L'amendement CD772 est très important pour la collectivité territoriale de Corse et son assemblée délibérante qui le suivent de près. Il s'agit de remédier urgemment à la situation anxiogène dont nous avons hérité. En 2016, la collectivité territoriale de Corse a décidé d'une montée en puissance du tri à la source. Or elle doit composer avec l'existence de deux centres d'enfouissement privés, la prégnance des transports privés et les contraintes liées à l'insularité. Le volume des déchets est ainsi proportionnel à la croissance démographique de l'île et à celle de la population touristique, toutes deux parmi les plus importantes du pays.
Nous avons aussi un problème de mise en oeuvre, les compétences étant éclatées entre la collectivité de Corse qui élabore le plan, et le syndicat et les intercommunalités qui ne suivent pas le même rythme. Il en résulte que le volume des déchets arrive à engorgement.
Qui plus est, l'insularité entraîne un surcoût au regard du traitement. Lorsqu'une matière arrive en Corse, elle est « circularisée » de manière négative : soit elle y finira enfouie, soit elle partira pour valorisation hors de Corse, car nous sommes n'atteignons pas les seuils qui permettent de valoriser localement le tri et le recyclage.
Nous souhaitons donc innover – j'ai bien entendu la secrétaire d'État parler de trajectoire, de prise de risque, d'innovation et de souplesse. Nous proposons ainsi, en partant du plan de prévention, de gestion et de réduction des déchets prévu par le code général des collectivités territoriales pour la Corse, de donner à la collectivité de Corse des prérogatives pour agir de manière contraignante. Il n'est pas question d'argent ni de fiscalité.
La première de ces prérogatives porterait sur l'entrée des matières et elle pourrait être étendue à d'autres îles – je m'en suis d'ailleurs entretenu avec le maire de Belle-Île-en-mer. En s'appuyant sur le service public du fret maritime, compétence de la collectivité de Corse, une mesure incitative pourrait consister à différencier la tarification, la plus favorable étant réservée aux matières et emballages plus vertueux, par exemple ceux qui se trient facilement.
Une deuxième prérogative concernerait la réglementation. Après trois ou quatre ans d'une telle incitation par les tarifs, une interdiction pourrait frapper certaines matières. On jouerait ainsi à la fois de la carotte et du bâton pour tarir l'entrée en Corse des marchandises qui finissent en enfouissement, et sortir de la situation anxiogène entraînée par l'augmentation du volume des déchets.
Enfin, la troisième prérogative porte sur la propriété de ce qui est trié. Nous sommes en dessous des seuils de rentabilité et les éco-organismes envoient les matières triées ailleurs pour y être recyclées. Ainsi, une communauté de communes en Corse ne peut pas organiser le recyclage de carton avec une très petite entreprise (TPE). Il faut permettre à la communauté de Corse de définir des volumes de matières facilement triables pouvant être valorisées et réutilisées sur place par des entreprises locales, dans une logique d'économie circulaire, car un plan d'économie circulaire est en cours, accompagné d'aides à l'investissement de la collectivité.
Ces trois prérogatives essentielles seraient des outils supplémentaires pour régler le problème du traitement des déchets en Corse, alors même que, pour ajouter à l'anxiété, nous venons d'apprendre la décision de créer un centre d'enfouissement privé de plus – pour des raisons de salubrité publique selon la représentante de l'État –, qui permettra d'enfouir des déchets ménagers pendant les dix ans à venir. Il faut dégager des solutions, et nous proposons une trajectoire qui implique une expérimentation dont les résultats pourraient être utiles dans d'autres systèmes insulaires. Nous souhaitons être écoutés et accompagnés.