Intervention de Barbara Pompili

Séance en hémicycle du lundi 9 décembre 2019 à 16h00
Lutte contre le gaspillage et économie circulaire — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Pompili, présidente de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire :

Lutter contre le gaspillage, promouvoir l'économie circulaire : voilà ce à quoi nous allons nous atteler dans les prochains jours. L'enjeu est de taille car il s'agit d'engager la transition vers une nouvelle approche de l'économie.

Il faut se rendre à l'évidence, notre modèle n'a plus rien de soutenable. Quand on voit la constitution d'un continent de plastique, quand on connaît le volume de biens en bon état qui sont jetés ou abandonnés, quand on mesure les moyens consacrés à traiter les déchets, on a le sentiment d'un énorme gâchis.

Ce gâchis résulte, il faut bien le dire, d'un mode de consommation qu'il nous faut profondément modifier. Le règne de l'hyper-consommation et du tout-jetable a montré ses multiples limites : l'épuisement des ressources non renouvelables, les émissions de gaz à effet de serre liées à la consommation énergétique, la délocalisation d'activités et les conséquences sociales qui l'accompagnent, et enfin une production de déchets qu'il nous faut trier, collecter, gérer et traiter. Ce modèle, ou plutôt cet anti-modèle, semble désormais à bout de souffle.

Pour engager la transition, il n'y a pas de solution unique. Nous devons nous appuyer sur des démarches complémentaires : augmenter la durée de vie des produits, nous orienter vers une production et une consommation durables, éviter le gaspillage… Cet enjeu est à la fois environnemental, social et économique. Il implique la promotion de nouveaux modèles économiques et la création d'emplois dans de nouveaux métiers.

Il nous faut maintenant agir sur la production, chasser le gaspillage et faire des déchets une nouvelle ressource. Le défi à relever est majeur, puisque notre pays produit plus de 320 millions de tonnes de déchets par an. C'est pour cette raison que la réduction à la source figure au premier rang dans la hiérarchie des modes de gestion des déchets. Nous devons donner un véritable élan à cette démarche qui doit être aussi générale que possible. Pour cela, il nous faut limiter l'usage de certains emballages ou produits pouvant être considérés comme inutiles et proscrire l'emploi de matières dont on sait qu'elles ne pourront être recyclées.

Toutefois, pour changer de modèle, il faut impliquer tout le monde – les producteurs aussi bien que les consommateurs. À cet égard, l'on assiste à une prise de conscience des enjeux, et c'est heureux. Les préoccupations environnementales et sociales sont de plus en plus présentes chez les consommateurs, qui sont aussi des citoyens ; elles le sont aussi, sous certaines formes, chez les producteurs, pour lesquels prévenir les déchets permet aussi de maîtriser les coûts.

Mais le changement de paradigme n'est pas simple et, pour y parvenir, l'information est un outil essentiel. Je pense bien sûr à l'information du consommateur sur la qualité environnementale des produits, mais aussi sur leur durée de vie, leur réparabilité ou la disponibilité des pièces détachées. Elle permet de faire un choix en toute responsabilité et constitue un outil puissant de lutte contre le gaspillage. Le changement de modèle passe aussi par la responsabilisation des producteurs : la constitution de nouvelles filières de responsabilité élargie du producteur et la modulation des éco-contributions doivent y contribuer. Je tiens tout particulièrement à saluer la création d'une filière REP du bâtiment, car les déchets de ce secteur représentent à eux seuls près des trois quarts des déchets produits en France. Leur prévention, leur tri et leur valorisation sont donc essentiels si nous voulons nous orienter vers une économie réellement circulaire.

Enfin, pour lutter contre les déchets et le gaspillage, il nous faut aussi encourager les activités qui concourent à donner une deuxième vie aux produits de consommation courante. Il est beaucoup trop fréquent que des personnes jettent leurs biens et en rachètent d'autres au lieu de les réparer. Nous jetons trop, que ce soit à cause de la mode, à cause de la difficulté à faire réparer un produit ou du coût de cette réparation – ou encore à cause de l'habitude, maintenant bien ancrée, d'acheter un nouveau bien sans se poser de questions sur ce que l'on a déjà. Nous connaissons aussi la pratique scandaleuse qui consiste à détruire les invendus.

Avec ce projet de loi, nous souhaitons renverser la tendance. Les activités de réparation et de réemploi sont un enjeu essentiel sur le plan environnemental, bien sûr, mais aussi du point de vue social et économique, car elles représentent de nombreux emplois locaux, pérennes et non délocalisables, notamment dans l'économie sociale et solidaire. Quand on sait que le développement d'activités de réparation des produits usagés et de réutilisation ou de recyclage des déchets génère vingt-cinq fois plus d'emplois que la mise en décharge de ces déchets, on comprend l'opportunité qui se présente à nous. Il nous faut la saisir, et c'est un des objectifs du projet de loi.

J'en viens au tri. Il ne doit, à mon sens, intervenir qu'en avant-dernier recours, car nous ne pouvons omettre qu'il est énergivore et, par conséquent, non sans effet sur l'environnement. Le projet de loi prévoyait d'instituer un système de consigne pour réemploi ou recyclage des produits utilisés par les ménages. Les sénateurs lui ont assigné un objectif exclusif de réemploi. Pourtant, ces deux approches ne me semblent pas exclusives l'une de l'autre et doivent pouvoir être conciliées. Nos débats sur le sujet seront sans aucun doute nourris.

Nous attendons beaucoup du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. Nos discussions en commission ont été riches, grâce à l'implication de Mme la secrétaire d'État, de nos deux rapporteures, Véronique Riotton et Stéphanie Kerbarh, ainsi que de la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, Graziella Melchior. Je remercie également tous les collaborateurs et administrateurs qui ont contribué à ce travail et je ne doute pas que nous retrouverons la même richesse lors des débats dans l'hémicycle.

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