Chers collègues, je vous remercie pour la diversité de vos interventions. Je remercie tout particulièrement ceux qui ont pris position pour soutenir les orientations que je défends depuis des années. On le constate à votre écoute, nos débats dépassent les clivages politiques traditionnels car il y a urgence. Nous ne pouvons plus dire à nos concitoyens de ne pas s'en faire, que nous allons continuer comme avant, même si cela va être de plus en plus difficile ! Pensez-vous que les Français sans médecin traitant, ceux qui voient leurs cabinets médicaux fermer sans remplaçant, peuvent l'entendre ? Ce n'est plus possible !
Je note malgré tout un progrès : plus personne ne remet en cause les inégalités criantes d'accès à la santé. Vous n'aurez donc aucun mal à adopter l'article 1er qui propose un indicateur territorial de l'offre de soins. Tant mieux, ce sera un progrès pour l'ensemble du pays.
J'en viens maintenant au coeur de la proposition : la régulation de l'installation. J'ai entendu : « c'est affreux », « c'est coercitif », « c'est une contrainte insupportable ». À vous écouter, il s'agit d'une mesure soviétique !
Vous estimez que nous allons décourager la médecine libérale généraliste. Rassurez-vous et lisez attentivement la proposition de loi : la régulation ne concerne pas que la médecine libérale généraliste, mais l'ensemble des spécialités. Je vous rappellerai quelques chiffres tirés du site ameli.fr, avec l'exemple de deux villes moyennes de 30 000 à 35 000 habitants : Dreux compte vingt-quatre médecins généralistes, quand ils sont cinquante-six à Annemasse... Prenons les ophtalmologistes dans les villes de 75 000 habitants : ils sont quatre à Aubervilliers et vingt-cinq à Cannes. Enfin, prenons deux villes de 10 000 habitants : Joigny, dans l'Yonne, n'a aucun ophtalmologiste, quand Dinard – dans la circonscription de Gilles Lurton – peut compter sur six professionnels.
Vous avez ajouté : « ça ne marche pas », « ça ne pourra pas marcher », « ça ne marche pas ailleurs ». J'ai du mal à comprendre : vous savez comme moi que les autres professions de santé – infirmières, kinésithérapeutes, pharmaciens, dentistes bientôt – connaissent des mesures de régulation. Ainsi, un pharmacien ne peut pas s'installer où il veut. Il doit suivre des règles et c'est bien normal. C'est l'assurance maladie – et donc nos cotisations – qui financent les revenus de ces professionnels de santé, dont les médecins. Et c'est très bien. Qu'y a-t-il de scandaleux ou de choquant à demander aux médecins de travailler avec nous à leur meilleure répartition sur le territoire ? Un citoyen et assuré social de Mayenne – mon département – m'a fait remarquer ce week-end qu'il payait tous les mois des cotisations sociales. Pourquoi, au motif qu'il vit en Mayenne, n'aurait-il pas accès à un médecin traitant ? Demander à nos médecins de prendre avec nous des mesures courageuses et peut-être difficiles est indispensable. C'est faire preuve de responsabilité.
Vous estimez que je présente ce dispositif comme la seule solution. Je dis précisément l'inverse : c'est la seule solution que nous n'avons pas tentée et celle qui permettra aux autres solutions – les mesures incitatives par exemple – d'être plus efficaces. Arrêtons de laisser s'installer des médecins là où ils sont déjà nombreux ! Où est l'intérêt général ? Nous prenons en charge les études des médecins, nous garantissons leurs revenus ; il faut donc travailler avec eux à leur meilleure répartition. C'est logique et responsable.
Vous craignez un déconventionnement massif en cas de régulation. Mais croyez-vous que les pharmaciens, les infirmiers, les kinésithérapeutes se soient massivement déconventionnés lorsque la régulation a été mise en oeuvre ? Pas du tout ! Pourquoi cela serait-il le cas chez les médecins ? Arrêtons de nous faire peur !
Vous estimez que cela va accentuer la médecine à deux vitesses. Mais elle existe déjà ! Lorsque des patients n'ont pas accès à des médecins, lorsqu'ils n'ont pas de médecin traitant, comment appelez-vous cela ? Nous devons trouver des solutions et c'est le sens de la proposition de loi. Je note que les autres dispositions de la proposition de loi ne semblent pas soulever d'opposition. J'espère que l'intégralité du texte sera votée, dans sa cohérence.
Monsieur Dharréville, vous m'interrogez sur l'échelle de l'indicateur territorial de l'offre de soins. Je propose la reprise de la cartographie de l'accessibilité potentielle localisée, par bassin de vie. Ainsi, l'indicateur pourra être calculé à ce niveau, dans la continuité du travail déjà mené, que nous devons valoriser et insérer dans la loi, afin qu'il devienne public et transparent.