Intervention de Caroline Abadie

Réunion du mercredi 18 septembre 2019 à 17h35
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCaroline Abadie :

Merci, madame la ministre, de votre présence au sein de cette Délégation qui, d'ailleurs, m'accueille très aimablement alors que je n'en suis pas membre. Je vous remercie également, madame la présidente, pour l'organisation de toutes ces auditions.

Je souhaite aussi parler des auteurs de violences mais, tout d'abord, je voudrais revenir sur vos propos, madame la ministre. Vous avez évoqué un « travail en symbiose » et la nécessité de « resserrer les mailles ». Il me semble que c'est aussi cela que veulent les acteurs de terrain. J'ai eu l'occasion d'en parler, dans ma circonscription, avec un procureur, des gendarmes, des policiers, des représentants d'associations. Tous ont envie de travailler ensemble pour croiser les informations et, peut-être, mieux capter ces « signaux faibles » dont il vient d'être question et qui concernent des cas particuliers. Une telle démarche implique d'ailleurs de réfléchir au secret partagé.

Je crois que votre collègue ministre de l'Intérieur est disposé à organiser des cellules départementales. Je préfèrerais quant à moi qu'elles soient configurées par arrondissement car s'il faut évoquer un cas particulier dans un département comme l'Isère, il est préférable de se caler sur le ressort d'un tribunal de grande instance plutôt que sur une population départementale de 1,6 million d'habitants.

Que pensez-vous du déploiement d'équipes multidisciplinaires ? Permettraient-elles de répondre à votre attente sur ce travail en symbiose ?

Par ailleurs, est-ce à la justice, demandiez-vous, de faire prendre conscience à ces femmes des actes qu'elles ont subis ? Une juge d'application des peines m'a fait part de la formation qu'elle a reçue à Bordeaux voilà un ou deux ans. Nous sommes en présence d'un cycle : une agression a lieu, la victime finit par la justifier, puis elle pardonne, un intermède heureux se produit et…le cycle recommence avec une agression, etc. La fenêtre de tir pour qu'une personne ait envie d'aller au terme du processus est très étroite et, malheureusement, le cycle se poursuit puisque les hommes violents le restent. Comment travailler à la prise de conscience des victimes ? Comment les sortir de l'emprise qu'elles subissent ?

J'ai entendu des juges dire qu'il faut protéger les femmes contre elles-mêmes car, parfois, les hommes arrivent à l'audience main dans la main avec la femme qu'ils ont battue, qui a tout pardonné, qui leur fait les yeux doux et qui est prête à insulter le procureur lorsqu'il demande une mesure d'éloignement, comme ce fut le cas à Bourgoin-Jallieu il y a peu, et faire de même avec le juge qui la prononce. Un vrai travail doit être réalisé pour que les victimes s'extirpent de cette emprise.

Si la justice ne peut pas toujours travailler avec la victime, son rôle est peut-être de travailler avec les auteurs de violences. Beaucoup de choses sont faites sur les plans pré- et post-sententiels comme nous le voyons sur le terrain, dans certains départements ou établissements. Les services de probation tissent des partenariats avec des associations spécialisées dans la prévention des violences et proposent des programmes en milieu ouvert ou fermé ainsi que des groupes de travail afin que les auteurs puissent prendre du recul ; un homme ne sait pas qu'il est violent tant qu'il n'a pas entendu un alter ego parler des violences qu'il a infligées à une femme. C'est alors qu'il se rend compte avoir fait la même chose. Je pourrais également évoquer la justice restaurative et bien d'autres d'initiatives qui doivent nous inspirer.

Comment aider plus encore ces associations mais, aussi, les procureurs qui demandent des mesures d'éloignement et un placement dans des logements ? Nous disposons à Vienne de quinze hébergements d'urgence pour les femmes et d'un seul pour les hommes. Ces derniers n'y ont accès que s'ils n'ont pas de ressources ni de mode alternatif de logement - cela va sans dire, ce n'est pas un hôtel – mais, aussi, s'ils veulent travailler sur eux, s'ils ont pris conscience de leur comportement et s'ils n'ont aucune envie de récidiver. Je souhaiterais avoir votre sentiment sur ce type d'accompagnement social.

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