Intervention de Cédric Villani

Réunion du mercredi 6 novembre 2019 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCédric Villani, rapporteur :

Se lancer dans une entreprise de simplification risque de nous conduire à une complexité encore supérieure, comme cela s'est vu dans d'autres domaines de la vie publique ces dernières années. Nous devons tâcher d'améliorer les modes de fonctionnement et la fluidité des acteurs et décider, chaque fois que cela est possible, de donner le leadership à une tutelle.

Le gouvernement a mandaté l'INRIA pour piloter la mise en oeuvre des préconisations du rapport sur l'intelligence artificielle en matière de recherche et cela bien fonctionné. L'INRIA a joué le rôle d'opérateur actif, là où l'INRA, le CNRS et d'autres acteurs auraient pu chacun prétendre à prendre part au pilotage.

Les sciences humaines et sociales doivent être valorisées dans la programmation, en particulier en trouvant un équilibre entre le financement des recherches en sciences humaines et sociales en elles-mêmes, et leur financement en tant qu'activité transverse venant en complément et en interaction avec des sciences dites « dures ». C'est potentiellement vrai pour l'intelligence artificielle : le bon dosage des projets de recherche en IA repose sur une moitié de sciences humaines et sociales et une moitié de sciences exactes, que ce soit l'algorithmique, les mathématiques, la physique, la robotique ou d'autres domaines.

Le sujet du déménagement de l'INRIA à Saclay, qui me touche aussi en tant que député de l'Essonne, constitue un exemples de cas où la mise en oeuvre d'un grand projet de recherche et d'interactions, faite de façon descendante par l'État, s'est heurtée à des complications extraordinaires, et dans lequel nous avons sous-estimé les facteurs extérieurs à la recherche, tels que le développement économique local, les infrastructures de transport, les interactions avec le complexe millefeuille administratif, et les enjeux de politique locale. Cela nous renvoie à la nécessité d'avoir un ministère fort, avec des pouvoirs aussi étendus que possible, pour piloter une telle opération. Cela n'était pas le cas. L'action publique était tellement dispersée que les retards ont été considérables.

Les outils et structures d'aide à la valorisation de la recherche - qu'il s'agit de SATT, ITE ou autres - marchent au mieux mal, au pire très mal. Les SATT fonctionnent mieux que d'autres, mais n'atteignent pas le niveau espéré il y a dix ans, lors de la mise en place de cet écosystème. La vérité est qu'il s'agit d'une question culturelle, et qu'on ne peut répondre à un problème culturel par la création de structures ; cela ne fonctionne pas.

Ces structures venant jouer un rôle d'intermédiaire entre le monde de la valorisation et le monde de la recherche jouent aussi un rôle d'isolation. Elles ont parfois leurs intérêts propres, qui s'opposent aux intérêts de la structure qu'elles doivent défendre. Plutôt que de créer des structures, nous devons introduire dans les laboratoires de recherche et les universités des personnes ayant double culture du monde de l'université et du monde de l'innovation et de la valorisation. Ces personnes, par leur culture, peuvent faire office de ponts.

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