Intervention de Emmanuelle Ménard

Réunion du mercredi 27 novembre 2019 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

En 2050, si la population mondiale poursuit sa croissance et si les modes de consommation et de production actuels ne changent pas, nous aurons besoin de deux planètes pour maintenir nos modes de vie. Il faut agir. Si nous sommes absolument convaincues, Mme Marie-France Lorho et moi-même, par le but recherché dans la proposition de loi, nous sommes en revanche plus que dubitatives quant aux moyens imaginés pour y parvenir. Vous souhaitez créer un nouveau crime, celui d'écocide. Or, l'arsenal juridique français est déjà armé contre les atteintes à l'environnement. Il conviendrait plutôt d'appliquer les sanctions prévues et, le cas échéant, de les renforcer. Arrêtons l'inflation législative et la logique de l'écologie punitive, qui montre ses limites depuis longtemps !

Le néologisme « écocide » renvoie, dans l'esprit des Français, au terme de « génocide ». Il ne me semble ni adéquat, ni judicieux, de mettre les atteintes à l'environnement sur le même plan que des génocides. Si graves que soient les dommages subis par notre planète, ce parallèle me semble indécent. Je ne me permettrai jamais de mettre la destruction de la forêt amazonienne au niveau de l'Holocauste. Pourtant, c'est, sans le dire, ce que voudrait faire votre texte. De même, lorsque vous souhaitez punir la provocation à commettre un écocide, cela me paraît disproportionné en comparaison, par exemple, de la provocation directe au terrorisme.

Vous poussez les choses très loin, jusqu'au principe de la compétence universelle pour l'écocide. C'est, en droit, la compétence exercée par un État qui poursuit les auteurs de certains crimes, quel que soit le lieu du crime et sans égard pour la nationalité des auteurs ou des victimes. Or, la France a une interprétation restrictive de cette compétence pour les crimes les plus graves – interprétation qui la met d'ailleurs quasiment en contradiction avec ses engagements internationaux. Il me semble que notre combat devrait plutôt être d'élargir les possibilités d'exercice de la compétence universelle de nos juges pour les crimes de guerre ou les crimes contre l'humanité avant d'imaginer la mettre en oeuvre pour les atteintes à l'environnement.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas votre proposition de loi même si, je le répète, nous saluons votre objectif de protection de notre planète. Les grandes lignes de notre argumentation ayant été présentées, nous défendrons beaucoup plus succinctement nos amendements.

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