Intervention de Stéphane Travert

Réunion du jeudi 26 octobre 2017 à 9h00
Commission élargie : finances - affaires économiques

Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

L'agriculture française doit se transformer en profondeur. Cette transformation est en effet indispensable pour relever trois défis majeurs : la transition écologique, la réponse aux exigences renforcées des consommateurs, en matière de sécurité sanitaire et de qualité alimentaire, et des citoyens, soucieux du bien-être animal et de l'empreinte écologique, et, enfin, la résilience dans un monde à l'instabilité croissante fait d'aléas et de crises économiques, sanitaires et climatiques.

Le Président de la République a fixé le cap dans le discours qu'il a prononcé à Rungis le 11 octobre dernier, à l'occasion d'un « point d'étape » des états généraux de l'alimentation. Il a rappelé qu'une agriculture forte et performante est un atout décisif pour assurer l'une des clés de la souveraineté, la souveraineté alimentaire. Il a également souligné que les quatre objectifs de la performance économique, sociale, environnementale et sanitaire sont indissociables dans la construction du système agricole de demain et doivent constituer les quatre points cardinaux de l'intervention des acteurs économiques et de l'action publique dans cette démarche de transformation.

Pour créer les conditions de cette transformation, nous devons actionner des leviers complémentaires, chacun d'eux devant l'être au bon moment : les états généraux de l'alimentation, dont le pilotage associe une douzaine de ministères, tant les enjeux et les interactions avec d'autres politiques publiques sont forts, qui, après une première phase centrée sur la question de la création et de la répartition de la valeur, approfondissent les attentes sociétales et la manière d'y répondre ; la mise en oeuvre opérationnelle des propositions retenues, qui prendra le relais après la clôture des états généraux de l'alimentation à la fin de l'année ; la future PAC, qui devra être protectrice, facilitatrice, agile et beaucoup plus lisible ; enfin, bien entendu, le budget national.

Le projet de budget du ministère de l'agriculture et de l'alimentation que je viens vous présenter est doté de 5,2 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 1,5 % par rapport à 2017, et de 5,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement. Ces crédits permettront de conforter et même, souvent, de renforcer sensiblement l'ensemble des politiques publiques relevant du ministère dont j'ai la charge.

Ce projet de budget traduit et illustre, en premier lieu, mes trois priorités stratégiques que sont la formation et l'innovation, la PAC et la sécurité sanitaire.

En ce qui concerne les programmes d'enseignement technique et supérieur et la recherche, leurs crédits ne relèvent pas de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », mais je souhaiterais évoquer les moyens prévus pour les programmes 142 et 143, et ce pour deux raisons. Tout d'abord, ces deux programmes représentent 60 % des 30 000 agents du ministère et un tiers des crédits budgétaires. Ensuite, ils sont l'un des vecteurs de la préparation de l'avenir, via la formation des jeunes et l'innovation. Les effectifs dédiés à ces deux programmes, c'est-à-dire les 18 000 agents qui concourent à l'enseignement technique et supérieur agricole, seront maintenus en 2018 au même niveau qu'en 2017.

Leurs crédits hors dépenses de personnel s'établiront globalement à 627 millions d'euros, soit près de 3 % de plus qu'en 2017. Ces crédits supplémentaires permettront de mieux doter nos établissements, de poursuivre la modernisation des campus et de faire face à la hausse de la démographie étudiante, et d'améliorer la situation financière des établissements, grâce notamment à une meilleure prise en charge du financement des assistants d'éducation, qui augmente de 13 %, à la compensation des emplois gagés dans les centres de formation continue – 1 million d'euros supplémentaires – et au financement des investissements nécessaires dans les outre-mer. Ce budget doit également permettre d'accompagner financièrement la renégociation en cours des protocoles avec les trois fédérations de l'enseignement technique privé.

Par ailleurs, ces crédits supplémentaires serviront à la modernisation de nos dispositifs d'appui, en particulier nos systèmes d'information – plus 2 millions d'euros –, et à l'accompagnement du développement de la scolarisation en milieu ordinaire des jeunes en situation de handicap pour 1 million d'euros supplémentaires.

Enfin, parce que l'agriculture et l'alimentation nécessitent un effort de recherche important, les crédits destinés à l'action des organismes de recherche, comme l'Institut national de recherche agronomique (INRA) et l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA), et des instituts techniques agricoles et agro-industriels, seront maintenus, voire augmentés.

J'en viens maintenant aux crédits ouverts sur la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales.

S'agissant du programme 149, dont relèvent les politiques agricoles et agroalimentaires, la forêt et désormais la pêche et l'aquaculture, mon objectif prioritaire a été de conforter les contreparties nationales des mesures qui relèvent du deuxième pilier de la politique agricole commune. Ainsi, avec 455 millions d'euros d'autorisations d'engagement, nous serons en mesure de mobiliser au mieux en 2018 les crédits européens pour les quatre dispositifs suivants :

- Premièrement, l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN), dont la dotation est maintenue au niveau de 2017, soit 264 millions d'euros ; son financement permettra, avec les crédits européens du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) de mobiliser au total 1,06 milliard d'euros pour les quelque 100 000 exploitants agricoles situés dans des zones soumises à des handicaps naturels ;

