Je vous remercie pour la qualité et le sérieux de ce débat. Il se clôt sur la parité, mais la question de départ, qui importe sur le plan juridique, est celle de la proportionnelle. Et dans cette enceinte où l'on écrit la loi, c'est bien le débat juridique qui doit nous guider.
Je ne reviens pas sur l'opportunité de la parité, j'ai répété dix fois que j'y étais favorable. Certaines associations d'élus se sont engagées. L'AMF a pris position, non sans difficulté, et en l'absence de consensus, ainsi que me l'a rappelé François Baroin. Que sa proposition soit ou non constitutionnelle, il appartient au Parlement, au Gouvernement et au juge constitutionnel d'en juger. Mon esprit taquin me pousse à rappeler aussi aux députés de la majorité que l'AMF leur demande de renoncer à la réforme de la taxe d'habitation : il arrive donc que ses positions ne soient pas forcément les mêmes que les nôtres.
J'ai entendu beaucoup d'arguments en faveur de la parité, et c'est bien naturel, puisqu'elle fait consensus. Sur le pluralisme, en revanche, je ne suis pas d'accord avec tous les intervenants. Madame la députée Anne Blanc, malgré ses multiples imperfections – tir aux pigeons, bazar généralisé –, le mode de scrutin dans les communes de moins de 1 000 habitants demeure très libre, donc très démocratique. On perd toujours à organiser les candidatures et il est bon qu'il n'y ait pas de contrôle préalable. Ainsi, chaque citoyen, dès lors qu'il est éligible, qu'il n'est pas en situation d'incompatibilité et qu'il a un suppléant qui remplit les mêmes critères peut être candidat aux élections législatives. C'est tout le débat sur les listes communautaires. Le pluralisme est largement garanti par le mode de scrutin actuel.
Monsieur le député Erwan Balanant, la rupture d'égalité existe potentiellement dans les pratiques politiques, mais elle n'existe pas en droit. N'importe qui peut déclarer sa candidature aux élections municipales. Pendant longtemps, les listes à la proportionnelle étaient des freins à la parité, parce que l'obligation de parité n'existait pas : la formation politique ou la tête de liste pouvait composer la liste comme bon lui semblait, avec autant d'hommes que souhaité, et rarement des femmes. C'est ce que le législateur est venu corriger en imposant la stricte parité dans les listes.
Dans les communes de moins de 1 000 habitants, n'importe quel citoyen, homme ou femme, peut être candidat. En droit, il n'y a pas de rupture d'égalité. Après, c'est un problème de pratiques. Les noms des femmes sont-ils plus souvent rayés que ceux des hommes ? Je n'en suis pas certain. En revanche, je suis convaincu qu'il est plus difficile pour une femme de se porter candidate. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle ce projet de loi comporte des mesures d'accompagnement. Il ne faut pas se raconter d'histoires, l'engagement des femmes, même lorsqu'il y a un scrutin de liste, tient à des détails comme l'heure des réunions de commissions, le jour du conseil municipal ou le délai de convocation – mille sujets qui ne relèvent pas de la loi.
Il n'y a pas de rupture d'égalité, et tous les arguments tendant à dire qu'il y aurait deux sortes de femmes, celles qui habitent dans les communes de plus de 500 habitants et les autres, ne sont pas fondés juridiquement. Ils sont valables sur le plan politique… comme tous les arguments d'ailleurs. Ce sur quoi nous devons trancher, et c'est la raison pour laquelle j'émets un avis très favorable sur les amendements du rapporteur, de MM. Bru, Houlié et Cazeneuve tendant à abaisser le seuil à 500 habitants, c'est le pluralisme. Le problème consiste à ne pas créer d'inégalité entre ceux qui peuvent avoir le choix entre plusieurs offres politiques, quand bien même il n'y en a qu'une, et ceux qui, quoiqu'il arrive, n'en ont qu'une. Ce n'est pas une moindre affaire, cela représente deux cents ans de combat.
Je n'essaie pas d'enjamber le Conseil constitutionnel, ou de le tutoyer sur la concurrence entre pluralisme et parité. J'appelle simplement de mes voeux un mécanisme qui fonctionne, qui ne risque pas d'être censuré. Une fois de plus, je ne pense pas que la parité soit secondaire, mais il faut concilier les objectifs constitutionnels. Le Conseil d'État et le juge constitutionnel se sont largement prononcés sur le sujet, grâce, d'ailleurs, à la majorité à laquelle vous apparteniez, madame la députée Cécile Untermaier. Il m'appartient donc de rappeler, en tant que ministre, que si un amendement abaissant le seuil à zéro habitant était adopté, ce serait certes une bonne nouvelle pour la parité, mais la disposition serait inconstitutionnelle.