Des chiffres ont été cités, notamment celui d'un ordre de grandeur e d'une soixantaine de milliards d'euros, donc l'écart est élevé. Mais encore une fois, nous nous gardons de faire porter la discussion sur un chiffre, nous pensons qu'elle doit porter sur le périmètre des obligations financières et juridiques du Royaume-Uni en tant qu'État membre ayant souscrit des engagements ou devant participer à l'apurement des décisions auxquelles il a pris part. La tentation britannique est de lier le règlement de cette question financière à la négociation sur le statut futur. Le Chancelier de l'Échiquier l'a dit assez ouvertement et explicitement : le paiement britannique peut permettre d'acheter l'accès au marché intérieur et la reconduction du passeport européen pour les activités financières. La réaction des « vingt-sept » et celle de Michel Barnier à cette tentation est claire et stricte : il n'est pas question de mélanger les questions relatives au règlement des engagements passés et celles concernant le statut futur. C'est une des raisons pour lesquelles nous tenons, avec l'ensemble de nos partenaires qui témoignent de la même fermeté, à dissocier les deux phases des négociations.
Vous m'avez interrogé sur la suite, Madame la Présidente. Le Conseil européen, a exprimé sa disponibilité à constater en décembre que des progrès suffisants ont été accomplis, mais cela dépendra de ce que les Britanniques consentiront sur chacun de ces trois sujets et de l'évaluation qu'en fera notre négociateur. Si ce n'était pas le cas, un nouveau rendez-vous serait pris pour janvier ou février prochain, mais il est clair que le temps sera de plus en plus compté par rapport à l'échéance fixe et impérative de mars 2019. D'aucuns spéculent aujourd'hui non pas sur l'effectivité de la sortie du Royaume-Uni, mais sur les conditions de sa sortie, avec ou sans accord. Nous avons toutes les raisons d'espérer qu'un accord sera trouvé pour éviter un désordre économique et juridique, même si le Royaume-Uni en pâtirait davantage que les « vingt-sept ».
Un mot à présent sur la Turquie. Il n'y a pas eu de conclusions écrites sur la question, car c'est toujours un sujet sensible, mais vous vous souvenez sans doute de la demande de Mme Angela Merkel, exprimée lors de la campagne électorale en Allemagne, d'avoir un débat sur l'état des relations avec la Turquie. Elle avait formulé cette demande en termes forts, puis l'a atténuée ensuite, mais la préoccupation vis-à-vis de la Turquie et de ses autorités depuis deux ou trois ans et surtout depuis la tentative de coup d'État l'année dernière est très largement partagée. On peut résumer en trois points les discussions qu'ont eues sur cette question les chefs d'État et de gouvernement. Premièrement, le constat d'une dérive préoccupante des autorités turques est dressé par tous.. Deuxièmement, l'état d'esprit très majoritaire est d'éviter d'aller vers une rupture des relations avec la Turquie, car c'est un partenaire nécessaire, notamment dans la gestion des flux migratoires, les efforts de stabilisation au Proche-Orient et la lutte contre le terrorisme. La place géographique et géostratégique de la Turquie en fait, dans bon nombre de domaines, un partenaire ou un interlocuteur essentiel. Troisièmement, la volonté de non-rupture ne signifie pas complaisance et il faut exprimer fortement et fermement nos préoccupations vis-à-vis des autorités turques.
De manière plus précise, les chefs d'État et de gouvernement ont constaté que les conditions n'étaient pas réunies pour un engagement supplémentaire vis-à-vis de la Turquie. Cela signifie, premièrement, que les négociations qui avaient été proposées pour la modernisation du Traité d'Union douanière ne sont pas d'actualité. Deuxièmement, les conditions ne sont pas non plus réunies pour aller dans le sens de la libéralisation des visas. Vous vous souvenez qu'il y a eu des négociations en ce sens engagées depuis deux ans avec des critères et des conditions qui ne sont pas respectés du côté turc. La troisième question est celle de la poursuite de la négociation d'adhésion de ce pays à l'Union européenne. De facto, le processus de négociation est gelé à l'heure actuelle. Faut-il pour autant officialiser cette situation et en prononcer l'arrêt ? En dépit du fait que les conditions ne sont pas remplies pour s'engager plus avant avec la Turquie, l'état d'esprit général était au cours du Sommet de considérer que l'Union ne trouverait aucun intérêt à prendre l'initiative d'une décision à caractère de rupture unilatérale. En revanche, il y a eu consensus pour demander à la Commission européenne d'étudier une réduction des versements des fonds de pré-adhésion en raison de la situation de l'état de droit d'ici le prochain Conseil européen du mois décembre 2017. Enfin, il a été constaté que la mise en oeuvre de l'accord sur les flux migratoires de mars 2016 correspond à l'intérêt mutuel et doit être poursuivie, ainsi que la coopération de la Turquie avec l'Union européenne dans la lutte contre le terrorisme.