Un certain nombre de questions tournent autour du principe de la simplification, concernant les outils de valorisation, la manière dont le crédit impôt-recherche (CIR) peut être mis au service de l'emploi des doctorants, et les moyens à envisager pour inciter à l'innovation.
Parmi les différents outils mis à la disposition de la recherche et de l'enseignement supérieur ces dernières années, notamment dans le cadre des PIA, nombreux sont ceux qui ont trait à la valorisation. On a tendance à regrouper sous un terme générique les sociétés d'accélération de transfert de technologies (SATT), les instituts de recherche technologique (IRT) ou encore les instituts Carnot, mais, en réalité, il existe autant de situations que de structures. Mon objectif consiste donc à interroger la pertinence et la véritable valeur ajoutée de ces structures sur chacun des sites. Plutôt que de décider d'abandonner les IRT et de maintenir les SATT, ou inversement, je souhaite que perdurent les outils qui fonctionnent. Il n'est pas pour autant nécessaire de multiplier les outils pour que la valorisation fonctionne mieux.
Le CIR comporte un volet spécifique consacré au financement de bourses doctorales, notamment dans le cadre des conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE), mais aussi à l'accompagnement des doctorants vers l'emploi. Sur ce point précis, il me paraît important que nous disposions d'outils statistiques qui nous permettent d'évaluer cet accompagnement vers l'emploi des doctorants, mais le premier outil dont l'État doit se doter consiste à faire inscrire le doctorat au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), de sorte que les entreprises sachent quelles sont les compétences professionnelles rattachées au diplôme en question. Actuellement, les diplômes les plus élevés du RNCP sont ceux d'ingénieur et de master ; il n'existe pas de référentiel national des compétences professionnelles pour le doctorat. Ce doit donc être notre priorité.
Pour ce qui est de l'incitation à l'innovation, nous entendons mettre en place le plus simplement les préconisations issues du rapport Beylat-Tambourin qui visent à faciliter les allers-retours entre le monde académique et celui de la recherche-développement dans les entreprises. C'est en établissant ces passerelles que nous favoriserons le dialogue entre ces deux mondes.
Mon deuxième point concerne l'accompagnement de la recherche et celui des étudiants. L'enseignement supérieur a besoin de conforter son autonomie et, pour cela, les établissements doivent être capables de définir des stratégies propres et, impérativement, continuer à mêler la formation et la recherche. Augmenter les ressources propres est très important : si je puis me permettre de schématiser, les financements en provenance de l'État doivent soutenir la recherche de base et la recherche fondamentale, celle qui vise à préparer l'avenir et de potentielles innovations à long terme ; les ressources propres, quant à elles, doivent être recherchées par les établissements pour, au contraire, faciliter le transfert d'une recherche quasi aboutie vers le marché – or, pour cela, il faut associer des financements publics et privés.
De la même manière, lorsqu'on développe des filières d'enseignement académique, il me paraît important qu'elles soient soutenues par de l'argent public, car il s'agit de maintenir à un haut niveau la capacité de produire de la connaissance. Mais, à chaque fois que nous aurons à créer des formations à vocation technique ou professionnelle, il faudra que nous soyons capables de le faire avec les entreprises, avec les territoires et donc en connaissant les besoins de ces derniers en matière d'emploi. Je ne souhaite donc pas opposer les financements de base, qui doivent, j'y insiste, continuer à venir de l'État et garantir la création des connaissances et leur transmission, et les financements qui doivent servir de levier pour obtenir des ressources propres qui ont vocation à nourrir l'économie. L'insertion professionnelle au service de l'emploi est l'une des missions de l'université et doit bien entendu être défendue, construite et financée à la fois par le monde de l'entreprise et le monde socio-économique en général.
Les grands organismes de recherche doivent conserver leur capacité à piloter de grands programmes nationaux pour lesquels on peut mobiliser, notamment, des financements liés aux grands plans d'investissements ou des financements que nous souhaitons co-construire avec nos partenaires européens sur des sujets de la plus haute importance comme l'antibiorésistance ou la sécurité sanitaire. Dans le même temps, les organismes de recherche nationaux sont ceux qui ont la capacité d'avoir une vision matricielle de ce qui se passe dans l'ensemble des territoires, en particulier par le biais des laboratoires de recherche mixtes avec les universités. Ce sont des missions de pilotage de schémas et de plans nationaux et européens qu'il faut confier à ces organismes qui doivent être à même de savoir comment déployer ces plans dans une logique matricielle auprès des universités. Il faut donc soutenir la recherche de base des laboratoires, soutenir la recherche sur projets, enfin préparer le prochain programme-cadre européen de façon que les sujets qui intéressent la recherche française et sur lesquels nous avons de réelles possibilités d'être leaders et innovants, fassent partie des priorités de l'Europe.
