Intervention de Fabrice Le Vigoureux

Réunion du mardi 24 octobre 2017 à 21h05
Commission élargie : finances - affaires culturelles - affaires économiques - développement durable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabrice Le Vigoureux, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour l'enseignement supérieur et la vie étudiante :

Messieurs les présidents, madame la ministre, mesdames et messieurs, dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la vie étudiante, les enjeux pour la compétitivité du pays et l'épanouissement de la jeunesse sont considérables. L'économie de la connaissance est plus que jamais une réalité, et doit s'appuyer sur un système d'enseignement supérieur et de recherche performant et adaptés aux marchés de demain. En outre, la qualité et l'effectivité de l'insertion professionnelle des étudiants sont étroitement corrélées à l'obtention d'un diplôme supérieur.

Nous savons que les défis à relever en cette matière sont nombreux, et l'actualité récente nous le rappelle. Le premier été du quinquennat a en effet été marqué par des dysfonctionnements majeurs autour de la plateforme d'accès à l'enseignement supérieur, Admission Post Bac (APB), sévèrement jugés par la CNIL et par la Cour des comptes, et révélateurs des lacunes profondes du système de l'enseignement supérieur.

Nous faisons aujourd'hui le constat d'une orientation inadaptée qui se double d'une sélection par l'échec, inacceptable pour les jeunes qui veulent poursuivre des études, et pour notre Nation dans son ensemble. Si les estimations économiques sur le coût de ce gâchis varient selon les sources, il est certain que plusieurs centaines de millions d'euros pourraient être économisées et utilisées à de meilleures fins si les lacunes du système en matière d'orientation et d'information des lycéens et des collégiens étaient comblées.

Lorsqu'une politique publique ne donne pas les résultats escomptés, deux réponses sont généralement proposées : la réponse « il faut plus de crédits ! », qui n'interroge pas toujours sur l'efficience de la dépense publique et l'optimisation des services rendus aux citoyens ou aux usagers ; la réponse « il faut faire plus et mieux avec moins ! », qui se révèle dans certaines situations décourageante et contre-productive pour les opérateurs concernés, et qui freine l'implication et la motivation des acteurs de terrain.

Nous voulons éviter ces deux écueils, non seulement en accompagnant budgétairement les opérateurs, autant que le contexte général des finances publiques nous y autorise, tout en transformant profondément un système qui, par de nombreux aspects, se révèle à bout de souffle et très inefficient.

Le budget 2018 traduit et concilie à mon sens ces deux aspirations.

D'une part, les crédits de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » vont s'accroître de plus de 700 millions d'euros en 2018, dont 234 millions d'euros pour la partie « Enseignement supérieur ». Ils atteindront ainsi 27,6 milliards d'euros en crédits de paiement, dont 16,1 milliards pour les deux programmes qui regroupent les dépenses de l'enseignement supérieur et de la vie étudiante. Ce budget augmentera encore en 2019 et en 2020.

Ces moyens seront également renforcés par les crédits prévus dans le grand plan d'investissement (GPI), qui consacrera au cours du quinquennat 1,55 milliard d'euros à l'enseignement supérieur, dont 450 millions qui seront alloués à la réforme des cursus universitaires, en particulier à la diversification des parcours en premier cycle et à la réforme du système d'orientation. Nous le savons : les capacités d'absorption du système arrivent aujourd'hui à saturation et ce système est devenu profondément inégalitaire. Ainsi, alors que dans les formations courtes professionnalisantes comme le diplôme universitaire de technologie (DUT) et le brevet de technicien supérieur (BTS), le taux de passage entre la première et la deuxième année est élevé, de plus de 75 %, il n'est que de 40 % en licence, avec de très fortes inégalités entre les étudiants issus d'un baccalauréat général, d'un baccalauréat technologique ou d'un bac professionnel, ces derniers n'étant que 6 % à passer en deuxième année.

De ce point de vue, la réforme visant à instaurer des prérequis et à accompagner les élèves grâce à un véritable « contrat de réussite » passé avec chacun d'entre eux, ainsi que le développement des filières professionnelles, permettront non seulement d'éviter un gâchis humain mais également de contribuer à une diminution de la pression démographique sur les universités, dont je rappelle qu'elle va se traduire par l'arrivée de 350 000 étudiants supplémentaires d'ici dix ans. Pourriez-vous, madame la ministre, nous préciser votre engagement à créer 100 000 places supplémentaires dans de nouvelles filières courtes professionnalisantes ?

Par ailleurs, le développement des ressources propres des établissements m'apparaît être un autre enjeu majeur pour le financement de l'enseignement supérieur. Si la voie des fondations est encore embryonnaire et sans doute peu adaptée au contexte culturel français, le développement de la formation continue apparaît comme une voie prometteuse, insuffisamment déployée dans nos universités dans une période de mutations économiques profondes.

Sur l'ensemble des questions touchant au développement des ressources propres des établissements, pourriez-vous nous indiquer vos pistes de travail, madame la ministre, notamment en ce qui concerne le développement indispensable de la formation continue ?

Enfin, je conclurai en évoquant la vie étudiante et les aides accordées aux étudiants. Dans le cadre du projet de budget pour 2018, le choix a été fait de maîtriser les charges qui pèsent sur les étudiants : gel des droits d'inscription, du ticket de restaurant universitaire et des loyers des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS). Ces mesures de stabilisation des coûts pour les étudiants sont tout à fait légitimes. Parallèlement, il existe un besoin massif de nouveaux logements étudiants et de maintien des moyens des CROUS pour assurer des conditions de vie dignes à nos étudiants.

À cet égard, le grand plan d'investissement prévoit la construction de 60 000 logements pour les étudiants et de 20 000 logements pour les jeunes actifs. C'est un effort considérable, mais il peut être nécessaire d'aller encore plus loin. Le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) pourrait par exemple amplifier son effort de construction dans les années à venir si l'État s'engageait financièrement ou par la mise à disposition de foncier. De manière générale, les CROUS, déjà pénalisés par le gel du ticket de restauration, ne pourront assumer éternellement une hausse de leurs dépenses sans une hausse correspondante de leurs moyens humains et financiers.

Pourriez-vous nous préciser, madame la ministre, quelle sera la stratégie du Gouvernement pour que le CNOUS et les CROUS continuent à bénéficier des moyens nécessaires pour maintenir la qualité de leurs services et amplifier leurs efforts en faveur de la construction de nouveaux logements ?

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