Intervention de François Ruffin

Réunion du mardi 19 novembre 2019 à 18h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Ruffin :

On a eu le développement durable, on a eu la croissance verte ; voici venu le temps de l'économie circulaire. C'est du green washing – du bidon, en français. Il n'y a pas d'économie circulaire.

Nous possédons tous cet objet du quotidien qu'est le téléphone portable – certains ici en ont peut-être même plusieurs. En France, il s'en vend chaque année 25 millions, et on change de téléphone en moyenne tous les six mois à deux ans, alors que 88 % des appareils fonctionnent encore. Cela signifie que l'obsolescence est non pas technique ou logicielle, mais sociale : on a le sentiment d'être largué si on n'a pas le iPhone 11 qui vient d'arriver, comme le proclament tous les médias. Avant, on attendait le retour du Christ, maintenant on attend le nouvel iPhone. Voilà notre horizon !

Pourtant, ce petit objet que nous avons tous dans nos poches a des conséquences écologiques. Un petit machin comme ça, c'est 70 kg de matières premières – 2 millions de tonnes pour la France. Selon le Fonds des Nations Unies pour l'enfance, l'UNICEF, les métaux très rares qui entrent dans sa composition, comme l'indium, le gallium et le germanium, sont extraits par 40 000 enfants qui travaillent dans les mines. L'opération de fabrication en Chine, par Foxconn, implique aussi des enfants, dont la moitié a moins de 16 ans. L'extraction, la fabrication et le transport comptent pour 90 % dans l'empreinte écologique. Le reste, c'est un vaste non-recyclage puisque 15 % des produits sont récupérés, mais sans doute moins de 10 % sont véritablement traités. Pour ce qui est des métaux rares, les rapports du programme environnemental des Nations unies en estiment le recyclage à moins de 1 %.

Du coup, je rejoins mon collègue Olivier Falorni sur l'idée que la solution se trouve en amont : prévenir avant de produire, lutter contre l'idéologie circulaire qui consiste à produire plus pour consommer plus, pour produire plus pour consommer plus, pour produire plus pour consommer plus… tel un hamster dans sa roue.

Comment sortir de cette idéologie circulaire s'agissant du téléphone portable ? Par exemple, en en finissant avec le leasing, en cessant d'inciter en permanence les consommateurs à changer d'appareil tous les six mois, un an ou deux ans. Il faut détacher la valeur fonctionnelle de l'objet d'une valeur sociale. Avant – et c'est encore un peu le cas –, c'était la voiture qui associait le prestige à une valeur fonctionnelle, le déplacement ; aujourd'hui, le téléphone portable a pris le relais. Comment disjoindre les deux ? En interdisant la publicité sur ces objets ! En limitant la communication à de l'information, à des comparatifs expliquant ce qu'un nouveau modèle nous apporte vraiment et si cela vaut le coup de le remplacer juste pour changer de prise. Prévenir avant de produire, répandre ainsi l'idée que le bonheur est ailleurs désormais, non plus dans ces petits biens, mais dans les liens. Il faut rompre avec la publicité, et non prôner, même si vous le faites avec conviction Madame la secrétaire d'État, une économie circulaire qui répond à la logique du Guépard : tout change pour que rien ne change.

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