Intervention de Charlotte Goujon

Réunion du mercredi 23 octobre 2019 à 16h40
Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à rouen

Charlotte Goujon, Maire du Petit-Quevilly :

La sirène est-elle un bon moyen de communiquer ? Aujourd'hui, c'est le seul qui existe auprès des habitants de Petit-Quevilly et de la métropole de Rouen. L'application de toutes les consignes de sécurité dont ils ont connaissance et que je rappelais tout à l'heure, comme celles prescrites par le magnet que nous avons distribué, commence à partir du moment où la sirène est déclenchée. Celle liée aux risques majeurs est spécifique.

Le matin du jeudi 26 septembre, une sirène a sonné à 7 heures 45. Les ordres de confinement avaient été donnés à 5 heures, au moment où le préfet a décidé de lancer le PPI. Nous voyons que la sirène finalement a été déclenchée trop tard.

Par ailleurs, celle qui a retenti à 7 heures 45 n'est pas la sirène, qui est liée au risque majeur. C'est la sirène ordinaire qui a retenti à ce moment-là. Est-ce un bon moyen de communiquer ? Je pense a priori que oui, mais à condition qu'il soit actionné au bon moment.

Je sais qu'il existe par ailleurs, sur d'autres sites industriels de Seine-Maritime, un système d'alarme-box. Il repère, sur un périmètre déterminé, l'ensemble des téléphones portables qui sont présents autour des bornes téléphoniques, et leur adresse un message. Je crois que c'est une réflexion qu'il va falloir que l'on ait nous, ici, sur notre territoire de la métropole de Rouen. Mais là aussi, ce système est efficace à condition que les messages soient envoyés au bon moment, et non pas 5 heures après le début des évènements.

J'ai cru entendre, dans des réunions que nous avons eues à différentes reprises en préfecture, qu'un système de ce type devait être installé sur la métropole de Rouen, mais qui ne l'a pas été pour des raisons financières.

Sur les difficultés de communication auprès de la préfecture, je pense que tout part du fait que la ville de Petit-Quevilly n'a jamais été considérée comme concernée par l'évènement, malgré sa proximité. Les autorités préfectorales ont pris en compte les communes qui étaient survolées par le panache de fumée, mais elle n'a pas pris en compte notre proximité directe. Nous avons à plusieurs reprises interrogé les services préfectoraux sur notre souhait de nous rendre à la cellule de la préfecture, mise en place par le SIRACEDPC et le centre opérationnel départemental (COD). À chaque fois, on nous a répondu que ce n'était pas nécessaire.

En 2013, quelqu'un du personnel municipal était présent à la préfecture et pouvait régulièrement nous alimenter en informations. Je pense que là, la présence de quelqu'un de la ville de Petit-Quevilly à la préfecture aurait été utile. C'est une demande que nous avons formulée à plusieurs reprises dans la journée. Nous avons toujours eu une réponse négative.

La cellule psychologique a été mise en place à ma demande, mais c'est l'ARS qui l'a mise en place, dans un centre technique municipal de la ville de Rouen, qui est à la limite entre les deux communes. Elle a été activée le 2 octobre. Elle a été prolongée, de mémoire, jusqu'au 14 octobre. Elle n'est plus active aujourd'hui. Elle a reçu 48 personnes. Selon les témoignages que j'ai vu ressortir dans la presse, ce sont des Quevillais qui s'y sont rendus.

Aujourd'hui elle n'est plus active, et les éléments d'information que nous avons à communiquer auprès des habitants qui souhaiteraient s'y rendre, ou avoir un accueil psychologique, sont de se rendre à un rendez-vous auprès de leur médecin traitant, qui contactera ensuite l'hôpital de Rouvrais. C'est un hôpital qui prend en charge les situations psychologiques et psychiatriques.

Lubrizol a ce qu'ils appellent un comité de riverains, qui a lieu deux fois par an, en général au mois de décembre et au mois de juin, où sont invitées les municipalités de Rouen et de Petit-Quevilly, un certain nombre de riverains, d'associations et d'entreprises voisines. Je m'y suis rendu à titre personnel deux fois depuis que je suis élue en 2008. Je suis adjointe depuis 2014, et maire de Petit-Quevilly depuis le 2 juillet 2019.

Je m'y suis rendu notamment en 2013, après l'incident du mercaptan Nous avons, ce jour-là, fait une visite de l'endroit de l'usine de production où avait eu lieu l'incident. Les personnels de Lubrizol nous ont fait la présentation des travaux qui avaient été faits sur le site pour sécuriser cet endroit et faire en sorte que l'épisode de 2013 ne se reproduise plus.

Les questions sur un service du risque industriel ne m'étaient pas forcément adressées, mais j'y réponds malgré tout. À Petit-Quevilly, il n'y en a pas à proprement parler mais deux services suivent néanmoins, cette question. J'ai évoqué tout à l'heure le directeur du service de la prévention et du développement social urbain. Son service répond aux questions de sécurité, de police municipale et de risque industriel. Nous avons un agent à mi-temps spécifiquement sur ces questions de risques industriels et de suivi des PPMS (plans particuliers de mise en sûreté) dans les PPRT (plans de prévention des risques technologiques). Nous avons aussi quelqu'un, au service urbanisme, qui est plus spécifiquement chargé de suivre ces questions.