J'en viens aux étudiants. Il n'y a rien de plus terrible que de conduire la jeunesse vers l'échec. C'est pourquoi nous devons supprimer la sélection par le tirage au sort et la sélection par l'échec, et préparer une réforme destinée à favoriser la réussite des étudiants. Il convient à cette fin d'accroître leur autonomie ; c'est pourquoi, dans le cadre du plan logement, il a été prévu de construire 60 000 logements pour les étudiants, mais aussi de leur garantir une caution, de faciliter les baux liés à la mobilité étudiante, en particulier dans le cas d'étudiants qui doivent faire des stages, donc se déplacer et trouver à se loger pendant six mois, ou encore de favoriser la colocation intergénérationnelle. Il s'agit de soutenir le plus possible la mobilité des étudiants, y compris des plus jeunes qui doivent se déplacer pour poursuivre leurs études.
Le troisième volet de ma réponse concerne le pilotage. Je pense en particulier à la question qui m'a été posée sur les grandes infrastructures de recherche liées à la flotte océanique. Les moyens de cette flotte, qui étaient dispersés au sein de plusieurs organismes de recherche, ont été concentrés et confiés à l'IFREMER pour une meilleure coordination. Le budget de la flotte est ainsi porté à un peu plus de 61 millions d'euros – ce qui permet de parler de grande infrastructure de recherche, laquelle est indispensable au développement de programmes spécifiques.
De même, pour ce qui est du Grand Plan d'investissement et du rôle du Commissariat général à l'investissement, il est essentiel que nos choix servent les politiques publiques et donc que les ministres concernés déterminent le moment où utiliser ces financements et de quelle manière. Il faut par ailleurs préserver des jurys à même de choisir les meilleurs projets de façon impartiale, sur le fondement des cahiers des charges qui auront été définis.
J'en viens aux communautés d'universités et d'établissements (ComUE) : là encore, la situation est diverse. Il faut bien comprendre que c'était une obligation de choisir soit une fusion, soit une convention d'association valant rattachement, soit la création d'une ComUE. Or, comme l'ensemble des acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche ont eu deux ans pour faire ce choix, ils se sont précipités vers le modèle qui leur paraissait le moins contraignant si leur projet n'était pas prêt, ou le modèle le plus à même de défendre un projet si ce dernier était déjà prêt. Ainsi, certaines ComUE fonctionnent bien parce qu'elles promeuvent un projet, tandis que d'autres, constituées seulement parce qu'il fallait appliquer la loi, n'ont pas changé grand-chose, ce qui justifie qu'on examine leur cas, d'autant plus que des moyens leur ont été alloués.
Si la visibilité internationale de grandes universités de recherche – indispensable au rayonnement de la France –, et le nécessaire maillage de l'enseignement supérieur sur le territoire n'obéissent pas à la même exigence, les deux ne sont pas incompatibles. Aussi ai-je demandé à chaque site d'enseignement supérieur et de recherche de proposer un projet et de promouvoir une ambition commune qui serait la signature de ces établissements. Cette signature se composerait non seulement des activités d'enseignement et de recherche proposées, mais aussi de l'ancrage de ces universités dans leur territoire. Il ne s'agit donc pas d'opposer l'excellence des universités de grande taille situées dans de grandes métropoles et la faiblesse des universités territoriales, mais bien de réaffirmer qu'il existe plusieurs formes d'excellence, toutes devant être mises au service de la formation et de la recherche.
Reste qu'il est normal que quelques universités nous permettent de rayonner à l'international dans toutes les disciplines, et des universités dont la vocation sera d'avoir une signature et d'être reconnues comme des universités d'excellence dans des domaines particuliers, en lien avec le territoire où elles se trouvent, ou bien dans des domaines relevant d'une stratégie qu'elles auront elles-mêmes construite. C'est en fonction de la même exigence que pour les projets des très grandes universités que seront autorisées pour les universités territoriales des expérimentations en matière de gouvernance. En effet si, lorsqu'on construit un projet, la première question qui se pose est de savoir qui en est le chef, le projet est mort avant de commencer. Il faut en effet d'abord construire le projet et lorsqu'un ensemble d'acteurs le soutient, peu importe qui en est le chef. Il suffit que la gouvernance permette une stratégie à long terme. Pour cela, je ferai entièrement confiance aux acteurs pour faire des propositions mais sur lesquelles, je le répète, mon exigence sera totale.
Je terminerai par la politique spatiale de la France, qui s'inscrit bien sûr dans le cadre de la politique spatiale européenne. Certes, SpaceX est un nouveau concurrent dans le domaine des lanceurs, mais la concurrence est un phénomène bien connu du monde industriel. Il nous faut donc maîtriser les coûts, les délais et toujours avoir un temps d'avance en matière d'innovation. Nous faisons par conséquent totalement confiance au projet Ariane 6 qui nous paraît toujours autant d'actualité. SpaceX est un lanceur américain qui ne pratique pas les mêmes tarifs pour les lancements institutionnels que pour les lancements commerciaux, ce qui est totalement contraire au droit de la concurrence en vigueur en France et en Europe, où les lancements doivent être au même prix, qu'ils soient institutionnels ou bien commerciaux. D'autres concurrents sont en train d'émerger, notamment en Chine. Reste que notre industrie spatiale est capable de répondre à ces défis – surtout si nous continuons à soutenir l'innovation.