Je suis directeur d'une association à Alès, qui est engagée dans la lutte contre l'exclusion au sens large depuis plus de quarante ans. Elle gère aujourd'hui plusieurs dispositifs d'hébergement, de premier accueil, de logement, de santé, d'insertion par l'activité économique, ainsi que des dispositifs autour de la citoyenneté. Elle s'est engagée depuis 2010 dans la lutte contre les violences faites aux femmes à la suite d'un processus de fusion avec une autre association.
Aujourd'hui, l'association gère plusieurs dispositifs en lien avec l'accueil des femmes victimes de violences :
- un dispositif d'hébergement d'urgence de 7 à 8 places ;
- un centre d'hébergement et de réinsertion sociale de 25 places accueillant des femmes victimes de violences seules ou avec leurs enfants ;
- un tout nouveau dispositif d'accueil des auteurs, sur lequel nous avons encore peu de recul, et un dispositif de stages et de responsabilisation, qui devrait commencer dans les semaines à venir.
J'adhère à tout ce qui a été dit jusqu'à maintenant. Une équipe à part entière formée sur la question des violences est engagée depuis plusieurs années et nous avons bien séparé les choses, notamment pour l'accueil des auteurs et l'hébergement des femmes victimes de violences.
Je voudrais attirer votre attention sur deux points, en commençant par les zones rurales. Alès est une petite ville de 50 000 habitants qui représente une agglomération de 150 000 habitants répartis sur 27 communes, dont certaines très isolées, notamment dans les Cévennes et dans lesquelles on compte un grand nombre de femmes victimes de violences. Le territoire est très fortement précarisé, avec de nombreuses familles monoparentales et des zones très isolées où les femmes victimes ont beaucoup de mal à se rapprocher des services existant dans les centres-villes.
Nous avons développé un accueil de jour à Alès, mais également, par le biais de financements croisés avec les différentes structures institutionnelles relevant de la politique de la ville et du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), des permanences décentralisées sur certains territoires, de façon à ce que les femmes puissent accéder au service, ainsi que des rencontres à la demande lorsque nous sommes sollicités par une femme dans le cadre de l'accueil de jour. Nous pouvons nous déplacer en donnant rendez-vous dans un centre médico-social, parfois à la mairie mais c'est toujours délicat, car les femmes ont peur d'être identifiées, ou parfois au bar quand il y en a un. Il existe de nombreux dispositifs, mais très souvent, il est difficile de répondre en urgence à une demande d'hébergement sur des territoires aussi isolés.
Le deuxième point sur lequel j'aimerais attirer votre attention est la question des enfants, qui sont très fortement impactés par les violences. Nous travaillons avec des enfants, notamment dans le cadre de l'hébergement en centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). À Alès s'est mis en place un réseau de professionnels qui réfléchit à cette question en développant des services de soutien psychologique et en formant les travailleurs sociaux à leur accompagnement.
Comme l'ont dit mes collègues, on constate un rajeunissement de la population qui s'adresse à nos services, notamment en accueil de jour, même si nous n'accueillons pas de jeunes filles mineures, ainsi qu'une population plus âgée qui, grâce à l'information diffusée dans les médias et à toutes les mobilisations de ces dernières années, vient parler de la violence qu'elle subit depuis de nombreuses années.
Je voudrais également attirer votre attention sur le fait qu'il faut continuer à consolider la formation des services de police et de gendarmerie. Nous travaillons avec ces deux services et avec des intervenants sociaux dans les commissariats ou à la gendarmerie. Il faut conforter la présence de travailleurs sociaux, voire de psychologues, et en tout cas d'intervenants sociaux au sein des commissariats et des gendarmeries.
Lors d'un comité local d'aide aux victimes (CLAV), un colonel de gendarmerie disait combien le fait d'avoir cet intervenant au sein de sa structure avait changé les représentations des gendarmes et l'accueil des femmes victimes de violences.
Je voudrais également insister sur la formation des travailleurs sociaux. Très peu d'interventions ont lieu dans les écoles qui les forment.
Sur l'hébergement, je ne peux que partager ce qui a été dit. Nous assurons plusieurs types d'hébergement : un hébergement généraliste et un hébergement spécifique pour les femmes victimes de violences. Je crains que dans le développement du nombre de places, des opportunités ne se créent pour des associations, mais développer de l'accueil d'urgence ou de longue durée pour des femmes victimes n'est pas la même chose que développer de l'accueil généraliste. Je militerai donc auprès de mes collègues de la FNSF et du préfet pour que ces places soient vraiment spécialisées, et si elles venaient à ne pas l'être, je militerai pour que des personnes formées y accompagnent les femmes victimes de violences. Effectivement, en fusionnant ces places, on risque de noyer la question de la violence faite aux femmes dans un dispositif généraliste dans lequel l'approche ne sera pas la même, y compris pour les enfants.
Il manque des places d'hébergement d'urgence, d'hébergements ouverts 24h24. Au vu de la baisse des budgets et de la demande des pouvoirs publics d'avoir des logements sans cesse occupés, nous n'avons pas pu maintenir des surveillants de nuit. Les commissariats et gendarmeries nous sollicitent beaucoup et trouvent que c'est un défaut dans l'organisation que de ne pas avoir systématiquement quelqu'un 24h24 pour accueillir ces femmes victimes de violences.
Enfin, nous avons développé en parallèle l'accueil des auteurs. Un journaliste nous disait : « Mais alors finalement, vous protégez les auteurs. » L'accueil de l'auteur, c'est d'abord protéger la victime et il me semble que l'éviction du conjoint violent n'est pas suffisamment utilisée, même si toutes les victimes ne souhaitent pas rester au domicile. Quand c'est possible et qu'elle le souhaite, cela permet à la victime de rester avec ses enfants et, en parallèle, met l'homme dans une position où il doit d'ores et déjà supporter les conséquences de ses actes. C'est aussi pour cette raison que nous avons développé des stages de responsabilisation pour permettre à l'auteur de mettre le doigt sur ce qu'est la violence et ce qu'elle provoque.
Mes collègues parlaient de barbarie. On constate que la violence augmente particulièrement dans les zones rurales.