Dans leurs contributions au grand débat national, nos concitoyens ont souligné leur préoccupation vis-à-vis des déchets que notre société produit. Ils ne comprennent pas que l'on ne fasse pas davantage pour prévenir les déchets, pour recycler davantage et pour réparer plutôt que remplacer. Le projet de loi entend répondre à cette nécessité sociale et environnementale d'une économie plus circulaire.
Les titres III, III bis et IV, pour lesquels j'ai été nommée rapporteure, portent principalement sur la responsabilité des producteurs. Ils complètent les titres Ier et II que ma collègue Mme Véronique Riotton vient de présenter, ce qui nous a incitées à procéder à de très nombreuses auditions communes, afin de traiter de la globalité des enjeux de l'économie circulaire, en alliant la prévention et la responsabilité.
Votre projet de loi est ambitieux, madame la secrétaire d'État. Il rénove en profondeur la politique de prévention et de traitement des déchets. Le Sénat l'a enrichi, faisant passer le nombre d'articles de treize à soixante-dix-sept. Pour les seuls titres III, III bis et IV, nous aurons pas moins de quarante-six articles à examiner, sans compter les propositions que nous pourrions y ajouter.
Le titre III est consacré à la responsabilité des producteurs. C'est l'une des grandes ambitions du texte, qui refonde totalement les dispositions du code de l'environnement applicables aux filières de responsabilité élargie du producteur (REP). Sur le fondement de ce principe, tout producteur doit financer la collecte et le traitement des déchets issus de ses produits. C'est un grand et beau principe, que la France a été l'un des premiers pays à défendre.
Le projet de loi propose de créer de nouvelles filières, notamment pour les jouets, les articles de jardinage, de bricolage ou encore de sport. Cela permettra de faire contribuer les producteurs, ce qui est très pertinent. Nous aurons également à débattre de la filière du bâtiment, qui doit mieux prendre en charge ses déchets, même si des efforts importants ont déjà été faits. Nous devons aller vers une plus grande traçabilité des déchets, un meilleur maillage des points de reprise et une implication plus forte de tous les professionnels.
Nous débattrons également de la gouvernance et du contrôle des éco-organismes. En effet, les dispositifs actuels ne sont pas satisfaisants et ont montré leurs limites. Les producteurs, qui sont responsables de la gestion des éco-organismes, ne sont pas forcément intéressés à la réduction des emballages. Nous devons donc nous doter de nouveaux outils en matière de gouvernance, de régulation et de sanctions. Je ferai des propositions en ce sens. J'en profite pour vous poser une question, madame la secrétaire d'État : comment envisagez-vous d'améliorer la régulation des filières REP ? Que diriez-vous de confier cette mission à l'ADEME ?
Le Sénat a introduit deux fonds dans le projet de loi : un fonds pour la réparation et un fonds pour le réemploi. Ces mécanismes me semblent très pertinents et ils doivent être améliorés.
Je souhaite également évoquer l'article 10 et les enjeux concernant le plastique. En la matière, il est de notre responsabilité d'adopter une attitude à la fois ambitieuse, en fixant le cap de la sortie du tout jetable et des plastiques à usage unique, et pragmatique, en nous limitant d'abord aux usages pour lesquels nous disposons de substituts présentant les mêmes qualités et les mêmes garanties que le plastique, pour étendre ensuite l'interdiction à d'autres usages. C'est cet équilibre que nous devons rechercher, et nous avons encore du travail.
Un nouveau titre III bis, consacré à la lutte contre les dépôts sauvages, a été ajouté par le Sénat. C'est une thématique importante, que je vous proposerai de maintenir, tout en rendant plus opérationnels certains articles, car certains d'entre eux présentent des risques constitutionnels. Je crois que de nombreuses propositions qui vont dans le bon sens permettront d'enrichir ce titre.
Enfin, il ne faut pas négliger les mesures qui figurent dans le titre IV, qui introduit des dispositions diverses. Il comprend notamment des articles relatifs à la sortie du statut de déchet ou à l'augmentation temporaire des capacités de mise en stockage. Ce sont des sujets essentiels pour notre politique de prévention et de gestion des déchets, sur lesquels je ferai des propositions.
