Intervention de Gérard Collomb

Réunion du mardi 24 octobre 2017 à 17h05
Commission élargie : finances - lois constitutionnelles

Gérard Collomb, ministre d'état, ministre de l'intérieur :

Madame Lacroute, j'ai toujours déploré qu'on change d'opinion très vite lorsque l'on passe de la majorité à l'opposition – et vice-versa. Ainsi la mesure que l'on trouvait bonne lorsqu'on appartenait à la première de ces composantes devient objet de critique quand on fait partie de la seconde. Je vous rappelle tout de même que la charge de la dette s'élève chaque année à 48 milliards d'euros, soit davantage que le budget de beaucoup de nos ministères. Encore cela n'est-il possible que grâce à des taux d'intérêt bas, mais la politique monétaire risque de changer maintenant que la croissance revient.

Les taux sont déjà en train de remonter. Je m'en rends compte au niveau des collectivités locales. Les taux où elles empruntent aujourd'hui sont déjà supérieurs, d'un petit delta, à ceux où elles empruntaient il y a six mois. Pour l'État, c'est pareil, et nous serions alors à la merci de dérapages incontrôlés. La France ne doit pas se retrouver sous programme du Fonds monétaire international (FMI). Je pense donc qu'il faut faire baisser les dépenses de l'État et des collectivités locales, de manière intelligente. C'est ce que je vais essayer de faire dans nos préfectures.

Dans nos métropoles, il y a beaucoup de communes petites. Elles ont chacune leurs services de ressources humaines et d'achat. Il me semble intéressant de mutualiser ceux-ci, ce qui ne réduit pas le service au public. Il en va de même pour l'État ; la mutualisation de ses services me semble faisable et c'est un point auquel je vais m'attacher.

Monsieur Bruneel, vous avez parlé de « sites frauduleux » – je préfèrerais, pour ma part, parler de sites payants, car ils ne sont pas tous frauduleux, du moins je l'espère. En tout cas, nous avons fait de la lutte contre la fraude l'une de nos priorités. Dans chaque préfecture, il y a désormais un référent anti-fraude. Des moyens nouveaux sont mis à disposition : un algorithme permet ainsi de détecter des cas suspects. Grâce à lui, les services d'immatriculation procèdent à des vérifications en temps réel. Nous avons aussi un dispositif d'authentification des justificatifs de domicile.

Nos fichiers internationaux sont alimentés par les données relatives aux titres perdus et volés transmises par le système Schengen et par Interpol. Nous avons mis en place une application appelée DOCVERIF, qui permet aux services de police de vérifier en mobilité la validité des cartes nationales d'identité et passeports présentés lors des contrôles d'identité.

Par ailleurs, la sécurisation de la chaîne de délivrance des titres a été améliorée par plusieurs procédures. La transmission dématérialisée des actes de naissance entre les communes et les préfectures, via COMEDEC, deviendra obligatoire au 1er novembre 2018. Pour les cartes nationales d'identité, le recours au fichier TES, permet de confronter les informations contenues dans le système avec celles qui sont présentées par le demandeur. Enfin, la spécialisation de nos deux centres de ressources, à Paris et Nantes, nous permet, sur la procédure à risque d'échanges de permis étrangers, de pouvoir agir préventivement.

Sur la fraude, je vous livre quelques chiffres. En 2016, non moins de 4 733 demandes frauduleuses de titres de séjour ont été détectées, 2 155 échanges frauduleux de permis de conduire ont été évités, 2 245 tentatives frauduleuses d'obtention d'une carte d'identité ont été déjouées, 1 309 demandes de passeport frauduleuses ont été détectées et plus de 1 000 cas d'usurpation d'identité instruits, résolus, et transmis à la justice.

Madame Lorho, s'agissant du financement des partis politiques, je suis partisan de mesures transparentes, mais je reconnais le besoin de financer la vie politique. À une époque de notre histoire, des députés se sont battus pour que l'on finance la vie politique, de sorte qu'il n'y ait pas que les gens fortunés qui puissent y participer. Dans un système politique démocratique, ce financement doit exister.

En outre, je suis contre le dénigrement de la politique, le politic-bashing. Que l'on agisse contre ceux qui agissent frauduleusement, mais qu'on ne les confonde pas avec la grande masse des élus qui, en général, s'engagent en politique parce qu'ils croient à des idées et non parce qu'ils veulent pouvoir s'enrichir. Certaines mises en cause frisent presque le grand n'importe quoi, d'ailleurs. Si l'on interrogeait leurs auteurs sur les difficultés qui peuvent exister dans leur propre écosystème, on en trouverait aussi quelques-unes. Le monde politique ne doit donc pas être, de manière permanente, l'accusé de la scène publique. Beaucoup de gens font de la politique parce qu'ils ont des convictions et veulent transformer le pays.

S'agissant du CIPDR, les associations concernées visent à lutter, non contre l'islam, Madame, mais contre l'islamisme radical, déviation de l'islam particulièrement régressive. Je rappelle que les attentats perpétrés par ses tenants ont fait le plus grand nombre de victimes dans des pays musulmans. Ne confondons pas le djihadisme avec un islam qui peut se pratiquer comme toutes les autres religions. À propos de la loi de 1905, Aristide Briand disait déjà qu'il s'agit d'une loi non pas de lutte contre les cultes, mais qui permet la liberté de croire ou de ne pas croire, la liberté de pratiquer le culte de son choix, pourvu qu'il respecte l'ordre public. Tout est dit dans cette définition à laquelle je me référerai toujours.

Monsieur Vigier, mon collègue Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires, répondra mieux que moi à vos interrogations sur les contrats de plan État-régions. Ma vision est plutôt décentralisée que verticale. La ligne de Jacques Mézard sera sans doute la même, vu son engagement en faveur d'instruments adaptés à la diversité de nos territoires.

Monsieur Bernalicis, il y a tous les ans des transferts d'un programme à l'autre de la mission. Quant à redéployer tous les emplois économisés, ce serait faire peu de cas de notre souci de la charge que représente la dette publique. Si l'on ne fait rien, cela finira mal. Un jour, nous aurons sans doute l'occasion de parler de la faillite de systèmes qui doivent leur chute au défaut de gestion de leurs comptes publics.

Sur la dématérialisation, je vous indique qu'elle aura lieu en interne, non en externe. Puisque vous croyez au service public, cela vous donne peut-être une garantie que les choses seront bien faites. Je sais moi aussi combien les fonctionnaires locaux sont formidables, et les fonctionnaires d'État tout autant. Ils sont tous très engagés.

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