Intervention de Gérard Menuel

Réunion du mardi 24 octobre 2017 à 21h05
Commission élargie : finances - affaires culturelles - affaires économiques - développement durable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Menuel, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire pour la recherche dans les domaines du développement durable, de la gestion des milieux et des ressources :

Les enjeux environnementaux comme la gestion des milieux et des ressources ou la lutte contre le changement climatique devraient constituer une source de mobilisation budgétaire. Le sont-ils réellement ? Les mesures qui permettent de concrétiser nos ambitions sont-elles prioritaires dans ce PLF ? Dans un contexte contraint et en ne portant un premier regard que sur le seul programme 172 consacré aux recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, la réponse est affirmative. Le programme 172 augmente de 3,2 % en autorisations d'engagement et de 5,4 % en crédits de paiement. Le programme 193 consacré à la recherche spatiale serait renforcé de 155 millions d'euros, tenant ainsi compte, entre autres, du besoin de développement des satellites de météorologie. Le programme 190 relatif à la recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et des mobilités durables, affiche une progression de 57 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 23,6 millions en crédits de paiement. L'effort budgétaire est donc réel. Traduit-il pour autant l'augmentation nécessaire des moyens de la recherche publique française ? Les budgets concernant ces secteurs sont déjà des budgets de rattrapage, et je veux étayer ces informations par quelques exemples concernant le programme Horizon 2020.

L'Union européenne a retenu une stratégie mise en oeuvre sur le plan national par l'ANR, qui décline dans ses actions et sa coordination ces engagements stratégiques liés, en particulier, au changement climatique mais aussi à la promotion des énergies propres, au renouveau industriel, à la sécurité alimentaire, au défi démographique ou encore aux transports et systèmes urbains durables. Ces engagements déclinés en actions mériteraient nettement plus de moyens pour répondre aux objectifs environnementaux. Cependant, en interrogeant l'ANR et les différentes institutions concernées par le déploiement de crédits, il apparaît manifestement que la notion de développement durable est bien intégrée à chacune des missions affectées aux différents instituts. Cela se vérifie par exemple au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) avec les recherches sur les batteries au lithium, sur le photovoltaïque ou encore sur la filière hydrogène. C'est aussi vrai à l'Institut français du pétrole Énergies nouvelles (IFP-EN) au sujet de l'éolien en mer, des moteurs à énergie électrique et les biocarburants de nouvelle génération.

Je veux toutefois mettre en garde les commissaires concernant les crédits de fonctionnement alloués aux opérateurs de recherche. L'évolution des dotations annuelles accordées à plusieurs d'entre eux les ont amenés à des restructurations internes et à d'importants efforts en termes de fonctionnement, alors qu'ils sont légitimement sollicités pour de nombreuses missions nouvelles : je pense à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), à l'INSERM, à l'Institut national de recherches en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA), à l'IFP-EN et au CEA pour sa partie relative aux énergies alternatives.

Dans le contexte actuel, l'ANSES, qui est de plus en plus sollicitée, n'aura pas les moyens de s'adapter aux variations des flux des dossiers, et cela devient un problème structurel. L'IRSTEA, quant à lui, se trouve confronté à des pratiques de financement institutionnel qui pèsent fortement sur ses équilibres financiers. Comme d'autres opérateurs de recherche, cet institut ne parvient même pas à couvrir les frais de personnel correspondant aux appels à projets publics émanant des ministères opérationnels. Consciente de ce problème, l'ANR a mis en place des mécanismes pour prendre en charge une partie des coûts indirects incombant à ces établissements publics lorsque les contrats relèvent d'appels à projets.

Depuis plusieurs années, l'IFP-EN consent des efforts de gestion interne considérables tout en engageant des recherches partenariales dans le secteur des énergies vertes. Cet institut reçoit au titre du programme 190 une dotation de quelque 130 millions d'euros et bénéficie de recettes propres supérieures à ce montant, qui proviennent notamment des redevances payées pour l'exploitation de ses onze mille brevets vivants et des dividendes versés par ses différentes filiales. Pourtant, ces ressources propres, qui varient sensiblement d'une année à l'autre, ne suffisent plus pour compenser la baisse continue, dans le passé, de la subvention allouée au titre du programme 90 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables », qui a reculé de 26,5 % entre 2006 et 2017. La réponse de l'État à cette situation ne peut pas se réduire à vendre les filiales construites en partenariat par cet institut, mais plus certainement en les aidant à se développer.

Ma question est simple, madame la ministre : que faites-vous pour aider notre recherche publique à conserver ses capacités d'excellence ?

Pour conclure, permettez-moi quelques réflexions sur les facteurs qui freinent la réalisation des ambitions légitimes qui sont affichées concernant le mix énergétique, par exemple. De trop nombreuses contraintes, en particulier administratives, freinent l'élaboration de bon nombre de projets et découragent l'initiative locale concernant l'éolien, la méthanisation ou encore l'installation de panneaux photovoltaïques.

Autre remarque : dans ce seul secteur des énergies renouvelables, nos organismes de recherche sont performants mais leurs résultats en processus de construction et en mise au point de prototypes ont beaucoup de mal à être valorisés dans notre propre pays. Les résultats de notre recherche sont trop peu transposés dans l'industrie nationale. Force est de constater que ce sont surtout des investisseurs américains, chinois ou russes qui récupèrent les fruits de la recherche publique française. Quels sont les blocages français, madame la ministre ? Que faire pour les lever ? Comment faire mieux profiter nos concitoyens des retombées et des réussites des laboratoires publics ? Ce sont autant de questions et de sujets de réflexion qui mériteraient peut-être la constitution d'une mission parlementaire.

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