Je tiens à préciser d'emblée que la liste des personnes auditionnées mentionnées dans le rapport n'est pas complète. Les idées qui sont exprimées dans ce rapport – qui n'est pas définitif – peuvent donc venir d'autres personnes que celles qui ont été citées.
Dans le cadre de la stratégie Horizon 2020, la France, ainsi que ses partenaires européens, ont réaffirmé l'objectif d'une dépense intérieure de recherche et de développement atteignant 3 % du PIB en 2020. Actuellement, la France se situe aux alentours de 2,2 %, ce qui constitue un progrès, mais montre aussi que nous avons encore du chemin à parcourir.
Les crédits de la mission vont s'accroître de plus de 700 millions d'euros, dont 500 millions pour la partie « recherche », dont les sept programmes bénéficient de 11,5 milliards d'euros, dans la continuité de l'effort déjà entrepris en 2017.
Ce budget continuera à augmenter pour atteindre 28 milliards d'euros en 2020. Ainsi, en trois ans, l'effort du Gouvernement et de la majorité en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche atteindra près de 3,5 milliards d'euros.
Au-delà de l'effort budgétaire, je voudrais saluer, madame la ministre, un budget sincère qui met fin à la plupart des sous-budgétisations chroniques, que ce soit vis-à-vis des organismes internationaux – je pense en particulier à l'Agence spatiale européenne (ASE) –, mais aussi vis-à-vis des personnels et des chercheurs puisque le GVT est, pour la première fois, pleinement pris en compte.
Par ailleurs, alors que les chercheurs, les syndicats et les responsables des centres de recherche, que j'ai rencontrés tout au long de cet automne, nous alertent régulièrement sur la nécessité de maintenir des financements récurrents de fonctionnement pour les laboratoires, 25 millions d'euros qui vont venir abonder ces moyens récurrents. L'ambition de ce budget semble claire et elle est positive : il s'agit enfin de donner vraiment des moyens aux chercheurs, et non d'embaucher à tout prix davantage de chercheurs. Ces moyens seront complétés par des ressources du Grand Plan d'investissement, à hauteur de 2,4 milliards d'euros sur cinq ans. Des programmes de recherche prioritaires, ainsi que des équipements de recherche seront ainsi financés.
Mais ce budget ne tombe pas non plus dans le piège qui consisterait à opposer systématiquement financements récurrents et appels à projets. L'ANR est en effet un outil utile pour favoriser le développement et l'excellence de nombreux programmes de recherche en appui de la stratégie nationale de recherche. Ce qui a dysfonctionné au cours des dernières années est avant tout lié à une raréfaction des crédits qui a conduit à un effondrement du taux de sélection : l'ANR ne peut remplir correctement son rôle lorsque celui-ci descend à 10 % ou 12 %. Il faut qu'il soit de 20 % minimum, et c'est dans cette optique que le budget alloue 133 millions d'euros supplémentaires à l'ANR cette année.
Je voudrais cependant souligner que les financements de l'ANR posent également un autre problème qui est celui des coûts overhead, ou coûts indirects, qu'il faut nécessairement inclure pour financer dans leur totalité les projets de recherche. La moyenne européenne est aujourd'hui comprise entre 20 % et 25 % du total des financements accordés à un projet, alors que nous sommes souvent à moins de 10 %. Cela ne suffit pas pour que les laboratoires financent complètement ces projets et les vivent comme de bonnes nouvelles.
Le crédit d'impôt recherche (CIR) est le second point que je souhaite aborder. Son montant estimé pour 2018 est de 5,8 milliards d'euros. Certes, sa neutralité sectorielle est un vrai avantage. Néanmoins, il serait intéressant, à la fois pour localiser la recherche en France, mais aussi pour stimuler une embauche de jeunes docteurs sortant de nos meilleurs laboratoires, de renforcer son articulation avec l'ensemble de notre politique industrielle et d'innovation. Voilà pourquoi j'ai l'intention de déposer un amendement visant à demander aux entreprises, dans le cadre de leur déclaration de CIR, de présenter en détail leur politique de recrutement liée à leur projet de recherche, en insistant notamment sur la part de jeunes docteurs diplômés en France. Je crois en effet que la publication de ces pratiques de recrutement peut contribuer à faire changer les comportements.
Je conclurai en disant que l'architecture budgétaire de la mission et la coopération des différents acteurs ne sont pas toujours, c'est un euphémisme, d'une clarté parfaite. L'autonomie n'a de sens que si les acteurs bénéficiaires de cette autonomie s'en emparent pour se différencier, et non pour démultiplier sans limites les mêmes projets sans réelle coordination. Il est essentiel désormais de rétablir les grands organismes de recherche dans leur rôle de fer de lance de la conduite des grands projets de recherche en appui d'une stratégie nationale cohérente.
Ce constat d'un émiettement excessif des programmes de recherche – je pense par exemple au plan « Cancer » conduit par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et répliqué par certaines universités avec le soutien des collectivités locales, comme celle de Bordeaux – peut également être fait en ce qui concerne les institutions de valorisation de la recherche comme les instituts Carnot, les sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT), les instituts de recherche technologique (IRT) ou les pôles de compétitivité. La superposition et la multiplication des acteurs et des structures de financement – initiatives d'excellence (IDEX), laboratoires d'excellence (LABEX), Programme d'investissements d'avenir (PIA), Commissariat général à l'investissement (CGI), ANR – constituent un obstacle à la lisibilité et à l'efficacité de notre système de recherche. Il semble également très important de comprendre comment votre budget va s'articuler avec le Grand Plan d'investissement et avec le fonds pour l'innovation de rupture annoncé par Bruno Le Maire. Il y a, me semble-t-il, un vrai travail à faire pour revoir et simplifier l'ensemble de la chaîne qui conduit de la recherche fondamentale au développement commercial, en passant par la recherche appliquée et par l'innovation. À chaque étape, nous avons des idées, mais les dysfonctionnements demeurent.
Madame la ministre, pourriez-vous nous préciser quels sont vos projets, d'une part pour réorganiser les coopérations entre centres de recherche, laboratoires et université, d'autre part pour rationaliser les nombreuses structures de valorisation de la recherche qui existent actuellement, et dont certaines ont créé plus de complexité que de résultats ?