Mon intervention va être rapide, et je devrai malheureusement quitter cette réunion assez vite.
Je suis d'accord pour regarder dans le millefeuille territorial si on ne peut pas enlever quelques couches et redistribuer des compétences. On aimerait vraiment le faire : je crois que ce serait très utile. Cela permettrait surtout de clarifier la situation pour les citoyens, qui ne savent pas à qui s'adresser pour la plupart des démarches qu'ils ont à faire, notamment auprès des collectivités territoriales. Les compétences sont parfois exercées d'une manière facultative, parfois d'une manière obligatoire – c'est très disparate d'un territoire à l'autre. Par ailleurs, certains échelons n'ont pas supporté qu'on leur enlève certaines compétences et ils continuent donc, sous couvert d'autres compétences, de faire de l'économique ou du social alors que ce n'est plus leur rôle. Il règne un flou total pour nos concitoyens. On constate souvent qu'ils ont des droits théoriques plus que réels, faute de savoir à qui s'adresser pour les exercer concrètement. Cela fait partie de nos objectifs : la concrétisation des lois vise aussi à permettre aux citoyens de faire valoir leurs droits. Pour cela, il faut que les choses soient claires. Or ce n'est pas le cas à l'heure actuelle, vu l'enchevêtrement des compétences.
Je ne vous rejoindrai pas, en revanche, à propos des différenciations. Elles existent déjà, et on est confronté à des situations totalement ubuesques quand on est, comme moi, à la limite de plusieurs départements – l'Isère, qui est le territoire auquel je suis rattachée, l'Ain, le Rhône et la Savoie. Au-delà de la question des relations qui peuvent exister entre les responsables politiques, on assiste à des pratiques relevant de l'optimisation sociale. En ce qui concerne l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), par exemple, l'Isère est le département le plus généreux – davantage, en tout cas, que le Rhône et la Drôme. On peut comprendre la différenciation territoriale quand on parle de territoires littoraux ou de montagne, mais quand il s'agit de concrétiser des politiques publiques, on voit bien que trop de différenciation tue la volonté politique de départ et le droit réel que l'on voulait donner aux gens – en tant que législateurs, nous ne faisons que dire à quoi on a droit, et quels sont les devoirs.
J'aimerais vraiment qu'on arrive à avancer avec les collectivités territoriales à propos de la concrétisation de la loi, notamment en ce qui concerne le texte sur la dépendance que nous allons bientôt examiner. On ne peut pas dire qu'il n'y a pas de concertation avec les départements sur ce sujet : cela fait des mois qu'on en parle, et le Président de la République a annoncé le projet de loi il y a plus d'un an, lors du congrès de la Mutualité française. Nous nous inscrivons dans des démarches proactives, mais je n'ai pas encore vraiment entendu la voix des départements sur ce sujet – sauf aujourd'hui lors d'une rencontre avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, qui a vu les départements commencer un dialogue avec la ministre. Je trouve dommage que ce dialogue n'ait pas eu lieu auparavant et que l'on n'ait pas l'occasion de discuter dans les territoires, entre responsables politiques, de ce qu'il faudrait faire et de la manière dont on peut aboutir à un consensus.
Les lois que nous adoptons ne viennent pas de nulle part : ce ne sont pas des bébés-éprouvettes conçues dans des laboratoires. Le pass culture n'est pas non plus un bébé-éprouvette : on a vu dans les territoires des dispositifs qui fonctionnent et on s'en est inspiré. Il serait temps que les élus locaux – ceux des régions, des départements, des communes et des autres collectivités – et surtout leurs représentants sortent des postures, afin que l'on puisse enfin travailler ensemble à la concrétisation des lois, en tenant compte des différences de besoins – ce sera l'objet de la loi « 3D ». Les besoins ne sont pas forcément les mêmes dans l'Isère, c'est-à-dire à la montagne, et à Lyon, à côté du Rhône, par exemple en matière de tarification des services à la personne. Le président du département de l'Isère a fait quelque chose de très bien dans ce domaine. On peut trouver de bons exemples, mais je crois aussi qu'on doit sortir des postures pour arriver à rendre les choses concrètes.