Monsieur le rapporteur, nous avions déjà largement abordé votre proposition dans le cadre de la loi PACTE, à l'occasion des travaux de la commission spéciale puis de l'examen en séance publique. Je dois saluer le travail que vous fournissez depuis des années dans le même sens. Vous aviez également défendu différents amendements au projet de loi PACTE pour arriver à la création d'un label public d'État en matière de RSE. Ce label aurait remplacé l'ensemble des labels existants aujourd'hui dans le secteur privé – car il en existe plusieurs, qui sont différenciés et gradués – au bénéfice d'un label strictement à la main de l'État. Nous avions rejeté la proposition puisqu'elle ne correspondait pas à la philosophie générale de la loi PACTE, celle d'une économie responsable où l'État joue un rôle d'accompagnement, et non de de rigidification, de normes qui, dans l'ensemble, fonctionnent très bien.
Je dois avouer qu'il y a des points sur lesquels nous nous entendons, mais aussi des points sur lesquels nous restons en désaccord. Je vous rejoins quand vous dites que la bonne échelle normative n'est pas strictement nationale, qu'elle doit être envisagée au niveau international, et particulièrement européen. En revanche, lorsque vous parlez d'archaïsme de la RSE, cela me semble particulièrement injuste à l'endroit de toutes les structures qui ont déjà engagé cette démarche. Selon le rapport Notat-Senard, les entreprises françaises sont particulièrement engagées en la matière, et leur démarche a déjà un impact très positif, tant sur la société que sur leur activité commerciale et leur performance globale.
Vous parlez de la RSE comme d'un concept « flou ». J'ai le regret de vous dire que le flou se trouve, selon moi, plutôt dans votre proposition de loi, qui vient semer la confusion entre ce que constitue la RSE et les performances extra-financières des entreprises, présentées selon des normes de reporting réservées à de grandes entreprises, dans un cadre très réglementé. Ce n'est pas la même chose.
Certes, vous pouvez vous appuyer sur les performances extra-financières et les intégrer à la RSE, mais la RSE est beaucoup plus large. Vous proposez pourtant de transformer la RSE en label public, en normes de comptabilité – qui plus est, en suivant une méthode de scoring insérée par voie d'amendement, puisqu'il n'était pas partie intégrante de votre proposition initiale ! Un scoring sur 100 points me semble très peu susceptible de différencier la diversité des actions que peut mener une structure en matière de responsabilité sociale, sociétale et environnementale. C'est trop réducteur.
Par ailleurs, l'État conduit déjà des actions de régulation, dans le cadre de politiques dédiées. Il me semble qu'elles doivent rester en l'état. Ainsi, dans le cadre de la politique fiscale, il y a des taxes dédiées en matière environnementale ou en matière sociale. Récemment encore, la majorité en a adopté, notamment la taxation des contrats à durée déterminée trop courts, frappés d'une taxation à 10 euros conçue pour constituer un frein à leur utilisation.
Ainsi, l'État pose des freins dans certains secteurs. Mais qu'il reprenne à son compte et rigidifie toutes les dynamiques RSE, voilà qui serait dommage et empêcherait d'excellentes initiatives privées. Aujourd'hui, les entreprises sont plus créatives que nous, plus créatives que l'État en matière de politique de RSE. Ce serait vraiment dommage de les contrecarrer. Pour toutes ces raisons, j'ai le regret de vous dire, comme je l'avais déjà fait à l'occasion de l'examen de la loi PACTE, que le groupe La République en marche (LaREM) rejette l'idée de la création d'un label public RSE.
Au surplus, souvenez-vous que notre précédente discussion sur le label public RSE nous avait conduits à trouver, en séance publique, un consensus sur un amendement qui a débouché sur l'article 174 de la loi PACTE. Il marquait la première étape, indispensable, que constitue la revue de tous les labels existants, et posait l'idée, non d'un label public – trop rigide étant donné la diversité des secteurs et la diversité des possibles en matière de RSE –, mais d'une matrice rendant lisible, pour nos concitoyens et pour les petites structures, ce qui est favorable ou défavorable en la matière.