Intervention de Didier Paris

Réunion du mercredi 20 novembre 2019 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Paris :

Au nom du groupe La République en Marche, je salue le travail du rapporteur, qui a donné des explications très techniques et très précises sur les modalités de construction de cette proposition de loi. Sur le fond, reconnaissons-le, le sujet est un peu ubuesque. Pour ma part, je me sens cependant très à l'aise dans l'obsolescence – peut-être programmée.

Le texte qui nous est présenté est plus technique que politique, en dépit de certaines tentatives – je vous renvoie aux six amendements déposés par Mme Ménard ou par le groupe La France insoumise. Il est sans doute nécessaire au plan de l'accessibilité et de l'intelligibilité de notre droit qui compte, de manière générale, trop de lois incompréhensibles. Quand elles ne servent plus à rien, il peut servir à quelque chose de les supprimer, comme le rapporteur l'a très bien expliqué. Pourquoi s'arrêter à une cinquantaine de lois obsolètes ? C'est l'étape transitoire d'un travail lui-même transitoire, puisqu'il y aura d'autres saisons…

Je retiens que toutes les lois budgétaires de 1850, 1856, 1870 et 1871 étaient assez simples à nettoyer. Qu'elles ne soient plus partie intégrante de notre droit positif ne gênera personne.

Cela étant, on peut aussi adopter un regard plus historique ou sociologique, sur l'existence de ces lois anciennes. S'y intéresser, c'est réaliser une plongée dans le passé. Cet inventaire à la Prévert est relativement intéressant parce qu'il reflète le sens de la vie sociale qu'avaient nos prédécesseurs.

Permettez-moi de prendre deux exemples.

Le premier texte que nous devons abroger, c'est la loi du 14 juillet 1819 sur le droit d'aubaine. Il permettait de spolier les étrangers de leur succession. Il venait du Moyen Âge. Dans le droit féodal de l'époque, le seigneur était propriétaire de ses terres, de même que des êtres qui la peuplaient. Par exemple, quand on abandonnait un enfant, comme c'était fréquemment le cas à l'époque, devant la porte d'une église ou d'une autre institution religieuse, l'éducation de l'enfant reposait sur les épaules du seigneur du lieu où il avait été déposé.

Ce droit d'aubaine s'appliquait aux étrangers. Or ils étaient nombreux sur nos foires – relisez seulement Chaunu, Le Goff, Duby ou Huizinga, pour la plupart médiévistes de l'école française des Annales qui ont bien montré cette relation permanente avec les étrangers. Le droit d'aubaine avait ainsi été amélioré pour en faire une taxe à 5 % qui évitait de spolier les étrangers à la succession, parce qu'on avait besoin de leur présence pour le commerce, dans les foires. Abrogé en 1789 par l'assemblée constituante, le droit d'aubaine a été réintroduit par le code civil de 1803, que la loi de 1819 supprime définitivement. Cela nous apprend beaucoup sur la vision du monde qui prévalait à l'époque.

Je prendrai pour deuxième exemple la loi du 25 avril 1872 interdisant toute fonction publique salariée aux parlementaires. Cela pourrait sembler un peu étrange, si nous ne nous reportions pas à la vision du XIXe siècle, telle que la développe Max Weber. À l'époque, on considérait que, pour être un parlementaire, il fallait être un notable ou un noble. Comme je l'ai noté, il disait d'ailleurs que les parlementaires étaient des « amateurs ou des dilettantes maîtrisant naturellement, du fait de leur position sociale, les ressources et compétences exigées par l'activité politique »… Cherchez l'erreur ! Naturellement, cela a beaucoup évolué.

Cela montre qu'en réalité, le travail de parlementaire n'en était pas un. Il n'était ouvert qu'à ceux – mais non celles – ayant une position sociale qui leur permettait d'en faire une sorte d'accessoire à leur vie courante. Cette situation a perduré pour la plus longue partie du XIXe siècle, jusqu'à la loi de suppression de 1872, prise sous la forte impulsion de Gambetta. Même s'il ne s'agit pas de reprendre l'exégèse de chaque texte, il peut être intéresssant d'observer la perception sociologique de l'époque.

Quant au texte que nous examinons aujourd'hui, le groupe La République en marche est évidemment favorable à l'objectif d'une législation plus efficace, plus simple et plus accessible. Nous souscrivons pleinement à la démarche des auteurs et du Gouvernement, et considérons que le texte, adopté par le Sénat, est consolidé, complet et exhaustif. Nous n'avons donc ni ajout, ni retrait, ni modification à opérer.

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