Intervention de François-Michel Lambert

Séance en hémicycle du lundi 9 décembre 2019 à 16h00
Lutte contre le gaspillage et économie circulaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert :

Nous savons que celui-ci n'est que la traduction d'une forme de mesure de la richesse inadaptée, concentrée sur le virtuel et l'artificiel, fondée sur la comptabilité d'un compte en euros, en dollars ou dans une autre monnaie, dans une banque souvent totalement étrangère à notre pays. La seule vraie banque que nous avons, c'est notre planète, ce sont ses ressources, sa biodiversité. Il est donc urgent de changer la façon dont nous mesurons la création de richesse au singulier, ou de richesses au pluriel.

C'est le sens d'une proposition de loi de nos collègues du groupe Socialistes et apparentés qui sera examinée jeudi. C'est surtout l'objet d'un amendement proposé par le groupe Libertés et territoires : étudier l'opportunité d'une nouvelle approche de la comptabilité, dite intégrée, prenant en compte les créations ou destructions de richesses économiques, mais aussi sociales et environnementales. Cet amendement, qui demandait la publication d'un rapport, a été repoussé en commission. Il ne s'agissait pourtant pas de transformer, de bousculer notre modèle, mais d'explorer des voies nouvelles d'approche de la comptabilité. J'ose espérer que dans l'hémicycle, nous saurons adopter cet amendement pour ouvrir au moins une réflexion sur ce qui définit le capitalisme aujourd'hui et ce que nous pouvons mettre en oeuvre pour modifier cette définition.

Le groupe Libertés et territoires tient à rappeler qu'il aborde positivement ces débats. Nous constatons des avancées, concernant notamment la durée de vie des produits, l'ambition de contenir le gaspillage alimentaire et des produits finis ou encore la mise en oeuvre d'éléments opérationnels dans certaines filières – jouets, bricolage, bâtiment. Tout ceci est à saluer. La volonté de rééquilibrer le recyclage et la réutilisation des produits est tout à fait notable. Nous regrettons toutefois une relative timidité du Gouvernement et de la majorité, qui nourrissent de l'ambition sans pour autant dépasser les soi-disant limites imposées par l'Union européenne.

J'oserai dire : « Musclez, musclons notre jeu ! », pour gagner sur ce sujet. Nous ne pouvons pas nous résigner à conserver la même fiscalité sans baisser, notamment, la TVA sur la réparation. Nous ne pouvons pas ignorer la proposition d'une TVA circulaire, évoquée tout à l'heure par notre collègue Guillaume Garot, qui s'adapte à une économie circulaire et privilégie les bonnes pratiques en préservant les ressources.

Nous ne comprenons pas non plus la stratégie au sujet du plastique, qui concentre l'attention sur une consigne de recyclage de la matière sur les seules bouteilles de boissons, alors que l'enjeu est beaucoup plus large, voire dramatique. Permettez-moi de rappeler que la Méditerranée représente 1 % des eaux salées du monde, mais 7 % de la pollution plastique. C'est une mer qui, dans vingt ans, pourrait mourir. Sa biodiversité pourrait disparaître, notamment en raison de l'exploitation et de l'usage qui sont faits de la mer. Les bouteilles en plastique ne sont pas les causes de cette pollution : ce sont les micro-déchets, les micro-particules.

C'est la raison pour laquelle nous proposons trois temps, avec d'abord un objectif : zéro plastique fossile en 2030. Il y a ensuite un outil à créer : une agence nationale du plastique qui, comme l'Agence française pour la biodiversité, permettra de rassembler et de concentrer les objectifs sur l'endiguement du plastique qui nous déborde. Enfin, un rendez-vous serait à organiser très rapidement : des états généraux de l'emballage, pour en redéfinir le rôle et la place. Ces amendements ont été rejetés en commission ; nous les présenterons de nouveau dans l'hémicycle.

La discussion que nous aurons sur ces sujets nous permettra de savoir si ce projet est celui d'une loi sur l'économie circulaire, ou d'une simple loi de gestion des déchets et d'information du consommateur. Le groupe Libertés et territoires a déposé un amendement proposant de modifier le titre du projet de loi. Il sera étudié à la fin des débats, et nous saurons le retirer si d'ici là, nous avons collectivement apporté des réponses à l'ardente nécessité de transformer en profondeur notre modèle. Il nous reste à peine quelques années : dans trente ans, nous serons 10 milliards et serons déjà en conflit pour l'accès aux ressources – en guerre, il faut le dire.

Il peut donc s'agir d'une loi historique, comme vous le dites, madame la secrétaire d'État, et c'est une ambition que je soutiens : une grande loi qui change le système et où l'économie sera à haute valeur ajoutée, comme l'a indiqué Mme la rapporteure Riotton – à condition cependant que ce texte soit à la hauteur, non pas des médias ou du Café du commerce, mais des limites de notre planète.

Concevons ici une loi historique, au cours de nos débats puis d'un vote solennel, en janvier, à l'aube d'une nouvelle année 2020 et d'une nouvelle décennie. Fermons une parenthèse de l'histoire de l'humanité, ouverte il y a 150 ans par la révolution industrielle et aggravée par l'hyper-consommation de notre société. Revenons à un équilibre entre humanité et planète et nous serons au rendez-vous que vous avez fixé, madame la secrétaire d'État. Pour ma part, je serai à vos côtés.

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