Nous devions parler de sujets qu'on n'aborde pas fréquemment, mais l'actualité nous a rattrapés. Ma première question portait sur la situation au Sahel mais vous y avez déjà répondu… Je reviens d'Ukraine et les Ukrainiens que j'ai rencontrés – cinq parlementaires, dont quatre nouvellement élus – saluent finalement les gestes de la Russie mais restent très réservés quant à l'attitude de notre Président. Ils ne comprennent pas très bien pourquoi nous avons réintégré la Russie au sein du Conseil de l'Europe. Ils se posent beaucoup de questions, J'ai essayé de leur expliquer que la pire des choses à faire était de ne pas se parler, mais le message n'est pas encore très bien passé. Je tenais à vous faire part de ces échanges.
J'en viens à mes deux questions. La première est celle de mon collègue Buon Tan, qui n'a pu être présent, et porte sur l'axe indo-pacifique. Le Président de la République a dit en janvier dernier, en Australie, combien il était important que notre politique étrangère se centre aussi sur cet axe indo-pacifique et j'aurais voulu avoir de votre part une petite précision sur cet axe, sur les objectifs que la France se donne et sur les moyens que nous comptons engager.
Quant à ma propre question, elle concerne la présence française et les relations entre la France et l'Iran. Ici, on comprend tout à fait et on salue les efforts de notre Président de la République dans la relation avec l'Iran. L'engagement de la France est indéniable, le vôtre également, celui de M. Bruno Le Maire aussi au travers des efforts de la direction générale du Trésor. Mais je rappelle que, si la France concentre aujourd'hui des critiques de l'Iran, c'est aussi parce qu'elle est bien seule au niveau européen. Si le Royaume-Uni, l'Allemagne et l'Italie partagent votre position, aucun ami n'a un poids politique réel pour débloquer la situation. Nos marges de manoeuvre sont compliquées : les événements sur les installations pétrolières saoudiennes n'aident pas, la solution Instex (Instrument in Support of Trade Exchanges) est au point mort, la détention de nos chercheurs par les Gardiens de la révolution n'est pas acceptable et elle nous pose un vrai problème.
Malgré notre investissement dans ce dossier, nous risquons de nous faire doubler. Politiquement, les États-Unis nous imposent leurs choix ; économiquement, ils sont sur place et nous avons bien constaté une présence américaine, notamment grâce à différents produits. Culturellement, la coopération entre les universités iraniennes et américaines, allemandes, italiennes fonctionne alors que chez nous, ça bloque. Il est difficile de faire venir des étudiants iraniens, tout simplement parce qu'ils ne peuvent pas vivre en France, ils ne peuvent pas ouvrir un compte en banque, ils ne peuvent pas subvenir à leurs besoins, ne peuvent pas recevoir d'argent de leur famille… De leur côté, les Américains sont un véritable aspirateur à talents iraniens dont on sait qu'ils sont très bien formés. Il est vraiment regrettable qu'on ne soit pas présents dans ces coopérations universitaires, car nous avons eu une coopération importante. Ma question est simple : comment maintenir la France sur la carte de l'Iran ? Car, à défaut, si nous n'y sommes plus, dans dix ou quinze ans ce n'est pas vers nous qu'ils se tourneront et ils nous reprocheront même de ne pas avoir été à leurs côtés.