- Deuxièmement, les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) et les aides à l'agriculture biologique : avec 81,4 millions d'euros en autorisations d'engagement, dont la moitié pour l'agriculture biologique, ce dispositif contractuel proposé aux exploitants est conforté et permettra, avec le cofinancement de l'Union européenne, de disposer d'une enveloppe globale d'engagements nouveaux de 325 millions d'euros en 2018 ;

- Troisièmement, la dotation aux jeunes agriculteurs (DJA) : le montant des crédits proposé est de 38,4 millions d'euros en autorisations d'engagement, c'est-à-dire exactement le même qu'en loi de finances initiale pour 2017. Ce soutien permettra d'accompagner le renouvellement des générations ;

- Quatrièmement, les mesures de soutien aux investissements dans les exploitations agricoles : avec 71 millions d'euros en 2018, la dotation proposée est une nouvelle fois supérieure à la dotation de base qui se situe, je le rappelle, à 56 millions d'euros. Le ciblage des crédits sera amélioré en faveur des systèmes quadruplement performants, des approches collectives et des jeunes agriculteurs. La diversification des outils et le développement d'instruments financiers doivent également être étudiés. Ces crédits, tout comme ceux relatifs aux mesures agro-environnementales et climatiques, contribuent au grand plan d'investissement.

En crédits de paiements, les quatre dispositifs PAC que je viens de décrire sont dotés de 534 millions d'euros, soit 110 millions de plus qu'en 2017. Ces crédits ouverts en 2018 nous permettront d'achever le rattrapage des retards de paiements PAC dus aux agriculteurs, notamment au titre des MAEC 2015.

Au-delà des dispositifs de la PAC, les crédits ouverts sur le programme 149 permettent de stabiliser, voire de renforcer le soutien public aux filières et au fonctionnement des marchés. Le soutien aux productions ultramarines est entièrement préservé, qu'il s'agisse de la filière canne à sucre dans les DOM, qui bénéficiera de 10 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2017, ou du doublement de l'enveloppe des crédits d'intervention de l'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (ODEADOM).

S'agissant de la filière bois et forêt, l'État respecte ses engagements financiers vis-à-vis de l'ONF dans le cadre du contrat d'objectifs et de performance 2016-2020, avec 175,5 millions d'euros, et le maintien du soutien au Centre national de la propriété forestière (CNPF), avec 14,9 millions d'euros.

Ce projet de loi de finances marque également, comme je l'ai déjà indiqué, l'intégration dans le programme 149 de la gestion durable des pêches et de l'aquaculture. Les crédits destinés à cette action sont en augmentation de 1 % par rapport à 2017 et s'établissent à 45,3 millions d'euros. Ils permettront, d'une part, de renforcer la connaissance des ressources halieutiques ainsi que le contrôle des pêches dans le cadre des obligations européennes relevant de la Politique commune de la pêche (PCP), et d'autre part, de soutenir les projets de la filière pêche et aquaculture dans le cadre du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).

Afin d'assurer une meilleure réactivité en cas de crise, mais également de renforcer la sincérité de la budgétisation initiale, il est créé, pour la première fois dans le budget du ministère, une provision pour aléas dotée de 300 millions d'euros. Ce montant correspond à la moyenne décennale des ouvertures observées en loi de finances rectificative au bénéfice du ministère de l'agriculture. Cette provision permettra à la fois de financer des besoins imprévus car imprévisibles, nés des crises sanitaires, climatiques et économiques, ainsi que des refus d'apurement communautaire.

Même si nous ne connaissons pas aujourd'hui le montant exact et définitif des refus d'apurement qu'il nous faudra couvrir en 2018, je veux être clair sur l'utilisation de cette provision. Celle-ci est destinée à faire face de façon rapide à des aléas qui exigeraient de mobiliser des financements. J'espère, bien entendu, que nous ne connaîtrons aucune crise d'ampleur en 2018 qui ne pourrait être couverte par redéploiement interne de nos crédits ou mobilisation de la réserve de précaution ; mais si cela devait arriver, la réserve sera toujours disponible tout au long de l'année 2018 et ne sera pas préemptée par le paiement des refus d'apurement communautaire, puisque ces paiements n'interviennent qu'en fin d'année pour équilibrer l'avance faite par l'Agence France Trésor.

Par ailleurs, le programme 149 ne comporte plus de compensation budgétaire relative à la cotisation maladie des exploitants agricoles. En effet, dans le cadre d'une réforme structurelle inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, le Gouvernement a décidé d'harmoniser le barème des cotisations maladie des exploitants agricoles avec celui des autres travailleurs indépendants. Ce régime harmonisé de cotisations est légitime et équitable puisque les prestations maladie servies à l'ensemble des indépendants, agricoles et non agricoles, sont identiques. J'ajoute que cette harmonisation pérennise, en l'adaptant dans une démarche plus sociale, la réduction décidée en février 2016, au plus fort de la crise agricole, pour alléger rapidement les charges et soutenir ainsi le revenu de l'ensemble des agriculteurs.

Le nouveau barème de cotisations maladie est désormais progressif, donc plus social, et présente un double avantage.

Tout d'abord, pour 60 % des agriculteurs, il permettra un allégement de prélèvements sociaux en 2018 par rapport à ceux de 2017, dans ce cadre, l'engagement du Gouvernement de dégager un gain de pouvoir d'achat pour l'ensemble des actifs les plus modestes à l'occasion de la compensation de l'augmentation de la CSG, y compris pour les travailleurs indépendants, est respecté pour les exploitants agricoles.

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