Intervention de Alain Wagner

Réunion du mardi 29 octobre 2019 à 17h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Alain Wagner, directeur des ventes institutionnelles espace d'Airbus Defence & Space :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les parlementaires, messieurs les présidents et directeurs généraux, mesdames et messieurs, j'aimerais tout d'abord vous remercier pour cette audition, qui tombe à point nommé.

Je voudrais également vous demander d'excuser l'absence de Jean-Marc Nasr, président d'Aibus Defence & Space SAS, dont l'agenda ne lui a pas permis de se libérer.

Les conseils ministériels de l'ESA sont des événements majeurs, car ils permettent de mutualiser les budgets et de focaliser les efforts des États membres sur des programmes très ambitieux, qui ne sont susceptibles d'être réalisés qu'à l'échelle de l'Europe. Sans l'ESA, l'Europe serait bien plus divisée et fragmentée qu'elle ne l'est aujourd'hui, face à des acteurs beaucoup plus puissants et monolithiques.

J'aimerais aussi souligner que l'industrie spatiale manufacturière française réalise la moitié de son chiffre d'affaires sur des marchés publics et que plus de 50 % de ce chiffre d'affaires provient des contrats passés par l'ESA avec l'industrie française. Ces contrats constituent donc pour notre industrie un socle institutionnel très important, comportant des programmes spatiaux ambitieux qui tirent notre industrie vers le haut, et des actions de R&T qui nous permettent de préparer l'avenir de façon harmonisée au sein de l'Europe.

Je vais à présent effectuer un zoom sur quelques segments majeurs de marché, afin d'illustrer l'importance de Space19+ pour notre industrie.

Dans le spatial, le premier segment de marché est celui des télécommunications par satellites. Nous sommes leader mondial en termes de chiffre d'affaires sur le marché des satellites géostationnaires et des constellations, qui représente de l'ordre de 3 à 4 milliards d'euros par an. Ce segment de marché génère plus de 4 000 emplois chez Airbus et ses partenaires. Il crée aussi la majeure partie du marché des services de lancement pour Arianespace. Les compétences, les technologies et la compétitivité sont des éléments clés pour les systèmes de satellites de télécommunication militaires français. Or le marché mondial des télécommunications par satellites est en pleine mutation : nous faisons face à un besoin d'innovation et de prise de risques sans précédent, qui nécessite un accroissement très important de l'effort de R&D public. L'investissement public est clairement indispensable, d'autant qu'il se situe à des niveaux extrêmement élevés aux États-Unis et en Chine, ce qui fragilise toute notre filière. Les perspectives de marché en matière de télécoms spatiales sont très bonnes, avec une demande croissante de connectivité et de digitalisation, dans le monde entier, en particulier pour des communications aéronautiques toujours plus sécurisées. Dans ce contexte, les investissements publics devraient être augmentés pour développer des satellites standardisés et à bas coût, mais aussi les communications optiques, qui vont constituer une révolution dans le secteur, les mégaconstellations de nouvelle génération et des satellites de très forte capacité pour le très haut débit et la 5G. Pour toutes ces raisons, le programme ARTES de l'ESA est majeur pour notre industrie. In fine, il faut savoir que tous ces satellites de télécommunication commerciaux sont assemblés, intégrés et testés à Toulouse, avec une part propre française supérieure à 50 %.

Dans le domaine de l'observation de la Terre, Airbus est le numéro un mondial de l'exportation de satellites. Le volume de ce marché est de l'ordre d'un milliard d'euros par an, avec une très forte part propre en France. Hormis le marché de la très haute résolution, qui est presque autoporteur, la plupart des marchés de l'observation de la Terre restent des activités financées par le secteur public. À l'ESA, les investissements relatifs à l'observation terrestre doivent donc surtout répondre aux besoins opérationnels du programme Copernicus, en sécurisant l'excellent positionnement actuel de la France sur les futurs satellites Sentinel, lesquels vont entrer en service entre 2025 et 2030. Il est important de souligner que ces satellites seront appelés à conduire à une production récurrente : cet investissement français produira donc une sorte d'effet de levier.

L'ESA va d'autre part contribuer à la préparation de missions futures qui pourraient par exemple permettre de mesurer de façon plus précise les concentrations en gaz à effet de serre, la biomasse ou la vitesse des vents sur toute la planète. Nous sommes donc très attachés à un bon niveau de souscription aux programmes « Copernicus space component segment 4 » et « Future EO », ce dernier préparant les futurs programmes météorologiques et Copernicus de nouvelle génération.

Dans le domaine de l'exploration, des appels d'offres sont en cours, ce qui oblige à une certaine réserve. Toutefois, Airbus est très attaché à l'obtention d'une maîtrise d'oeuvre française, avec des activités nobles, sur le programme futur de retour d'échantillons martiens. La mission, qui sera menée en coopération avec la NASA, est très ambitieuse, avec des lancements prévus en 2026 et l'arrivée des échantillons sur Terre en 2031.

Enfin, l'Europe devrait se doter de capacités logistiques autonomes de desserte de la Lune, avec un véhicule de transfert lunaire et un module atterrisseur (lander), ce qui lui permettrait de réaliser des missions européennes sur la Lune etou de fournir des prestations de services logistiques aux puissances spatiales qui vont s'y installer. Ces missions seront bien sûr lancées par Ariane 6.4. Airbus est très intéressé au développement et à la réalisation des récurrents de ces véhicules logistiques.

Pour conclure, je voudrais, au nom d'Airbus, saluer l'action déterminante de Mme la ministre Frédérique Vidal, qui a fait travailler ensemble les industriels et le CNES, afin d'établir les enjeux et les conséquences de plusieurs scénarii et préparer au mieux cette réunion ministérielle ESA. Je note qu'un très gros effort budgétaire a été consenti, ce dont nous la remercions. La filière est consciente qu'elle va devoir faire des efforts, dans un contexte budgétaire très contraint ; mais qu'il soit ici bien clair que, sans accès à l'espace autonome et efficient, il n'y aurait pas de systèmes orbitaux, et pas d'accès à l'espace sans satellites européens. Toute la filière sera par conséquent solidaire dans les efforts à accomplir.

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