Le soutien aux entreprises numériques dans les quartiers populaires est pour le Gouvernement un sujet essentiel, qui soulève deux questions : comment aider ces entreprises à naître et grandir ? Comment les accompagner jusqu'à la conquête des marchés internationaux ?
Aujourd'hui, une grande partie des fonds libérés pour la French Tech sont utilisés avec des cofinancements apportés par les collectivités, notamment dans des « fonds de fonds », des fonds d'accélérateurs qui ont permis de faire émerger de nombreuses start-ups partout sur le territoire – un peu moins dans les quartiers populaires, il faut le reconnaître. On assiste depuis quelque temps à une certaine prise de conscience de la nécessité de disposer partout de ces accélérateurs très innovants, y compris dans les quartiers populaires – ce qui est venu contredire l'idée un peu biaisée qui prévalait jusqu'alors, selon laquelle il fallait placer les accélérateurs d'associations dans les quartiers populaires, et les start-ups très innovantes dans les quartiers allant un peu mieux.
Mettre cette nouvelle conception en pratique a été l'occasion de constater que l'implantation de start-ups dans les quartiers populaires pouvait donner de très bons résultats. À cet égard, le cas du XIXe arrondissement de Paris – celui où j'habite et où j'ai été élu – est très intéressant. Dans cet arrondissement qui est le plus pauvre de Paris, l'agence de développement économique Paris & Co a surpervisé la création de plusieurs incubateurs, qui ont permis l'arrivée de très nombreuses start-up, créées par des habitants du quartier – ou d'Aubervilliers, de l'autre côté du périphérique. Je trouve que ces dispositifs sont très intéressants, surtout French Tech Diversité, lancée l'année dernière, qui a permis de financer trente-cinq start-ups disposant d'une proof of concept (preuve de concept – POC) et qui devrait permettre d'en financer deux fois plus durant l'année à venir. Son objectif est de continuer à croître afin de faire émerger toujours plus de projets de ce type dans les quartiers populaires, et de les accompagner jusqu'à ce qu'ils soient en mesure d'aller conquérir le marché national et les marchés internationaux.
Comment amener nos start-ups jusqu'à l'international ? Comme vous le savez, la politique internationale de la French Tech est copilotée par Business France. Lorsque le nouveau président et le nouveau directeur général de cette agence m'ont fait part de leur vision à court et à long terme, j'ai pu constater que nous étions d'accord sur le fait que l'enjeu, c'est que les entreprises de la nouvelle économie, mais aussi certaines entreprises de l'économie traditionnelle en train de se transformer, puissent partir à l'export plus rapidement qu'hier. Elles peuvent le faire soit physiquement, soit depuis la France, et cela va constituer un véritable enjeu pour nous que de favoriser les politiques dites « export », c'est-à-dire de mobiliser des moyens depuis la France pour vendre en Chine, en Afrique et dans tous les territoires, notamment grâce à des plateformes alternatives qui ne sont pas les grandes structures que nous connaissons. Cet enjeu constitue l'un des chapitres du plan de transformation numérique des TPE et PME que j'ai annoncé lundi à Bercy.
Pour ce qui est de la présence africaine, Emmanuel Macron se rendra dans les mois qui viennent dans un pays – je ne le dévoilerai pas, car il préférera sans doute le faire lui-même (Sourires) – où il sera sans doute question de l'innovation numérique en Afrique. Lors du récent sommet France-Sénégal à Paris, j'ai pu m'entretenir avec le ministre de l'économie sénégalais de l'économie numérique, du pacte numérique entre la France et le Sénégal, et des possibilités offertes aux start-ups françaises basés au Sénégal d'aller conquérir la francophonie. Il y a là un enjeu intéressant, celui d'entreprises nées dans un contexte différent du nôtre et apportant de ce fait une diversité dans la capacité à entreprendre, mais qui affichent une priorité intéressante pour nous, à savoir la volonté de conquérir le marché mondial virtuel de la francophonie, un marché de plusieurs centaines de millions de personnes à travers le monde.
Sur l'accompagnement des collectivités dans la transformation numérique de l'État, j'ai pris part au début du mois à un colloque sur le numérique organisé en Bretagne. Cette région fait partie des plus innovantes, celles qui collaborent le plus au programme de développement concerté de l'administration numérique territoriale (DCANT), c'est-à-dire le projet de collaboration entre la DINSIC et les collectivités territoriales, qui réfléchit aux moyens de faire en sorte que des outils créés au niveau national puissent servir à ces dernières. La Bretagne est la première région à avoir expérimenté la mise en place des marchés publics simplifiés. Ce dispositif, développé par une start-up d'État dans mes services, au sein de la DINSIC, permet à une PME de postuler à un marché public simplement en indiquant son numéro SIRET : elle est identifiée automatiquement, et n'a aucun autre papier à fournir avant de parvenir à la phase finale – où elle doit remplir un formulaire et justifier du fait que ses déclarations fiscales et déclarations sociales sont à jour. Ce système, qui fonctionne très bien, constitue un bel exemple d'accompagnement des collectivités.
Le DCANT est à la fois un processus, une réunion, un service dépendant de mon secrétariat d'État, et des personnes dans les administrations, qui travaillent ensemble à définir les priorités pour les collectivités de ce que l'État devrait faire pour elles. Ce processus, qui marche bien et où sont représentés tous les niveaux des collectivités, nous permet de définir chaque année les priorités de l'année à venir – dans ce cadre, les marchés publics simplifiés avaient été identifiés comme une urgence absolue. J'en profite pour indiquer que nous avons mis le dispositif des marchés publics simplifiés à la disposition du Partenariat pour un gouvernement ouvert (PGO), partenariat mondial associant près de 71 pays où la France joue le rôle de leader, et qui vise à diffuser et à massifier les pratiques de gouvernement ouvert permises par le numérique. Ainsi certains pays expérimentent-ils actuellement le dispositif des marchés publics simplifiés, afin de lutter contre la corruption au quotidien. Le fait pour la France d'offrir à la communauté internationale un dispositif d'innovation numérique destiné à servir à tous constitue, pour notre pays, une nouvelle façon de faire rayonner notre engagement à l'étranger.
La question de la protection des mineurs rejoint celles que nous avons évoquées tout à l'heure sur la haine et les comportements incivils sur internet, ce qui doit nécessairement nous conduire à nous interroger sur les relations et les engagements que nous devons avoir avec les plateformes. J'échange très régulièrement avec le ministre de l'intérieur sur ce qui constitue à mes yeux un enjeu essentiel, à savoir l'augmentation de notre capacité à lutter contre les comportements dangereux sur internet, notamment en faisant intervenir davantage de personnes à cette fin.
Je ne me place pas sur le terrain de la morale, mais simplement sur celui de la lutte contre les brigands. Plutôt que de chercher à déterminer ce que les mineurs devraient voir ou ne pas voir, je veux mettre des bâtons dans les roues à ceux dont le travail consiste à mettre des contenus terribles à la disposition de n'importe qui, sans aucun contrôle sur l'âge des personnes qui accèdent à leurs sites : on doit tout faire pour empêcher ces individus de nuire et, pour cela, il faut pouvoir les obliger à fermer leurs sites. C'est en agissant de la sorte que nous ferons preuve de la plus grande efficacité : toute attitude qui viserait à imposer encore plus de contrôle dans les familles sera évitée. On a parlé tout à l'heure de télécommandes de téléviseurs, ce qui me rappelle que lorsque j'étais plus jeune et que mes parents me confisquaient une télécommande, j'en sortais une autre que je tenais en réserve et que j'avais reprogrammée !