Intervention de Marie-Pierre Rixain

Réunion du mercredi 18 septembre 2019 à 17h35
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Pierre Rixain, présidente :

Mes chers collègues, avant d'entendre Mme la ministre, il nous faut procéder à la désignation de deux rapporteurs. Pour être rapporteure du projet de loi de finances pour 2020, j'ai reçu la candidature de Mme Isabelle Rauch ; pour être rapporteure de la proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants et de la proposition de loi visant à agir contre les violences faites aux femmes, j'ai reçu la candidature de Mme Fiona Lazaar. Je constate que ces propositions recueillent votre assentiment. Il en est donc ainsi décidé.

Je suis ravie d'accueillir Mme Nicole Belloubet, Garde des Sceaux, ministre de la Justice, à l'occasion du travail mené par la délégation aux droits des femmes en parallèle du Grenelle des violences conjugales lancé le 3 septembre dernier par Marlène Schiappa au côté du Premier ministre Édouard Philippe. Je tiens d'ailleurs à vous remercier, madame la ministre, pour la rapidité avec laquelle nous avons pu organiser cette audition, rapidité qui traduit la forte mobilisation du Gouvernement dans la lutte contre les violences faites aux femmes.

Prévenir, protéger, prendre en charge et punir : tels sont les grands axes du travail du Grenelle qui nous mobilise toutes et tous aujourd'hui. Tous ceux qui oeuvrent auprès des femmes victimes de violences conjugales font en effet le même constat : malgré les plans successifs, des dysfonctionnements demeurent d'un bout à l'autre de la chaîne judiciaire. C'est pourquoi il nous faut sans plus tarder remédier aux carences d'un système qui peine à protéger les femmes et à entendre leur parole.

L'immixtion de la justice pénale dans la sphère privée du couple aux fins de protéger l'un de la tyrannie de l'autre est le fruit d'un long cheminement historique. Les pouvoirs publics et le corps judiciaire ont mis du temps, trop de temps à comprendre qu'il était nécessaire d'intervenir dans des situations de crise conjugale. Tout ce qui se passait au sein du couple a longtemps été renvoyé à l'autorité maritale qui soumettait la femme à son époux. Si l'arrêt Boisboeuf de la Cour de cassation entérine la compétence de la justice pénale en matière de violences conjugales en 1825, elles sont restées une simple qualification juridique, circonstance aggravante des homicides et des violences privées en général. Aujourd'hui, et depuis 1994, elles sont considérées aux termes de l'article 222–13 du code pénal comme un délit et passibles au minimum de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Malgré cette disposition, en 2019, un décompte macabre rythme toujours notre actualité : celui du nombre de femmes mortes sous les coups de leur compagnon. En ce 18 septembre, elles sont déjà 106, soit malheureusement quatre victimes de plus que la semaine dernière lorsque nous entendions le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner.

Le terme de féminicide, qui est enfin entré dans le langage courant, désigne le crime d'un homme qui refuse d'admettre que sa femme est libre de rompre les liens conjugaux et de mener sa vie en toute autonomie. Ce décompte, aussi funèbre soit-il, aura au moins permis de briser le silence autour des violences conjugales, de pointer du doigt des agissements séculaires dont la société ne veut plus.

Ces chiffres que nous connaissons trop bien ne fléchissent cependant pas. C'est pouquoi il nous faut, en tant que législateur et aux côtés du Gouvernement, donner une dimension politique à cette réalité vécue par des millions de femmes, organiser une réponse de la puissance publique à ces violences conjugales.

À présent que nous savons pourquoi l'autorité judiciaire n'a pas su entendre ces femmes ni les prendre suffisamment au sérieux, il nous faut protéger celles qui ont dénoncé les agissements de leur conjoint, organiser les conditions de leur émancipation d'une emprise morale et physique, leur permettre de s'échapper, de construire une nouvelle vie sans la peur de voir l'autre surgir et les priver de liberté. À cette fin, la justice doit aller plus vite, sûrement mieux se saisir des moyens déjà à sa disposition et intégrer les outils qui ont fait leurs preuves ailleurs.

Je me réjouis que le Parlement se mobilise au travers de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale sur ce sujet. Nous remettrons prochainement à Marlène Schiappa un Livre blanc sur cette question comprenant des recommandations à la hauteur de la gravité de la situation. C'est dans ce cadre que nous procédons à l'audition de plusieurs ministres : nous avons entendu le ministre de l'Intérieur la semaine dernière, nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui la Garde des Sceaux et nous recevrons prochainement M. Julien Denormandie pour aborder la question du logement.

Sans plus tarder, Mme la ministre, je vous cède la parole.

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