Intervention de Patrice Berg

Réunion du mercredi 23 octobre 2019 à 14h00
Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à rouen

Patrice Berg, Directeur régional de la DREAL Normandie :

Je vais essayer de regrouper les questions qui m'ont été posées pour être aussi synthétique que possible. La DREAL Normandie dispose des moyens nécessaires à l'exercice de ses missions. C'est tout à fait clair. Je rends compte des moyens qui sont mis à ma disposition, et en tant que haut fonctionnaire, je porte une appréciation sur le sujet. Depuis 2017, ces moyens sont préservés, en matière notamment d'inspection des installations classées.

Une circulaire du 24 juillet 2018, éminemment publique, sur la réforme de l'État, commence par lister les missions régaliennes qu'il convient de préserver, de consolider. Je fais partie de ceux qui ont été satisfaits de constater que le premier bloc de missions régaliennes, celles à consolider et à pérenniser, inclut la surveillance et la sécurité industrielle, et donc l'inspection des installations classées. Je viens de recevoir mes notifications de moyens pour 2020. Ils sont maintenus sur ce sujet. Ils l'ont été maintenus depuis 2017. Je vous en rends compte.

Nous sommes attentifs à cet égard. La DREAL Normandie, à mon initiative, est engagée dans une démarche qualité, parce que c'est le rôle des directeurs de savoir dans quelle orientation ils s'engagent. La fusion avec la DREAL de Basse-Normandie a eu lieu il y a bientôt huit ans. Je suis à Rouen depuis le 15 février 2012. J'ai été d'abord été DREAL Haute-Normandie, puis DREAL Normandie. J'ai décidé, dans le cadre de la fusion, d'engager ma maison dans une démarche qualité. Nous sommes certifiés ISO 9001 depuis juin 2017. L'AFNOR (Association française de normalisation) est revenue en juin 2019 pour nous renouveler cette certification. Dans les labels par l'AFNOR, il y a la prévention des risques technologiques.

Nous sommes labellisés ISO 14001 sur l'impact environnemental, y compris externe, de nos activités. Nous sommes également labellisés Marianne, pour notre attention portée à la répartition des moyens dont nous sommes bénéficiaires. Nous avons particulièrement veillé à bien calibrer le service d'expertise et d'appui qui s'appelle, dans une DREAL, le service risque, par rapport aux UD (unités départementales), qui sont au plus près du territoire et des exploitants. Nous veillons à ce que les UD aient les moyens de travailler et que le service risque, pour autant qu'il soit indispensable à l'expertise de ce qu'elles font, ne soit pas surdimensionné par rapport aux moyens dont elles disposent.

Je remercie et j'ai félicité le chef de l'UD Rouen Dieppe et ses collaborateurs et collaboratrices. J'ai réuni le 17 octobre, jeudi dernier, la centaine d'inspecteurs des installations classées de la DREAL, pour évoquer ce sujet. J'ai remercié tous ceux qui sont et qui ont été parties prenantes. Nous pouvons considérer que les moyens dont nous disposons sont bien utilisés.

Je rappelle que les deux indicateurs qu'un DREAL doit régulièrement regarder, sont le nombre de visites d'inspection par ETP (équivalent temps plein) travaillés et la fréquence des visites de chaque site. L'objectif national est de 20,7 par ETP. Nous avons fini 2018 à 20. L'UD Rouen Dieppe a dépassé la trentaine de visites d'inspection par inspecteur. Cela veut dire qu'ils ont effectivement fait beaucoup de visites.

Concernant la fréquence des visites de site, l'indication nationale est d'une visite par an. Si on y va quatre fois, trois fois ou huit fois, c'est qu'il y en a besoin. Il n'y a pas de qualificatif à apporter sur l'exploitant considéré. Il y a besoin que les prescriptions réglementaires qui lui sont applicables, parfois renforcées suite à un accident, fassent l'objet de visites d'inspection pour s'assurer qu'elles sont effectivement appliquées.

En ce qui concerne le retour d'expérience, j'en vois deux. Le premier, c'est qu'il me semble que nous avons collectivement diffusé, à l'occasion de cet accident, une très grande connaissance des risques industriels. Je suis à la DREAL Normandie depuis bientôt quatre ans. J'observe qu'en Seine-Maritime, il y a deux parties du territoire.

La Pointe de Caux a une tradition – c'est comme ça, il y a sûrement des explications – qui fait qu'il y a vraiment une très forte interactivité entre les services de l'État, les associations environnementales, les élus et les industriels. Cela permet de porter à la connaissance des habitants la nature des risques, l'existence de ces risques, leur caractérisation, la connaissance des phénomènes associés, notamment en cas d'incident ou d'accident. Il n'y a pas l'équivalent sur l'agglomération rouennaise. C'est le premier retour d'expérience.

D'ailleurs cela a été largement évoqué et proposé dans le cadre des trois instances que nous avons déjà réunies en local. Ce point a été évoqué et partagé par le Comité pour la transparence et le dialogue, qui s'est tenu le 11 octobre ; par le comité départemental des risques sanitaires et technologiques (CODERST) que le préfet a réuni dès le 8 octobre et par la Commission de suivi de site, réunie mercredi dernier, 16 octobre.

Il y a un autre retour d'expérience, que vous évoquerez peut-être avec les pompiers, dont je sais qu'ils vont bientôt vous rejoindre. Les moyens de lutte contre l'incendie ont été réduits pendant une certaine période, après que la réserve d'eau de Lubrizol a été épuisée.

