Le Canada est un très bon modèle, particulièrement réputé pour l'excellence de son agence nationale de la recherche, avec un taux de sélection plus proche de 60 % que de 16 %. Quand on présente un bon dossier à un appel à projets compétitif au Canada, on sait qu'on a une bonne chance de remporter cet appel. Cela permet d'éviter le syndrome du chercheur qui passe son temps à rédiger des projets, en étant obligé de candidater à toutes sortes d'appels d'offres parce que le taux de sélection est trop bas.
Le Canada bénéficie aussi de plusieurs outils, dont un très intéressant : il s'agit d'un organisme qui apporte aux entreprises des informations sur les recherches en cours et sur la façon dont elles pourraient se les approprier. Il s'agit d'une coopération proactive entre le monde de la recherche et le monde économique.
La France souffre historiquement d'un défaut de coopération important entre la recherche et l'entreprise, et entre le public et le privé : elle dispose d'une très bonne recherche publique et d'une très bonne recherche privée, mais avec trop peu de passerelles entre les deux. Cela fait partie des problématiques à résoudre. Le plan annoncé en septembre 2018 est encore à ses débuts, et il est trop tôt pour obtenir des évaluations et des réponses.
Je vais illustrer les inquiétudes par rapport à l'Europe par les propos prononcés par le secrétaire général de l'Institut des hautes études scientifiques, l'un des organismes de recherche fondamentale les plus réputés en France : « L'Europe, il faut s'en méfier comme de la peste ». C'était le cri du coeur de quelqu'un qui sait que candidater à un programme européen expose à des contrôles stricts, tatillons, et le cas échéant à des mises en demeure de rembourser des fonds, etc. C'est arrivé à l'Institut des hautes études scientifiques, et cela a failli les mener à la faillite. Les questions de procédure dans le cadre des appels à projet européen sont très redoutées ; se lancer dans un appel à projets européens implique de disposer de compétences affûtées sur les règles européennes et sur le droit du travail et de la recherche européens, etc. L'un des volets du plan était précisément de renforcer l'accompagnement des chercheurs dans ces domaines.
Le rapport du premier groupe de travail, détaille quelques-uns des grands axes du plan annoncé par Mme Frédérique Vidal en septembre 2018 à savoir inciter les chercheurs à répondre aux appels d'offres ; les accompagner dans ces réponses ; exercer une influence au niveau européen.
Nous savons que les chercheurs scientifiques français sont trop peu nombreux à investir le temps nécessaire, à Bruxelles ou dans les autres lieux de décision européen, pour influer sur la marche des choses en Europe. Nous en avons besoin.
Nous avons constaté que le statut de l'ANR était controversé. Certains considèrent qu'il faut la supprimer, parce qu'elle introduit trop de compétition et qu'elle s'oppose aux outils de financements récurrents, notamment aux budgets du CNRS et des autres organismes ; d'autres considèrent au contraire qu'il faudrait lui donner les clés de la recherche. Ma conviction est qu'il faut trouver un équilibre entre les deux. L'augmentation budgétaire que nous proposons à son bénéfice est très significative. Au regard de son budget actuel, une augmentation de 500 millions à 2 milliards du budget de l'ANR est très significative.