Sur la non-toxicité des odeurs, toute la difficulté vient du jour même de l'incendie. La communication n'a pas eu de mots compréhensibles par la population. Non-toxicité aiguë, cela ne veut rien dire à personne. Cela s'adresse à des professionnels de la chimie ou aux pompiers, mais pour la population, cela ne veut rien dire. Je l'ai indiqué, la communication n'a pas été mise en place pour répondre à l'inquiétude des populations.

Je fais vite sur l'ensemble des autres questions. À titre personnel, je n'ai pas eu connaissance des rapports sur les problématiques de sécurité dans la sous-traitance ni d'information sur Normandie Logistique... J'ai appris, suite à l'incendie et aux réunions que nous avons eues, la mise en demeure de Lubrizol sur les questions d'incendie en 2017, à la suite de visites des services de la DREAL.

Nous recevons régulièrement des informations de la préfecture, mais je pense que sur ces questions de risques industriels, il serait nécessaire qu'on ait une alerte spécifique de la part des services préfectoraux sur l'ensemble de ces questions.

J'ai exprimé dès le vendredi, à la réunion que le préfet a eue avec les maires concernés par l'incendie, que la confiance était rompue entre la population et les services de la préfecture. J'ai fait part de ma colère. Je le dis, c'était vraiment une colère que je ressentais. Le préfet m'a répondu sur un certain nombre de questions, et notamment sur le non-déclenchement des sirènes. Je peux comprendre qu'on mesure à un moment donné la difficulté entre informer les populations et éviter de créer la panique. C'est là où la question d'autres systèmes d'alerte est à mon sens importante. Ce sont des questions sur lesquelles il faut que l'on se penche.

Depuis, j'ai l'honnêteté de dire que je suis régulièrement invitée ou informée. J'ai, notamment lors du premier comité de dialogue et de transparence, demandé une réunion d'information spécifique sur la prise en charge des fûts encore sur site, parce que beaucoup d'habitants étaient inquiets et souhaitaient savoir quand ces fûts allaient être pris en charge. Un certain nombre d'habitants souhaitaient partir de chez eux. Cette réunion a eu lieu en présence de l'association France Nature Environnement, de la société Lubrizol, des services de la DREAL et des services des pompiers.

Le jour de l'incendie, le standard de la mairie a été saturé par les appels des habitants. Quand il a sauté, nous avons mis 30 minutes avant de le remettre en route. Je n'ai pas le décompte précis du nombre d'appels que nous avons reçus, mais il a été très important. Dès qu'un numéro vert et un numéro d'accueil et d'information de la population ont été mis en place par la préfecture, nous avons réorienté les habitants vers ces numéros.

Nous avons été conviés à des réunions assez régulières du comité de suivi de site lors de l'établissement du PPRT. Mais, comme je l'indiquais tout à l'heure, je suis maire depuis le 2 juillet 2019. Je n'ai pas forcément eu l'ensemble des invitations à ce comité de suivi de site. Je ne serai pas en mesure de répondre sur sa régularité.

S'agissant des annonces de M. Schnur sur le fonds de soutien à l'attractivité et la non-reconstruction du site à l'identique, je l'ai indiqué, des habitants qui sont à proximité directe ou à 100, 150, 200 mètres de l'usine se posent beaucoup de questions sur leurs biens immobiliers, qui sont aujourd'hui invendables. Certains avaient mis en vente leur bien avant l'incendie. Depuis, ils n'ont plus aucune visite. Il y a une question immobilière, en tout cas à proximité directe du site de Lubrizol.

Nous avons, sur Petit-Quevilly, à 700 mètres à peu près du site, un projet de construction d'habitations. Nous avons été informés ces dernières semaines, suite à l'incendie de Lubrizol, qu'un des promoteurs réservait pour l'instant la poursuite de son projet sur le site. Je pense qu'il faut qu'on travaille collectivement à cette question de l'attractivité de notre territoire, qui par ailleurs, est un très beau territoire avec beaucoup de richesses, humaines et patrimoniales notamment.

Clairement, les habitants aujourd'hui qui sont à proximité ne souhaitent plus que Lubrizol soit même présent sur le territoire. Ils souhaitent que Lubrizol parte. La question que je pose, c'est bien sûr celle de la sécurité des riverains. Elle est essentielle. Néanmoins, il faut que nous ayons aussi une pensée pour les salariés, qui sont au nombre de 450 et pour les sous-traitants.

Si Lubrizol ne reste plus sur notre territoire où Lubrizol va-t-il s'installer ? La question qui se pose pour Lubrizol doit se poser pour l'ensemble des sites Seveso de la vallée de la Seine. Il faut qu'on prenne le temps de savoir, de comprendre ce qui s'est passé et, finalement, de prendre les décisions avec l'ensemble des éléments portés à notre connaissance.

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