Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du jeudi 28 novembre 2019 à 9h00
Cout du foncier et offre de logements — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Autre sujet de satisfaction, monsieur le rapporteur : vous avez cité Edgard Pisani, touchant une corde sensible, celle des jours heureux où des groupes d'inspirations politiques et spirituelles différentes étaient capables de converger dans le sens du gaullisme social.

Je voudrais à mon tour citer Edgard Pisani qui, dans les années 1990, disait admirer le dynamisme de l'entreprise, mais sans pouvoir s'empêcher de penser aux problèmes de l'homme et de la société que l'entreprise ne résout ni directement ni indirectement. « Qui pensera au lointain futur, disait-il, si la politique, comme un guetteur dans la nuit et comme un visionnaire, ne propose pas un avenir et n'y prépare pas l'espèce et la nation à les résoudre pour qu'elles demeurent maîtresses de leur destin ? » C'est exactement ce que vous avez voulu faire.

Une autre citation d'Edgard Pisani est plus directement liée à la question du foncier, qui nous rassemble aujourd'hui : « Le maintien des biens de la nature parmi les biens marchands nous conduira à l'accélération de phénomènes menaçants, dont nous sommes déjà les témoins. » C'était il y a trente ans et cette accélération n'a fait que s'accentuer.

Merci donc pour votre proposition de loi, qui concourt à deux réalisations auxquelles le groupe Socialistes et apparentés est très attaché : le pouvoir de vivre – pour reprendre le nom de l'ensemble de propositions pragmatiques et précises que défendent Nicolas Hulot, Laurent Berger et une coalition d'associations afin de réduire les inégalités sociales et territoriales – et la protection de l'écosystème de la planète, notre maison commune.

Concernant cette dernière, je ne peux pas ne pas faire allusion au colloque transpartisan que Jean-Michel Clément, Jean-Bernard Sempastous et moi-même avons réuni hier ; la salle Victor Hugo était pleine à craquer. Toutes les organisations présentes, les syndicats agricoles, Régions de France, l'ADCF – l'Assemblée des communautés de France – et cinq ONG environnementales ont signé ensemble un appel au Gouvernement pour un passage à l'action en matière de réforme et de régulation foncières.

Il est grand temps, il y a urgence d'assurer la relève générationnelle et de protéger l'agriculture et la terre comme un bien commun. Bref, cet appel, vous l'avez compris, converge avec vos propositions visant à rééquilibrer puissance publique et puissance privée, ce qui est l'enjeu de l'action politique en ce début de XXIe siècle.

De façon plus précise, notre groupe a été force de proposition, puisque nous avons repris, en accord et en discussion avec vous, quelques-uns de nos attendus, qui n'avaient pas rencontré de succès au cours de ces derniers mois. Certains ont pu rejoindre les cinquante propositions du rapport adressé au ministre. Je suis fier que Mme Battistel et moi-même ayons contribué à créer pour les collectivités la possibilité de constituer des réserves foncières sans avoir à justifier d'un projet à court terme.

Plus généralement, je regrette que nous n'ayons pas eu le temps de simplifier l'organisation collective, notamment des EPF, établissements publics fonciers, et des SAFER, sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, en lien avec les SCOT, schémas de cohérence territorial. Ces outils de planification devenus des outils de programmation et d'expériences locales, dont nous disposons à Nancy et que j'ai eu l'honneur de coconstruire au cours des années précédentes, montrent que l'articulation, la planification et la programmation appelleraient des objets politiques plus performants que la dispersion actuelle de l'organisation des centres de décision. Peut-être reviendrons-nous sur ce point.

Je suis par ailleurs dubitatif en ce qui concerne la contre-expertise immobilière privée, lui préférant une réforme des domaines, pour éviter tout risque de spéculation. De la même façon, les SAFER doivent accompagner la hausse du marché foncier agricole, y compris quand elle est le fait de personnes qui contournent leur droit de préemption – scandale que nous devrons résoudre un jour.

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