Pour un Seveso seuil haut, il y en a très peu qui s'installent et qui arrivent « tout neufs » sur le territoire. L'obligation est de rester dans les emprises du site. Si d'aventure, il y a un petit dépassement, des servitudes d'urbanisme s'appliquent. C'est circonscrit dès le début.
Là, nous étions sur des situations où les exploitants avaient mobilisé un foncier, parfois très important. De l'autre côté du mur, il y avait des maraîchers, des champs. Et tout d'un coup, des lotissements qui se construisent se rapprochent du mur, créant une situation telle que celle d'AZF. Il y avait en Normandie, en ex Basse-Normandie, cinq PPRT à faire. Ils sont tous approuvés. Il y en avait 15 à prescrire et à approuver en ex-Haute-Normandie. Deux ont été prescrits, parce que finalement, une usine a disparu et que l'autre a baissé ses stocks, de telle façon qu'elle est finalement en dessous du seuil, les risques étant réduits à la source. Un PPRT a été coupé en deux. Globalement, cela fait 16 PPRT, tous approuvés. Le dernier date de début 2019 : c'est celui de l'ancien site de la raffinerie ex-Petroplus, ex-Shell à Petit-Couronne avec, d'une part, le stockage et, d'autre part, le gaz Butagaz.
Pour ce qui est de Lubrizol, le PPRT a été prescrit le 6 mai 2010. Il a été approuvé le 31 mars 2014 et nous a conduits à deux choses, dont je pense qu'elles ont été extrêmement utiles pour éviter des morts et des blessés le 26 septembre 2019.
Premièrement, il y avait entre le hangar 4 et le hangar 5, ainsi que près de la rue de Madagascar, deux cuves de gaz de pétrole liquéfié. La cuve la plus grande était de 9 tonnes. Et il y avait, près de la rue de Madagascar, une cuve de 3,2 tonnes. Ces deux cuves étaient réglementaires mais elles nous ont paru extrêmement dangereuses en cas d'incendie. Nous le leur avons expliqué. Nous ne le leur avons donc pas forcément appris.
Il y a des vidéos avec des exercices consistant à faire chauffer une cuve de GPL de cette nature. Le feu se rapproche de la paroi métallique, affaiblit la résistance du métal. Pendant ce temps, le gaz qui est un intérieur, en phase liquide, chauffe. La pression augmente, et à un moment donné, la cuve s'ouvre en deux et libère une boule de feu, provoquant à la fois un incendie et une explosion. C'est ce qui a provoqué 18 morts à Feyzin, en 1966.
Nous leur avons vivement recommandé de supprimer les deux cuves, ce qu'ils ont accepté et réalisé. D'une part, ils ont remplacé ces deux stockages par une conduite de gaz naturel tirée depuis le réseau. D'autre part, puisqu'une partie de ce gaz naturel était destinée à alimenter les chariots élévateurs qui servent à bouger les fûts et à les installer sur palette dans les stockages, ils ont choisi des chariots électriques et des chariots avec des bonbonnes de gaz de 13 kilos, comme celles qui sont près de la cuisinière. Ce sont elles qui ont explosé au moment de l'incendie, ce qui a beaucoup traumatisé les riverains. Mais on peut penser, même si c'est difficile à expliquer, qu'il vaut mieux que ce soit des bonbonnes de 13 kilos qui aient explosé qu'une cuve de neuf tonnes qui aurait provoqué, je pense, de très nombreux décès.
C'est le premier effet du PPRT, qui a été qualifié de PPRT exemplaire – je le rappelle, parce que c'est un moment que j'ai apprécié– par un membre de la commission de suivi de site. C'était un membre de l'association France Nature Environnement qui s'est exprimé ainsi, lorsque nous avons fait la commission de suivi de site le 16 octobre 2019, la semaine dernière.
L'autre prescription que nous avons imposée à Lubrizol, et que Lubrizol avait réalisée, visait une cuve beaucoup plus petite, de 20 mètres cubes, d'acide chlorhydrique, nécessaire à leur process. Ils n'en ont pas besoin forcément de grandes quantités, mais ils avaient une organisation logistique qui consistait en une livraison annuelle de 20 mètres cubes. Or, quand l'acide chlorhydrique fuit, il diffuse dans l'air un gaz extrêmement dangereux pour la respiration, qui vous brûle la peau.
Nous leur avons dit de supprimer cette cuve, de réduire leur stock d'acide chlorhydrique et de le déplacer. » Ils l'ont remplacée par deux armoires, dont l'une contient quatre fûts, et l'autre deux fûts, qui chacun d'un mètre cube. Au lieu d'une cuve de 20 mètres cubes d'acide chlorhydrique, il y a un peu plus loin, 6 mètres cubes répartis dans deux armoires installées à deux endroits différents.
Cela leur a un peu compliqué la logistique de livraison, devenue hebdomadaire. Cette cuve n'était pas à l'endroit de l'incendie, mais elle aurait obligé les pompiers à la protéger, donc à avoir deux fronts : le front de l'incendie et, derrière eux la cuve d'acide chlorhydrique avec le feu… C'était clairement un risque accru.
Il faut se féliciter de la finalisation du PPRT de Lubrizol, qui a produit de pleins effets, parce que je pense qu'il a effectivement contribué à ce qu'il n'y ait, le 26 septembre,aucun mort et aucun blessé.