– À mon tour de me lancer dans une série de questions. En premier lieu, peut-on faire un point plus général sur la situation de l'ensemble de nos champions européens liés à l'écosystème de l'intelligence artificielle ? Quelles sont les perspectives attendues pour OVH ?
On sait bien que l'heure n'est plus au concept de cloud souverain. L'heure est à une doctrine de souveraineté sur l'ensemble de la chaîne de l'intelligence artificielle, y compris l'hébergement. C'est plus que jamais un sujet d'actualité, et cette réflexion est réclamée par nombre d'entrepreneurs. Quid de nos champions du calcul : Atos-Bull, d'autres acteurs européens comme Criteo, etc., que l'on aimerait voir jouer un rôle majeur dans les années à venir ?
Que dire du dynamisme du secteur privé et de l'investissement privé ? Évidemment, c'est l'investissement total, public et privé, qui compte. Des montants d'investissements à l'international ont été évoqués. Où en sont la France et l'Europe en la matière ?
Ma troisième question porte sur la comparaison et la coopération avec l'Allemagne. La stratégie allemande a été mise en place un peu après la stratégie française, avec plus de rapidité, mais peut-être un peu de précipitation sur certains aspects. Les montants annoncés étaient un peu supérieurs, puis il y a eu quelques hésitations sur l'enveloppe réellement attribuée. La stratégie des pôles d'excellence est plus dispersée que la stratégie française, avec une intervention plus en aval : plus de recherche côté français et plus d'industrie côté allemand. La question de la coopération a été régulièrement mentionnée comme étant l'un des axes à renforcer. Des projets de colloques communs réguliers ont été envisagés. Où en est ce dossier majeur pour l'intelligence artificielle en Europe ?
Ma question suivante concerne les instituts 3IA, quatre centres étant retenus. À l'époque, l'échec du Centre de Paris Saclay a été largement commenté. Quel est le statut de l'intelligence artificielle sur le plateau de Saclay ? Ce centre, reconnu internationalement comme l'un des meilleurs en France, a échoué dans l'obtention du label. Son statut pourrait-il évoluer ?
Une autre question porte sur un aspect qui n'a pas été évoqué et qui était pourtant annoncé comme l'un des axes majeurs d'implémentation de la stratégie. Il s'agit de la question de l'augmentation de nos effectifs d'étudiants en intelligence artificielle et sujets dérivés. Mon rapport préconisait de tripler ou de quadrupler leur nombre, la stratégie de le doubler. Dans les faits, qu'en sera-t-il ? J'ai pu voir, dans le début de la stratégie, la grande difficulté à mettre en oeuvre de tels objectifs, en l'absence de leviers opérationnels efficaces et coercitifs, sur les formations universitaires en particulier. Quelle est la situation, quel est le niveau de prise de conscience, et de quelle façon l'écosystème va-t-il s'emparer du sujet ?
Même s'il est en dehors de ce périmètre, un sujet est lié : celui de l'initiation, de l'éducation à l'informatique et aux principes généraux de l'algorithmique à différents stades, que ce soit dans la phase d'apprentissage des algorithmes, ou d'information sur la façon dont les algorithmes sont utilisés dans l'économie et dans le monde, enseignements qui peuvent être prodigués dans le cadre de cours différents.
Par ailleurs, la stratégie pour l'intelligence artificielle mentionnait quatre grands thèmes prioritaires. La défense, la médecine avec le Health Data Hub, et la mobilité ont bien été évoquées, contrairement à la question de l'environnement. Le ministère a visiblement eu des difficultés à mettre les actions en oeuvre. Où en sommes-nous actuellement sur ce thème ? Peut-on dire aujourd'hui que la France, qui s'honore d'être l'un des pays qui ont le plus porté le débat public sur l'environnement, est à la hauteur, à la fois pour ce qui concerne l'impact des outils d'intelligence artificielle sur l'environnement, afin de faciliter la transition écologique et solidaire, et la limitation des effets négatifs de l'intelligence artificielle sur l'environnement, en particulier du fait des moyens de calcul ou du stockage de données ?
La Commission européenne nouvellement créée ne comporte pas de commissaire en charge de la recherche. À quel niveau la recherche est-elle portée aujourd'hui au sein de la Commission ? On sait que dans l'administration le sujet est plutôt bien pris en compte. Mais quels sont les commissaires européens qui seront en charge du dossier de l'intelligence artificielle ?
Le ministre de l'économie allemand, avant d'être contesté, avait coutume de mettre en avant le concept « d'Airbus de l'IA », et de le présenter comme un sujet sur lequel il fallait avancer dans un contexte de coopération franco-allemande, et plus généralement européenne. Ce concept « d'Airbus de l'IA » n'était pas parfaitement clair, mais ce qu'il recouvrait était plus qu'un slogan. A-t-on des informations sur la façon dont une stratégie en la matière peut se développer ? Cette interrogation recoupe une question précédente.
Enfin, j'ai eu l'occasion de ferrailler dans l'hémicycle sur la question du statut juridique du Health Data Hub et de sa mise en oeuvre administrative. Sur le sujet hautement sensible de la collaboration entre santé et intelligence artificielle, la puissance publique a été alertée à de nombreuses reprises sur le fait que la mise en oeuvre devait être rapide et souple, en permettant un bon dialogue entre public et privé, ainsi que la mise en place d'une doctrine sur la façon d'utiliser les données de santé : les contributeurs, le ticket d'entrée, et la régulation. « Ouvrir les données de santé », c'est ce qu'avait indiqué le Président de la République dans sa présentation de la stratégie pour l'intelligence artificielle. Nous devons avoir en tête qu'ouvrir ne signifie pas grand-chose tant qu'on n'a pas défini les modalités de cette ouverture.