– À ce stade, je n'ai pas d'estimation de l'impact de cette mesure, mais je peux relayer la question. J'y suis particulièrement sensible, et si je peux apporter une réponse dans les prochaines semaines, je le ferai.
L'hémorragie me semble moins forte qu'en mars 2018. L'écho donné à l'arrivée des laboratoires DeepMind, l'extension de ceux de Facebook et Google à Paris avait peut-être généré une certaine perplexité. On pouvait donner l'impression que le Gouvernement était en train de scier la branche sur laquelle notre propre compétitivité était assise.
Je pense que notre programme de recherche, peut-être l'un des plus ambitieux dans les sciences du numérique depuis trente ans, a conforté l'écosystème de la recherche publique. L'axe principal de la stratégie gouvernementale était bien de la soutenir, pas de compter sur Google ou DeepMind.
Par ailleurs, concernant ces grandes entreprises internationales, leurs laboratoires constitués ont certes vocation à grossir, mais pas de manière infinie. À ma connaissance, l'effet est moins sensible aujourd'hui, même si beaucoup d'étudiants restent très attirés par ces acteurs, en raison de salaires élevés. Certains partent toujours à l'étranger.
Je pense qu'une partie de la réponse se trouve dans la mesure de la loi PACTE, mais aussi dans l'attractivité des alternatives. Je vous invite à prendre connaissance du manifeste signé en juillet par de grands groupes français, en général des groupes traditionnels de taille mondiale, pour initier une collaboration et montrer leur engagement dans l'intelligence artificielle.
Je prends l'exemple du souhait de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) de faciliter la création de start-up en sortie de cursus. C'est un défi potentiellement aussi intéressant que de travailler dans une grande entreprise technologique américaine. Il faut réussir à promouvoir le type de parcours dans lequel un bon étudiant de master, qui obtient son PhD dans une université publique française, prend un premier poste de chercheur en post-doc dans un environnement académique puis crée une start-up. Évidemment, son salaire sera beaucoup moins élevé que dans de grandes entreprises étrangères. Il faudrait peut-être construire des offres d'accompagnement, pour faciliter la création de sa propre start-up ou améliorer la performance des start-up françaises. C'est aussi un moyen de conforter l'écosystème, suivant notre premier axe. Je pense qu'avec ce type de mesure et avec la mise en place des chaires, la recherche française sera plus forte dans quelques années.