Le poids du secteur du logement dans la consommation d'énergie et l'émission de gaz à effet de serre est connu de tous. Outre les enjeux environnementaux, la rénovation énergétique comporte une dimension sociale évidente, les ménages modestes occupant souvent les logements les moins efficients.
Le Gouvernement a semblé prendre conscience de l'importance de l'enjeu en fixant un objectif de 500 000 logements rénovés par an en 2018. Hélas, un an après, dans ce domaine comme dans d'autres, le compte n'y est pas : le CLER-Réseau pour la transition énergétique évoque un total de 290 000 rénovations seulement en 2018.
Les récentes modifications législatives ne semblent pas en mesure d'accélérer suffisamment ce mouvement : la loi énergie-climat n'est clairement pas à la hauteur. Quant au projet de loi de finances pour 2020, si nous pouvons partager la volonté de soutenir davantage les ménages modestes avec la réforme du CITE, nous regrettons l'exclusion des déciles 9 et 10, qui réalisent la très grande majorité des travaux de rénovation, et une enveloppe qui ne progresse pas. En outre, loin de réintroduire plus de simplicité et de lisibilité, ces lois créent de nouveaux dispositifs coexistant, au moins pour un temps, avec les anciens.
C'est cet édifice un peu bancal que la présente proposition de loi vient remettre à plat de façon vigoureuse. Elle entend remplacer plusieurs aides existantes et reçoit de notre part un a priori favorable. Toutefois, l'ambition de votre prime pour le climat aurait mérité une véritable étude d'impact et, malgré le soin que vous avez apporté à sa rédaction, votre dispositif semble à nos yeux perfectible.
Avec l'entrée en vigueur progressive en fonction de la performance énergétique, laquelle détermine aussi le taux de prise en charge, vous vous attaquez tout d'abord aux passoires énergétiques classées F et G. Je relève aussi votre volonté que le reste à charge soit adapté aux moyens des ménages et le choix d'une avance pour accélérer les projets : nous y souscrivons.
Votre texte soulève plusieurs questions : la première concerne le ciblage sur les ménages les plus modestes. La part non remboursable de la prime peut monter jusqu'à 30 % des travaux. Même si c'est un progrès, cela suffira-t-il à convaincre les ménages les plus précaires ?
De plus, votre projet vise à donner à l'ANAH un rôle important en matière d'ingénierie et de conseil. Cela nécessiterait une montée en puissance rapide de cette agence : même si vous proposez d'en augmenter les moyens financiers, j'appelle votre attention sur l'importance de la vérification de la bonne réalisation des travaux, véritable talon d'Achille des CEE.
Par ailleurs, je veux également souligner l'importance de l'accompagnement des ménages. À ce titre, les dispositions de l'article 2 mériteraient d'être précisées. La réponse que vous apportez aux risques inflationnistes de ce dispositif mériterait une véritable expertise, de même que votre mécanisme d'encadrement des loyers des logements rénovés.
Des réserves pourraient également être émises sur l'interdiction de louer des passoires thermiques en 2027. La loi énergie-climat fut certes un rendez-vous raté ; gare cependant à ne pas déséquilibrer le marché.
Enfin, vous prévoyez un financement du dispositif à hauteur de 6,42 milliards d'euros, dont 5 milliards par l'emprunt. Cet effort important de financement permettra-t-il d'atteindre l'objectif fixé, à savoir l'élimination des passoires thermiques en dix ans et la neutralité carbone du parc de logements à l'horizon 2050 ?
Pour conclure, ce texte a l'immense mérite de proposer des réponses innovantes, claires et ambitieuses, à la hauteur du défi. Sans présager du sort qui lui sera réservé, je fais le voeu, sans doute pieux, que la majorité ne la rejette pas en bloc et qu'elle s'en inspire pour mener ce qui devrait être un des chantiers majeurs du quinquennat.