Vous m'avez interrogé sur le télescopage entre une mesure nationale telle que le Pass culture et des dispositifs locaux qui existaient antérieurement. C'est presque de la psychologie de base : quand on est un élu de terrain, comme vous l'êtes tous, et qu'on a créé une politique, on a tendance à penser qu'elle est plutôt bonne. C'est la nature humaine – on n'est pas masochiste.
Je crois qu'on pourrait commencer à faire des « tours de France » sur un certain nombre de sujets. Nous pourrions très bien réaliser des inventaires de ce qui existe déjà – même si cela ne serait pas possible, du côté de l'ADF, à jet continu, car nous n'avons pas des effectifs pléthoriques. Je ne peux pas vous dire que je connais toutes les politiques culturelles – ou routières – des départements : ce serait très prétentieux de ma part. Les « tours de France » que j'évoque nous éclaireraient nous-mêmes.
Il faut faire de la pédagogie et prendre le pouls, si j'ose dire, de l'ensemble des départements pour ce qui est des politiques départementales.
L'autre solution, que j'ai déjà évoquée, est la subsidiarité ascendante. La question est de savoir, s'agissant d'une politique visant à assurer l'accès de la jeunesse à des pratiques culturelles diversifiées, quel est le bon niveau. Il n'y aura plus de télescopage si on laisse cette politique à des niveaux plus proches du terrain.
J'en viens à la question concernant les relations entre les préfets et les présidents des départements. Sans vouloir me fâcher avec ces deux corporations, je suis très frappé par une évolution par rapport à la période qui a suivi la décentralisation, au début des années 1980. J'étais encore en culotte courte à cette époque, administrativement parlant, mais les maîtres qui m'ont élevé m'en ont parlé. Le combat pour les petites cuillères en argent du préfet et les palais de la République est terminé. Nous ne sommes plus du tout dans cette confrontation, même s'il faut nuancer. En effet, il peut encore y avoir un ou deux présidents de départements ultralibéraux, hostiles à toute présence de l'État, mais ils ne sont absolument pas significatifs au niveau global. Les présidents des départements réclament des préfets présents sur le terrain. Ils regrettent un phénomène qui me désespère : les préfets qui ne sont plus présents le week-end dans certains départements – j'espère que vous ne connaissez pas cette situation. J'ai personnellement un appartement en région parisienne, mais je n'y ai pas passé un week-end tant que j'étais préfet. Mon chez-moi était l'hôtel de la préfecture et surtout le terrain.
La foire agricole ou la pose d'une première pierre le samedi sont de bonnes occasions d'évoquer les difficultés qui peuvent exister. C'est aussi un moyen de percevoir la vie quotidienne des élus, qui sont sur le terrain le week-end. Si j'étais ministre de l'Intérieur – ce qui n'arrivera pas, je vous rassure (Sourires) –, la première mesure que je prendrais consisterait à ne pas caler la prime des préfets sur le nombre de morts dans les accidents de la route mais sur leur présence le week-end – et en semaine, bien sûr.
Je suis très surpris – mais c'est peut-être en raison de mon parcours – par le nombre de présidents de conseils départementaux, notamment ruraux, qui me disent que leur préfet n'est pas comme ils voudraient qu'il soit, non pas du point de vue du caractère, mais de ce qu'on peut appeler la capacité à tomber amoureux de son territoire.