Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, il n'est pas anodin que nous débutions l'examen de la seconde partie du budget de l'État par l'examen de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ». La mémoire, y compris la mémoire combattante, est en effet un préalable nécessaire.
Dans quelques jours, nous serons nombreux devant les monuments aux morts de nos communes, devant les noms de ces jeunes, très jeunes, trop jeunes morts pour la France. Autour de nous, il y aura certainement ces associations qui font vivre la mémoire dans nos communes – sans elles, qui le ferait ?
Certains ont pu déplorer, madame la secrétaire d'État, l'absence de la mention des anciens combattants dans l'intitulé de votre portefeuille. Cependant, au regard du budget présenté et de votre volonté affichée, plus personne ne peut remettre en cause votre attachement et celui du Gouvernement à la mémoire de nos anciens combattants.
En effet, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le budget que nous allons voter nous apparaît celui de l'équilibre entre, d'une part, la reconnaissance et la réparation dues au monde combattant, et, d'autre part, la vivification de leur mémoire, qui, rappelons-le, n'est autre que la mémoire de la France.
Nous saluons tout d'abord les avancées du budget présenté au regard de la reconnaissance due aux anciens combattants. Toujours soucieux des conditions de vie des anciens combattants et de leurs proches, nous ne pouvons que nous réjouir des deux mesures concrètes prises en ce sens dans le PLF pour 2018 : l'alignement sur le régime en vigueur, depuis le 3 août 1962, du calcul des pensions d'invalidité des militaires radiés des contrôles avant cette date et de leurs ayants droit, pour un coût estimé à 6 millions d'euros ; l'augmentation de l'allocation de reconnaissance et de l'allocation viagère en faveur des supplétifs rapatriés et de leurs conjoints survivants.
Nous partageons cette ambition et nous soutenons les mesures en faveur de la reconnaissance des anciens combattants, comme celles en faveur de la transmission mémorielle, notamment à destination de la jeunesse.
Nous le savons, le budget pour 2018 est marqué par la mémoire de 1918. Année du centenaire de la Première Guerre mondiale, 2018 verra en effet de très importantes commémorations, pour lesquelles l'État consent un effort budgétaire sans précédent.
« Ces Français que nous fûmes contraints de jeter dans la bataille, ils ont des droits sur nous » disait Clemenceau, je le cite à mon tour. J'en profite pour rappeler ici que, le 16 novembre prochain, cela fera cent ans que Georges Clemenceau accédait aux fonctions de Président du conseil et de ministre de la guerre. Fidèles à cette idée et à nos valeurs républicaines, nous soutiendrons ensemble l'effort supplémentaire de 5,3 millions d'euros dans le cadre des dernières pierres de la mission du centenaire.
S'ils ont des droits sur nous de leur vivant, les anciens combattants en ont également après leur départ. Nous le savons, plus aucun des combattants de la Première Guerre mondiale n'est parmi nous aujourd'hui. Plus critique encore pour la continuité de notre mémoire est la disparition progressive des combattants des autres générations du feu. Or rappelons-nous les mots de Winston Churchill : « Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre. »
De ce fait, nous faisons valoir l'importance des marques de reconnaissance publique de la filiation entre les générations du feu. Ici, en effet, nous croyons en la prise en compte de la ligne budgétaire du Rêve d'Édouard Détaille ; nous y croyons ensemble en finançant les commémorations des quarante ans de la FINUL – la Force intérimaire des Nations unies au Liban – ou encore des dix ans de l'embuscade d'Uzbin.
Pour autant, le Gouvernement en est conscient, la filiation des générations du feu et la transmission de la mémoire ne peuvent se limiter aux commémorations ponctuelles. Le Gouvernement entend, à juste titre, poursuivre la rénovation et la valorisation des sépultures de guerre et des lieux de mémoire, en particulier dans le cadre du projet d'inscription des sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO. Il est en effet essentiel non seulement de dire la mémoire mais aussi de la donner à voir sur le temps long. Ces lieux animent les territoires, font vivre les enseignements scolaires, actualisent le sentiment d'appartenir à une collectivité humaine.
Avec le rapporteur pour avis, Philippe Michel-Kleisbauer, nous insistons sur la mise en valeur du patrimoine culturel des troupes coloniales, constituées notamment de soldats issus du continent africain, qui ont payé de leur vie leur appartenance à la France et dont le souvenir contribue à la cohésion nationale.
Tout n'est pas coûteux au regard des vies données pour notre pays. Ainsi, au-delà des éléments pris en compte par le budget du Gouvernement, nous souhaitons souligner les projets de valorisation du bleuet de France, symbole mémoriel de tous les morts pour la France, d'hier et d'aujourd'hui, combattants français comme victimes du terrorisme. Symbole simple, visible et essentiellement transgénérationnel, il rallie la quasi-totalité des acteurs de la mémoire combattante, comme souligné par notre rapporteur pour avis.
Enfin, les discussions autour du projet de service national universel porté par le Président de la République constituent l'occasion de réfléchir en profondeur à la façon de transmettre la mémoire combattante aux nouvelles générations, en l'absence de témoins vivants.
Pour conclure, le groupe MODEM sera à vos côtés, madame la secrétaire d'État, dans la refondation de ce service national universel que nous appelons de nos voeux, pour que jamais les citoyens français n'oublient les sacrifices consentis par leurs aînés hier et par leurs pairs aujourd'hui, pour assurer notre droit à vivre libres, égaux et fraternels.