Intervention de Mounir Mahjoubi

Réunion du mercredi 25 octobre 2017 à 16h55
Commission des affaires économiques

Mounir Mahjoubi, secrétaire d'état auprès du premier ministre, chargé du numérique :

Aujourd'hui, on a affaire à une génération qui va encore plus vite et qui aura donc toujours une longueur d'avance, ce qui fait que toute tentative d'intervenir sur ses comportements est vouée à l'échec.

On m'a demandé hier si j'ai déjà téléchargé illégalement un film : en fait, cela ne m'est pas arrivé depuis très longtemps, et je l'ai fait à une époque où l'offre légale n'était pas au niveau. Aujourd'hui, je suis abonné à toutes les plateformes légales, j'achète de la vidéo à la demande (VOD) payante très souvent et j'invite tout le monde à en faire de même – je le dis très fort à l'intention de l'industrie –, puisque nous avons la chance d'avoir une offre de bon niveau et qui se développe régulièrement. Cela dit, il peut arriver que l'offre légale ne soit pas suffisante ou que les plateformes officielles ne fonctionnent pas correctement, et dans ce cas je peux comprendre la tentation de certains d'aller voir ailleurs…

Le sommet numérique qui s'est tenu le mois dernier à Tallinn a été l'occasion de prendre l'engagement d'accélérer la capacité des États à créer les opportunités du marché unique numérique dont nous parlons depuis bientôt dix ans, et dont on ne voit pas encore poindre les effets attendus sur notre économie. Constatant que nous n'avons atteint l'objectif fixé que sur quelques-uns des dix-huit chapitres initialement définis, nous avons pris à Tallinn la décision d'augmenter le nombre de Conseils de l'Union européenne consacrés aux télécommunications, afin d'avancer plus vite sur la conclusion des dispositifs et des chapitres sur lesquels il est possible de trouver rapidement une solution. Peut-être en arriverons-nous à la conclusion qu'il est inutile de continuer à débattre aussi longtemps sur certains chapitres, mais que nous pouvons dès maintenant partir à la conquête des autres espaces du marché unique numérique, et nous demander comment créer plus d'opportunités au quotidien.

Après le Conseil « télécoms » qui vient d'avoir lieu, le prochain se tiendra en décembre, puisque tous les pays membres souhaitent qu'il y en ait un tous les deux mois, pour essayer de rattraper notre retard. Différents sujets ont vocation à être évoqués prochainement, notamment celui des infrastructures, dont j'ai parlé tout à l'heure : c'est un sujet parallèle mais très important, car en l'absence d'infrastructures de très bonne qualité sur tout le territoire de l'Union, nous ne pourrons pas avancer à un rythme satisfaisant.

Sur certains sujets, nous devrions pouvoir trouver une solution avant la fin de l'année. Je pense notamment au règlement relatif aux télécommunications qui, pour la première fois, devrait donner lieu à une harmonisation des pratiques relatives à l'attribution des licences, aux exigences demandées aux opérateurs dans le cadre du transfert des consommateurs d'un pays à un autre, ou encore à la portabilité des données : sur tous ces sujets, nous devrions pouvoir avancer rapidement.

Pour ce qui est de la libre circulation des données (free flow of data), la France a proposé une position de consensus à laquelle ont adhéré quasiment tous les pays, et je pense que nous parviendrons à des conclusions avant la fin de l'année 2017. S'il est plusieurs sujets sur lesquels nous avons réussi à anticiper, de nouveaux arrivent déjà, qui menacent de nous dépasser. Je parlais tout à l'heure au Sénat de l'intelligence artificielle, de la question de la standardisation des données ou de la capacité, de la portabilité des données entre les plateformes, ou encore de la portabilité des donnée personnelles vers les plateformes industrielles : ces questions, qui ne sont pas encore à l'ordre du jour de la Commission, constituent pourtant un enjeu essentiel de nos économies dans les mois et les années à venir.

La France a fait une proposition qui a suscité l'intérêt de la Commission, au point que c'est elle qui soumet maintenant cette proposition aux autres pays : l'idée d'un observatoire des pratiques des plateformes. Nous sommes convaincus que l'émergence d'un marché unique numérique et des opportunités numériques pour les entreprises naîtra d'une compréhension profonde de l'économie des plateformes, qui doit conduire le législateur, et les décideurs politiques dans leur ensemble, à créer les conditions d'une concurrence de bon niveau dans l'espace numérique. Aujourd'hui, il est très compliqué pour un nouvel opérateur, un nouveau fournisseur de services ou de produits, de bénéficier pleinement du marché unique européen et du marché francophone numérique. Savoir créer le bon contexte pour cela représente un véritable enjeu ; de ce point de vue, le sujet de la législation fiscale s'appliquant aux grands acteurs internationaux participe de cet équilibre concurrentiel entre les acteurs nouveaux et les acteurs déjà présents et majoritaires.

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