounir Mahjoubi, secrétaire d'état auprès du premier ministre, chargé du numérique :

Les opérateurs ont fait du critère de l'ARCEP une référence et ce n'est pas bien. Le travail réalisé par nos administrations permettra de définir en langage normal, en français et en usage, ce qu'est la « qualité bonne ». Nous avons tenté de définir le « bon accès » pour différents cas d'usage. Par exemple, « grâce à mon téléphone chez moi, je peux me connecter au réseau 4G et télécharger une vidéo ». Nous avons défini ces cas d'usage pour tous les âges de la famille, de l'adolescent, au parent, à l'hyperconsommateur de services, à la personne qui utilise son téléphone de façon anecdotique, afin d'expliquer en français ce que doit être ce niveau de qualité. Je vous l'accorde, une définition purement technique et froide de la qualité de la voix et du SMS est totalement inutile aujourd'hui. Désormais, l'ARCEP va nous faire des propositions sur la base de ce travail, car il reste le régulateur.

Je vais être complètement transparent avec vous sur le sujet des décrets de la loi Lemaire : ils étaient dans mon « dossier ministre » quand je suis arrivé. Le « dossier ministre » synthétise, à l'attention du nouvel arrivant, les dossiers sur lesquels son prédécesseur a avancé, ce dont on pourra se congratuler – le successeur bénéficiant des résultats du travail de son prédécesseur. Il n'y en avait pas beaucoup… Il liste également les sujets sur lesquels le ministre n'a pas abouti : eh bien, il y avait tous les décrets de la loi Lemaire…

Vous l'aurez noté, il y a trois semaines, plusieurs décrets, cosignés par le ministre des finances et le Premier ministre, ont été publiés. Ils concernent la transparence et la loyauté des plateformes. La loi Lemaire est essentielle : elle traite de sujets très importants. Mais les conséquences organisationnelles et économiques de ses dispositions pour les administrations et pour les entreprises n'ont pas complètement été mesurées lorsque la loi a été votée. L'impact de certaines dispositions, que nous devons mettre en oeuvre par décret et qui imposent de nouvelles obligations aux opérateurs, n'a pas non plus été totalement évalué.

J'ai donc proposé une nouvelle méthode aux administrations : nous allons réinviter autour de la table tous les acteurs concernés par chacun des décrets, afin de refaire une cartographie des désaccords et des accords. C'est ce que nous avons fait pour les trois premiers décrets publiés, et les avons donc publiés en toute connaissance des enjeux propres à chacun des acteurs.

Je ne vous cache pas que cela va être compliqué pour beaucoup. Nous avons maintenu une date d'exigence au 1er janvier 2018 ; certains soutiennent que nous n'y arriverons pas. Nous avons annoncé que l'administration serait dans un état d'esprit constructif – je crois que ce terme vous parle – afin d'accompagner les entreprises qui mettront en oeuvre les nouvelles dispositions, ou à tout le moins montreront les premiers signes de bonne volonté dans la mise en place des dispositifs de transparence des algorithmes et de classification.

Nous utiliserons la même méthode pour tous les autres décrets, qui vont être publiés les uns derrière les autres. J'y travaille activement avec mes administrations. Par ailleurs, je serai complètement transparent avec l'Assemblée nationale si certaines dispositions posent de potentiels problèmes d'exécution. Sachez qu'il n'y a aucune volonté d'enterrer ces décrets. Cela nous demande seulement beaucoup de travail, afin de véritablement en mesurer l'impact.

Les exemples que vous avez donnés sont très importants, ils me tiennent à coeur car ils participent à la transformation de l'État. Je vous le confirme : nous travaillerons rapidement sur ces sujets.

Sur la question de la HADOPI, dans une précédente audition, j'ai commis une erreur. Je serai donc aujourd'hui particulièrement précis dans la réponse que je vais vous apporter. Vous connaissez ma sincérité : j'essaie toujours de vous répondre sans trop regarder des notes, mais, sur certains sujets sensibles, je dois faire attention au vocabulaire que j'utilise.

La HADOPI a elle-même saisi deux conseillers d'État, en leur demandant de lui faire des recommandations et des propositions. Ce premier rapport n'a donc pas été commandé par la ministre de la culture, contrairement à ce que j'ai pu dire précédemment. Les conseillers d'État vont rendre leurs conclusions à la fin du mois de novembre. Elles seront très intéressantes pour la ministre de la culture et moi-même et nous permettront d'avancer sur le sujet.

Ensuite, il faut avoir conscience que c'est une question à laquelle tout le monde est sensible : mes équipes – notamment le cabinet qui m'accompagne pour cette audition – s'intéressent à ce sujet, tout comme le milieu culturel, la jeunesse connectée, les familles, les associations familiales, les associations de consommateurs, tous m'en ont parlé. Et de son côté, la ministre de la culture est fréquemment sollicitée sur ce point par les professionnels de l'industrie culturelle.

Notre philosophie en la matière consiste à considérer que la loi HADOPI repose sur deux piliers qui doivent être préservés, quelles que soient les recommandations et les évolutions qui pourraient intervenir.

Le premier pilier consiste à redire à tout le monde qu'accéder illégalement aux contenus, ce n'est pas bien, qu'il s'agisse du téléchargement en peer to peer ou en direct, ou même du visionnage en streaming. Il existe différentes manières de dire que ce n'est pas bien : on peut se contenter de le dire, on peut mettre une amende, on peut mettre en place une riposte graduée, on peut éventuellement judiciariser, etc. Le champ des possibilités est vaste.

Le deuxième pilier, c'est la lutte active contre les brigands. On oublie parfois de le dire, mais le téléchargement direct et le streaming sont l'oeuvre de grandes organisations criminelles du numérique, les mêmes qui proposent également de la pornographie, voire de la pédopornographie, de la vente de drogue en ligne, qui attirent les internautes sur des sites où l'on se fait contaminer par des virus dits discrets, qui s'installent sur vos ordinateurs à votre insu dans le but de constituer des bases massives d'informations que ces organisations revendent.

L'enjeu en la matière – qui n'est pas seulement français, mais européen – consiste à mobiliser des moyens technologiques d'enquête afin de lutter contre ces organisations qui nuisent à la confiance numérique et à notre industrie culturelle. Pour moi, il est tout aussi important de dire aux jeunes et aux familles qu'il ne faut pas télécharger illégalement, que de lutter activement contre les brigands. Mon secrétariat d'État aura à coeur de maintenir l'équilibre entre, d'une part, une lutte active au bon niveau de compétence technologique, d'autre part, une démarche pédagogique à l'intention des familles. En tout état de cause, je ne serai jamais dans une position caricaturale consistant à n'agir que sur l'un des deux fronts. Je veux que l'on soit très ferme d'un côté, et très présent et pédagogue de l'autre.

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