Bien entendu, nous parlerons également de la consigne. J'ai souhaité réserver ce sujet pour la fin de mon intervention, car je ne souhaite pas que nous résumions ce projet de loi à une seule de ses mesures, comme l'a fait le Sénat. Je le dis d'emblée, je suis favorable à la consigne, à la fois pour réutilisation et pour recyclage. Je le dis d'autant plus ouvertement que ce n'était pas forcément le cas au début de mes auditions. Je n'avais pas de position a priori, mais les travaux que j'ai conduits m'ont permis d'entendre tous les arguments, pour et contre, et de me pencher très en détail sur cette question. J'ai surtout été attentive aux faits et aux chiffres : c'est ma méthode de travail.
À l'issue de cette série de rencontres et de déplacements, je tiens à démentir quelques idées reçues, en commençant par affirmer que la consigne est actuellement la seule méthode permettant d'atteindre des taux de collecte supérieurs à 90 % pour les emballages, qu'ils soient en verre, en plastique ou en aluminium. Dix et bientôt quinze pays européens ont adopté des mécanismes de consigne et cinq ont déjà dépassé les 90 % de bouteilles en plastique collectées et recyclées. Aucun système sans consigne ne fait aussi bien.
Première idée reçue : non, la consigne ne coûtera rien aux collectivités territoriales, au contraire. Les chiffres les plus extravagants ont circulé mais les représentants de l'Association des maires de France (AMF) et d'Amorce que j'ai reçus en audition le reconnaissent, l'enjeu n'est pas financier. Si l'on autorise les collectivités à déconsigner les bouteilles qu'elles continueront à collecter, elles pourraient même y gagner substantiellement, ce qui permettrait de financer le service public de traitement des déchets. Tous les chiffres sont dans le rapport de M. Jacques Vernier.
Deuxième idée reçue : non, la consigne ne va pas enrichir les producteurs. C'est précisément le contraire : ils vont devoir payer plus cher pour financer la collecte. Le surcoût a été évalué à près de 20 millions d'euros pour les producteurs de boissons.
J'ajoute que nos concitoyens ne comprennent pas que l'on ne réutilise pas les bouteilles en verre et que l'on ne recycle pas les bouteilles en plastique. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les associations environnementales soutiennent la consigne pour réutilisation et pour recyclage. Je proposerai donc un amendement permettant de rouvrir les possibilités de consigne pour recyclage, en plus de la consigne pour réemploi, et apportant des garanties à tous les acteurs. Plus généralement, s'agissant des titres III et IV, je ferai des propositions innovantes pour progresser dans l'économie circulaire et alimenterai le débat avec des informations techniques et factuelles.
Les nombreux collègues qui s'intéressent à ce sujet ou qui ont participé aux auditions le savent, l'économie circulaire nécessite une attention aux détails et aux cas particuliers. Une filière n'équivaut pas à une autre. On ne traite pas les déchets électriques et électroniques de la même manière que les déchets d'emballage. On ne peut pas recycler de la même façon tous les plastiques. On ne collecte pas de la même manière les déchets en centre-ville et en secteur périurbain. Nous devons donc, comme s'y emploie le projet de loi, définir de grands principes et de grands objectifs, mais également les adapter à la réalité de chaque filière et de chaque territoire.
C'est la raison pour laquelle nous avons rencontré 113 acteurs de l'économie circulaire en deux mois, au cours de soixante-six auditions et tables rondes. Ces auditions nous ont permis de fixer les grandes orientations – sur l'organisation des REP, leur contrôle ou la réduction des déchets –, mais aussi de rentrer dans le détail de l'organisation des filières. Nous avons, par exemple, consacré des tables rondes à la filière jouets, à celles du textile, des véhicules usagés, des articles de sport, aux produits de santé, aux emballages, au bâtiment, entre autres. Je remercie d'ailleurs la présidente Mme Barbara Pompili d'avoir organisé de nombreuses tables rondes au sein de notre commission en préparation de ce projet de loi.
Je souhaite que nous puissions travailler dans un climat constructif, car le sujet en vaut la peine. C'est la raison pour laquelle je serai à l'écoute de chacun de vos amendements, de la majorité comme de l'opposition. Si l'idée est pertinente mais qu'ils ne peuvent pas être adoptés en l'état, nous disposerons encore de quelques jours pour les retravailler ensemble, dans la perspective de leur discussion en séance publique.