Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Réunion du jeudi 28 novembre 2019 à 15h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

D'un point de vue général, le projet de loi ne saurait être réduit à la question de la consigne. Nous avons abordé et aborderons encore beaucoup d'autres sujets. Nous sommes d'accord sur le principe, mais c'est leur mise en oeuvre, ou déclinaison, qui pose problème.

L'économie circulaire, la lutte contre le gaspillage et la gestion des déchets sont des sujets qui, par nature, ont des implications sur la gouvernance des territoires, qui sont les principaux concernés par l'économie circulaire, comme les autres acteurs de proximité : le consommateur, le producteur, les élus locaux exerçant la compétence de traitement et de collecte.

Ici, à Paris, à l'Assemblée nationale, nous élaborons une loi générale qui vise à prendre en compte la différenciation territoriale, de manière intrinsèque. C'est peut-être là que le bât blesse. Je ne puis laisser dire que la collecte est moins bonne à certains endroits qu'ailleurs, pour de seules raisons de compétence ou de travail ; je ne peux mettre pareils propos que sur le compte de l'ignorance. Voilà tout ce qu'il ne faut pas faire.

Je vais vous expliquer pourquoi j'ai été élu à l'Assemblée nationale avec 63 % des suffrages, taux comparable à ceux des trois élus autonomistes, comme à celui obtenu par les élus de notre majorité à l'assemblée territoriale de Corse. Nous avons précisément été élus, entre autres, sur la question des déchets. Car, jusqu'en 2015, c'était l'enfouissement et le transport privé qui prévalaient, du fait de collusions et de dérives. En effet, la question des déchets ne touche pas seulement à la santé publique ou à l'environnement, mais aussi à des enjeux éthiques. Le taux de collecte qui nous est reproché n'est ainsi que l'héritage du système que je viens de vous présenter. Ce n'est pas une question de travail !

Faut-il rappeler que la Corse, qui compte 300 000 habitants, accueille chaque année 3 millions de touristes – soit dix touristes pour un habitant –, lesquels ne sont pas assujettis à la fiscalité relative aux déchets ménagers ? Autrement dit, ce sont les 300 000 Corses qui paient pour le traitement de déchets dont le volume est proportionnel au nombre des touristes. Cette différenciation de fait touche au modèle du traitement, de la collecte et du tri à la source.

J'ajoute qu'en 2016, la collectivité de Corse a adopté un plan de prévention et de gestion des déchets dans lequel elle tourne le dos à tout enfouissement. Mais elle n'est pas dotée de la compétence correspondante. Tout se passe donc comme si l'on courait à contresens sur un tapis roulant de plus en plus rapide : le tri augmente, se développe, mais la croissance du volume des déchets est telle, à cause du tourisme de masse et des particularités du territoire, que ce n'est pas suffisant. D'autres outils sont donc nécessaires – c'est l'objet de plusieurs amendements.

Tout cela sur fond d'effets de rente analogues à ceux qui existent dans la spéculation immobilière en Corse, où l'on déplore également certaines porosités. Ainsi, des collectifs, dont je suis solidaire, luttent actuellement contre l'installation de deux nouveaux centres d'enfouissement privés qui ont reçu l'aval de la préfète. Il y a tout de même des gens dont on brûle les hangars à cause de cela… C'est pourquoi certains des propos que j'entends ne me font pas du tout rire.

De fait, lorsqu'on élabore un projet de loi général, à tendance parfois égalitaire, voire égalitariste, on oublie l'histoire, dans un domaine, celui des déchets et de l'économie circulaire, qui, par définition, est complexe. J'en veux pour preuve notre discussion sur les modèles de consigne qui suscitent des interprétations différentes, voire des craintes, lesquelles peuvent ne pas être fondées. En effet, je veux bien entendre que le modèle économique de la consigne pour recyclage garantit les ressources – je n'ai aucun a priori en la matière –, mais il faut entendre les inquiétudes qui s'expriment et les apaiser.

En tout état de cause, je souhaite, à ce stade, que la variable des territoires soit prise en compte, non pas par principe idéologique, mais par réalisme : pour assurer la réussite des projets. À cet égard, je ne peux que me féliciter de la convergence, évoquée par Mme la secrétaire d'État, vers une méthodologie reposant sur six principes. Nous pourrons ainsi dépasser les postures politiciennes pour définir une trajectoire qui nous permette d'atteindre l'objectif fixé en matière de recyclage du plastique – objectif sur lequel nous sommes tous d'accord –, voire de progresser vers une interdiction des matières plastique, grâce aux innovations et aux expérimentations territoriales.

Mais, de grâce, n'oublions pas l'un des principes fondamentaux de la République française, selon lequel à des situations différentes correspondent des moyens différents, et n'oublions pas non plus l'histoire.

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