Il s'agit par là d'éviter la mise en danger de nos démocraties. Si les citoyens ne sont pas suffisamment formés, alors nos ennemis utiliseront ces armes contre nous. Vous avez pu constater toutes les tentatives de manipulation de l'opinion aux États-Unis, mais aussi en France, en Allemagne… Si les citoyens sont avertis, nos attaquants s'en trouveront découragés.
J'en viens aux freins à l'utilisation des services publics numériques. Vous avez raison : nous avons quinze identifiants et mots de passe mais aussi une quinzaine d'interfaces différents. Même celui qui a du mal avec internet saura que lorsqu'il se connecte à Ameli, la barre de connexion se situe sur la gauche, et qu'il doit cliquer sur « dossier » pour récupérer son dossier ; mais quand il se connecte au site de Pôle emploi, la barre est sur le haut de l'écran ; quand il voudra consulter le site de la caisse d'allocations familiales (CAF), elle sera à droite… Et quand il voudra payer ses impôts en ligne sur le site du Trésor public, c'est une fenêtre de couleur verte et non une barre à laquelle il aura affaire ! Du coup, non seulement on a des identifiants différents, mais on est face à des logiques de navigation différentes, si bien qu'on doit se renouveler en permanence pour continuer d'être capable de naviguer.
J'ai lancé un comité des directeurs des systèmes d'information (DSI) que je réunis toutes les six semaines. Parmi les différents groupes de travail qui le composent, l'un concerne l'expérience utilisateur (UX). Tous les opérateurs et les administrations qui fournissent des services publics numériques sont invités à partager les objectifs de transformation. J'espère ainsi obtenir rapidement des résultats concernant la simplification, l'accessibilité et surtout la trajectoire d'unicité des interfaces officielles. Il faut en effet que l'utilisateur ressente qu'il a affaire à une interface officielle. Prenez les formulaires Cerfa : on peut en dire tout ce qu'on veut, mais les cases ont toutes la même forme, le bloc-nom est toujours au début, le bloc-signature toujours à la fin du document, quand on voit la petite grille on sait qu'on doit écrire une lettre par case… si bien que l'utilisateur en a pris l'habitude, que le formulaire soit vert, violet ou gris ; il n'a pas besoin de réapprendre à chaque fois comment le remplir. Ce n'est pas du tout ce qu'on a fait pour l'espace numérique ; on ne l'a pas normalisé – le mot fait peur, mais la normalisation permet la simplification des procédures. Ce sera donc un enjeu essentiel du programme Action publique 2022. J'ai demandé à chaque administration d'identifier les interfaces les plus utilisées par les citoyens et de travailler sur ces dernières dès l'année 2018 afin de commencer à obtenir des résultats.
Reste que je souhaite qu'on se connecte de façon unique, ce qui revient à votre question, monsieur Bothorel, sur l'identité unique. Je vous l'ai annoncé, la plateforme numérique de l'État comprendra trois briques : une identification unique, un bloc de compatibilité et un bloc de sécurité. Le Premier ministre nous a demandé, au ministre d'État, ministre de l'intérieur et à moi-même, de travailler sur l'identification unique numérique. Un des scénarios possibles est celui de la carte d'identité numérique, mais il en existe d'autres. L'enjeu du groupe de travail commun au ministère de l'intérieur et au secrétariat d'État chargé du numérique est d'explorer différentes solutions permettant une identification de niveau faible facile à mettre en place et une identification de niveau fort permettant d'offrir des services beaucoup plus sécurisés. Certaines démarches ne nécessitent pas qu'on vous pose trois questions, qu'on vérifie votre puce : quand on veut simplement se connecter à son espace sans vouloir apporter de modification, il vaut mieux que son accès soit rendu facile – l'utilisateur ne doit pas être dissuadé de se connecter. En revanche, le vote est un acte grave qui justifiera qu'on demande plus d'éléments pour toute modification de son dossier en ligne. Je préfère qu'on parle de l'expérience plutôt que des objets. Je m'engage donc sur le fait que l'État proposera une expérience publique d'identification unique à deux degrés – un simple et un complexe, très sécurisé – dans le courant de l'année 2018.
Pour ce qui concerne la redéfinition des zones blanches en montagne, M. Julien Denormandie vous a présenté les travaux en cours. C'est encore un problème de thermomètre : dans les régions de montagne, les cartes étaient fausses. Ces zones combinent un grand nombre de critères à cause desquels les réseaux sont plus complexes, qu'il s'agisse du relief, de la faible densité de la population, des distances… Et tout est réuni aussi pour que l'on fasse moins d'efforts à chercher l'information. Du coup, ces zones sont les moins bien représentées sur les cartes et les moins représentatives de l'analyse de la qualité des réseaux. Le premier engagement à prendre concerne la méthode d'utilisation du thermomètre : dans les zones de montagne plus qu'ailleurs, nous devons nous montrer capables de mesurer la qualité de la couverture numérique.
Les règles d'urbanisme sont un grand sujet de préoccupation pour M. Julien Denormandie qui a demandé aux administrations d'identifier les freins à la mise en place des fameux pylônes dans les 3 000 communes identifiées, où dix-huit mois plus tard, on n'avait pas encore vu le début de leur édification… Divers éléments sont avancés : les procédures de contestation, les procédures d'audit et de contrôle et les procédures d'urbanisme. Les élus vont se mobiliser en faveur de la connectivité de leur territoire mais, au moment où l'antenne arrive et où on va délivrer l'autorisation, leurs administrés découvrent que l'exposition aux ondes sera plus importante, ce qui amène parfois à devoir refaire une consultation. Ce temps est nécessaire : il faut avoir un dialogue franc, il faut mesurer le risque potentiel, prendre en compte les sensibilités, mais il ne faut pas qu'il soit instrumentalisé. Il m'arrive de recevoir des lettres de citoyens nous demandant de les laisser tranquilles dans leur territoire sans ondes, ils ne veulent pas entendre parler de la couverture de 100 % du territoire. Il faut absolument les écouter et réfléchir à ce que nous allons faire. Si des territoires, avec leur élu, décident de ne pas demander de couverture, il faudra décider ce qu'on en fait… Et il y en a un peu partout. Mais il ne faudra jamais que les délais d'autorisation soient prolongés pour de mauvaises raisons.
Je vous indique que je vais inaugurer un nouvel établissement de sécurisation des petites et moyennes entreprises…