L'explication qu'a donnée Lubrizol, c'est que la force de l'incendie venant de l'extérieur, et venant apparemment de la partie mitoyenne, était telle que les sprinklers du hangar 5 se sont ouverts et ont arrosé les fûts présents dans le hangar, alors même que le feu n'y était pas. L'eau a été consommée pour éteindre un incendie qui n'était pas encore présent à l'endroit que les sprinklers arrosaient. Quand l'incendie est arrivé dans le hangar, l'eau de la réserve d'incendie de Lubrizol était épuisée.

Les pompiers avaient d'autres dispositifs, qu'ils vont vous exposer. Le port a très rapidement amené un bateau-pompe, qui a permis de prendre le relais avec une pression suffisante et le débit nécessaire pour reprendre la lutte contre l'incendie. Il s'avère qu'en pareil cas, lorsque les réserves d'eau des sites Seveso seuil haut sont épuisées, l'usage, c'est qu'il y ait à proximité ce que j'appelle, avec beaucoup de guillemets, une borne municipale, sur laquelle les pompiers peuvent se brancher et qui prend le relais.

À cet endroit, la situation juridique du boulevard maritime est celle d'une voie privée, qui appartient au grand port maritime de Rouen mais est ouverte à la circulation publique. Il n'y a pas de borne incendie. En réalité, ces bornes incendie, si elles étaient installées, devraient se brancher sur le réseau municipal qui doit être le réseau métropolitain. Il y a clairement un travail à faire pour remédier à cette situation, évoquée à plusieurs reprises avec les exploitants et avec le port. Le préfet de la Seine-Maritime est susceptible de réunir assez rapidement le port, la Métropole, les Seveso du port maritime pour que cette situation trouve un terme. Il faut que des bornes incendie soient mises en place, mais il ne s'agit pas seulement d'avoir une borne, il faut aussi qu'elle ait le débit suffisant. Cela permettra, au cas où les stockages d'eau de chaque Seveso seuil haut de ce boulevard viennent à être épuisés par un incendie, qu'une borne privée, raccordée à un réseau public, prenne le relais. C'est le deuxième retour d'expérience.

Je vais essayer de vous dire très rapidement le statut de Normandie logistique. C'est une installation classée. C'était au départ des magasins généraux, qui n'étaient pas concernés par les textes de 1917 sur les établissements incommodes, insalubres, malodorants, etc. Ils ont été enregistrés en 1953 comme magasin général. C'était l'appellation ancienne des magasins de portuaires pour des marchandises diverses. Lorsque la loi de 1976 est intervenue pour créer le régime des installations classées, ils n'étaient pas forcément immédiatement dedans.

Il y a eu une création de rubriques en 1986. En 1992, il y a encore eu un changement de rubrique. La loi disait que l'exploitant devait se manifester pour signaler qu'il relevait de la nouvelle rubrique. Ils se sont manifestés à ces deux occasions.

En 2010, il y a encore eu un changement de rubrique. Là, très clairement, ils ont été défaillants. Ils ne se sont pas manifestés. C'est une défaillance administrative. Donc aujourd'hui, Normandie Logistique est bien une installation classée relevant juridiquement du régime de l'enregistrement et non du régime de l'autorisation, qui est plus élevé, ni de celui des Seveso, encore au-dessus. L'autorisation est le cas classique, dont l'enregistrement est un régime simplifié. Le régime de la déclaration est le plus simple. Ils sont juridiquement ICPE soumise à enregistrement mais à défaut de s'être manifestés, après cette modification des textes en 2010, ils sont restés connus de nous comme ICPE soumise à déclaration. Le nombre de visites à faire par an dépend de ce rubricage. Les directives sur les émissions industrielles (IED) indiquent que les sites Seveso seuil haut, ces grandes installations qui émettent des rejets dans l'air et dans l'eau considérables, soumises à un programme européen de réduction programmée, doivent être visités est une fois par an ; les Seveso seuil bas et autres IED, une fois tous les trois ans ; les suivants, une fois tous les sept ans et ainsi de suite.

Parce que les ICPE soumises à déclaration sont des installations simples, il n'y a de visites d'inspection que lorsque sur signalement de bruits, d'odeurs ou d'activités suspectes par un élu ou un riverain. Il n'y a jamais eu de signalement de bruits, d'odeurs ou d'activités suspectes chez Normandie Logistique. Et pour autant, nous y sommes allés deux fois, c'est une information importante. En 2011, nous y sommes allés dans le cadre du PPRT, vérifier la zone d'effet de Lubrizol chez Normandie Logistique. Les données relatives à cet état de fait ont été partagées avec les élus, les associations, les services de l'État en 2013, avant l'approbation du PPRT. Les choses étaient sur la table.

Nous y sommes retournés en 2017, parce que Lubrizol nous a indiqué vouloir acquérir l'emprise. Nous y sommes allés, pour dire à Lubrizol : « si vous l'acquérez vu l'état des hangars, voilà toutes les modifications substantielles qu'il faudrait faire, et que le dossier devrait comporter, si vous vous en saisissez. » Cela n'a pas encore été le cas.

Je précise enfin sur ce plan que le rapport d'inspection sur Normandie Logistique consécutif à l'accident a été finalisé hier. J'ai transmis mes conclusions au préfet, à la ministre, et je suis en mesure de vous informer que j'ai également transmis au parquet un procès-verbal, comportant le relevé de plusieurs infractions pénales.

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