Je voudrais commencer par remercier les députés socialistes de mettre à l'ordre du jour le crime d'écocide. Nous soutiendrons évidemment cette proposition de loi, qui faisait d'ailleurs partie du programme L'Avenir en commun. Nous avons besoin d'un tel texte.
Si des mesures et des contraventions sont prévues pour répondre aux incivilités les plus communes et s'il existe des sanctions administratives à l'encontre de certaines entreprises coupables de délits polluants ou d'infractions réprimées par le code de l'environnement, il n'existe pour l'heure aucune réponse pénale adaptée à la criminalité environnementale industrielle. Les sanctions actuelles sont extrêmement faibles au vu des impacts sur l'écosystème, comme nous avons pu le vérifier récemment : après avoir reconnu avoir déversé de l'eau bétonnée dans la Seine, Vinci s'est vu infliger une amende de 375 000 euros. Ce n'est rien du tout au regard de l'essor du grand banditisme environnemental et de ses conséquences dramatiques. Selon un rapport d'Interpol, le braconnage, le trafic de déchets toxiques ou encore le commerce d'espèces protégées représenteraient entre 70 et 213 milliards de dollars, et le pillage de la nature est la première ressource des terroristes et des mafias – avant le trafic de drogue.
Nous devons inverser cette hiérarchie des normes qui subordonne la protection de l'environnement au principe de la libre concurrence. L'urgence écologique ramène l'espèce humaine à son statut d'espèce alors qu'a lieu la sixième extinction de masse des espèces. En trente ans, 80 % des insectes ont disparu en Europe. Or, sans eux, ce sont les rendements agricoles qui vont radicalement chuter, ainsi que l'annoncent les rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). L'espèce humaine ne peut pas survivre sans un écosystème favorable. Les crimes commis aujourd'hui par les industriels mettent en péril la vie et la survie de l'espèce humaine.
La proposition de loi permet d'opérer une bifurcation écologique qui doit imposer le respect de l'environnement aux entreprises ainsi qu'à leurs filiales. Je ne peux m'empêcher de penser ici à l'accident de Bhopal, en 1984, lorsqu'une filiale d'Union Carbide Corporation avait explosé et produit un nuage toxique responsable de la mort de plusieurs milliers de personnes et de la maladie de 300 000 autres. Les sols avaient été empoisonnés pour une très longue période ; 20 000 personnes sont aujourd'hui encore exposées à de l'eau contaminée. En 1989, la filiale avait payé 470 millions de dollars, soit 715 euros par victime, mais aucune responsabilité pénale n'avait été imputée à la société mère. Nous pensons que la société mère doit avoir une responsabilité pénale. Dans le cas de l'accident de Bhopal, les systèmes de sécurité étaient tous défaillants ou en réparation.
Pour nous, la proposition de loi est plus que bienvenue : elle est nécessaire. Elle pose aussi la question de la police de l'environnement et des moyens donnés pour faire appliquer la loi, à l'heure où le ministère de la transition écologique et solidaire subit des coupes budgétaires telles que, depuis 2013, 13 250 équivalents temps plein ont été supprimés.