Intervention de Ian Boucard

Séance en hémicycle du jeudi 28 novembre 2019 à 15h00
Points d'accueil pour soins immédiats — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIan Boucard :

La présente proposition de loi de notre collègue Cyrille Isaac-Sibille vise à créer des points d'accueil pour soins immédiats, les PASI, afin de répondre à la demande d'accès aux soins des patients. De plus en plus, en effet, ceux-ci demandent une réponse médicale rapide et la possibilité d'effectuer tous leurs examens médicaux au même endroit – une problématique qui renvoie aux lacunes actuelles de notre système de santé.

À cet égard, le groupe Les Républicains partage certains des constats du rapporteur concernant l'organisation de notre système de santé. Compte tenu, d'une part, de son organisation actuelle et des évolutions du mode d'exercice de la médecine libérale, la médecine de ville ne répond plus de manière optimale à la demande de soins des patients. Nombre de territoires souffrent d'un manque de médecins et de plateaux techniques réunissant en un même lieu les équipements nécessaires a minima – qu'il s'agisse de la radiologie, de la biologie, du matériel de suture, des plâtres ou de la stérilisation – pour répondre à la demande de soins immédiats. C'est pourquoi certains patients se reportent sur les urgences hospitalières : confrontés à une inquiétude légitime, ils souhaitent obtenir un diagnostic rapide, dans des délais convenables.

À l'évidence, il existe donc un lien de corrélation entre le besoin d'accès immédiat aux soins des patients et l'augmentation du nombre de patients accueillis aux urgences. Entre 2002 et 2015, le nombre de passages dans les services d'urgences a augmenté de 42 % pour dépasser 20 millions, et la hausse de cette fréquentation se poursuit année après année.

Il y aurait, en outre, selon la Cour des comptes, environ 3,5 millions de passages dits non pertinents – plutôt qu'inutiles – aux urgences chaque année, soit près de 20 % de la fréquentation totale et autant de prises en charge qui auraient pu être évitées si les patients avaient trouvé une solution satisfaisante dans la médecine de ville.

Chacun sait que l'hôpital public traverse une crise sans précédent qui ne se résume évidemment pas à la question de l'accès aux soins, même s'il va de soi que les 20 % de passages « non pertinents » aux urgences participent à son aggravation. Cette crise ne risque d'ailleurs pas d'être réglée par les mesurettes annoncées dernièrement par le Gouvernement, sans parler du budget de la sécurité sociale, loin d'être à la hauteur.

Dans ce contexte, la présente proposition de loi semble offrir une solution alternative intéressante pour désengorger en partie les services d'urgences. Constatons, cependant, qu'elle ne crée rien de nouveau. Les PASI, en effet, sont destinés à prendre en charge les patients qui nécessitent des soins immédiats et dont le pronostic vital n'est pas engagé, en s'appuyant sur les structures hospitalières existantes, qu'elles soient publiques ou privées. La labellisation en PASI et leurs horaires d'ouverture seront déterminés dans le cadre d'un conventionnement avec l'ARS. Les médecins généralistes qui y travailleront pourront s'appuyer sur l'avis de spécialistes présents dans la structure ou consultables par télémédecine, et seront rémunérés à l'acte conventionné. En somme, les missions et le mode de conventionnement des PASI sont comparables aux hôpitaux de proximité. Ce texte n'a donc rien de révolutionnaire et relève plutôt du niveau réglementaire : il ne s'agit au fond que d'aménager et d'améliorer l'existant – ce qui n'est déjà pas si mal !

Nous sommes conscients que l'accès aux soins est l'un des grands défis auxquels nos concitoyens attendent que nous apportions des solutions. C'est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains a toujours soutenu les initiatives visant à l'améliorer. Nous avons ainsi voté la loi de modernisation de notre système de santé, par laquelle ont été créées les communautés professionnelles territoriales de santé, les CPTS. La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui va dans le même sens ; notre Groupe l'accueillait donc favorablement sur le principe.

Malheureusement, lors de son examen en commission, un sous-amendement du groupe La République en marche a changé totalement la nature des PASI : dorénavant, ils doivent être créés dans le cadre d'une communauté professionnelle de santé, mais également dans le cadre d'un projet territorial de santé, afin d'entrer dans le cadre normatif de la stratégie « Ma santé 2022 » du ministère des solidarités et de la santé. La proposition de loi, dont l'ambition initiale était d'apporter une solution souple et adaptable aux territoires, s'en trouve singulièrement complexifiée. Je ne peux que dénoncer ce sectarisme du groupe La République en marche : ne supportant pas qu'une bonne initiative, fut-elle modeste, vienne d'un autre groupe politique, quand bien même il appartiendrait à la majorité parlementaire, il a grandement rigidifié le texte et lui a ôté une grande partie de son intérêt. Nous ne refusons d'être pris à témoin des conflits de la majorité et regrettons que la proposition de loi ait été vidée de sa substance et dénaturée de son objectif premier.

Nous soutenons toutes les initiatives permettant d'apporter des solutions souples et concrètes aux problèmes d'accès aux soins de nos concitoyens, mais cette proposition de loi, en l'état, n'en fait hélas plus partie. Nous appuierons donc, dans quelques minutes, l'amendement du rapporteur visant à rétablir le texte initial. En revanche, nous nous abstiendrons de voter sur l'ensemble du texte si sa rédaction reste conforme à celle qu'a adoptée la commission des affaires sociales.

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