Intervention de Jean-Baptiste Moreau

Réunion du jeudi 26 octobre 2017 à 9h00
Commission élargie : finances - affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Baptiste Moreau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques :

Vous l'aurez compris, l'agriculture française est aujourd'hui dans une situation globalement difficile, mais également en face de choix qui peuvent lui offrir des perspectives beaucoup plus heureuses.

Dans ce premier budget présenté par le Gouvernement, la plupart des dépenses d'intervention sont en hausse. En 2018, les crédits alloués à la mission budgétaire « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » seront en baisse de 3,09 % en autorisations d'engagement – 3,32 milliards d'euros –, et en hausse de 1,28 % en crédits de paiement – 3,43 milliards d'euros.

J'ai choisi d'axer mon rapport pour avis sur la situation financière des exploitations agricoles françaises afin d'avoir un panorama des leviers sur lesquels agir. Ce budget présenté pour l'année 2018 n'est que le premier temps d'une nouvelle ère agricole, dont les contours doivent encore être précisés à l'issue des états généraux de l'alimentation, parallèlement à une réflexion sur la remise à plat de la fiscalité agricole.

L'ensemble des auditions que j'ai menées ont mis en évidence l'extrême fragilité des exploitations agricoles, quelles que soient les filières. Le fait que les coûts de production ne soient pas couverts par les prix de vente explique pour une large part cet état mais, d'une exploitation à l'autre, les effets en termes de trésorerie peuvent être très divers, y compris au sein d'une même filière. Or ce ne sont ni la taille ni la technicité de l'agriculteur, ni même la structure de l'exploitation qui déterminent la situation de la trésorerie mais bien davantage la capacité de gestion et d'anticipation du chef d'exploitation. Si la formation agricole produit aujourd'hui d'excellents techniciens, l'effort doit donc être porté sur les compétences managériales.

La première phase des états généraux de l'alimentation a abouti à la conclusion qu'il était urgent de redistribuer de la valeur ajoutée chez les producteurs, et ce, quelle que soit la filière, afin de redonner de la rentabilité à l'activité agricole.

Les annonces du Président de la République à Rungis vont dans ce sens : d'une part, avec la contractualisation proposée par les producteurs aux autres maillons de la filière et, d'autre part, avec l'inversion du processus de fabrication du prix qui partira désormais du coût de production défini par les filières.

Pour arriver à ces objectifs, il est essentiel que toutes les filières prennent leurs responsabilités et établissent de réels contrats de filière, adaptés à leurs activités. Par la suite, il sera indispensable d'envisager un encadrement des promotions et une hausse du seuil de revente à perte. L'enjeu est d'arrêter la grande distribution dans sa guerre des prix, qui enclenche la spirale infernale de destruction de la valeur.

La deuxième phase de ces états généraux de l'alimentation doit déboucher sur une évolution du modèle agricole, en conformité avec la demande des consommateurs et les attentes de la société. Il est en effet impératif de sortir du système agricole actuel, qui ne permet plus aux producteurs de vivre de leur travail. De nombreuses mesures ont déjà été mises en place par les producteurs pour faire évoluer leurs pratiques, mais beaucoup reste à faire.

Tout d'abord, des mécanismes assurantiels devront être mis en place afin de protéger les agriculteurs contre les aléas climatiques et les aléas économiques. Entre autres pistes, une refonte des assurances récoltes devrait être engagée et un mécanisme d'épargne de précaution réellement efficient mis en place pour permettre aux agriculteurs de faire face aux crises économiques, sans donner lieu aux dysfonctionnements du régime actuel des déductions fiscales pour investissement (DPI) et pour aléas (DPA).

Notre système fiscal actuel apparaît parfois comme un véritable « pousse-au-crime » pour les agriculteurs : afin d'éviter une trop forte imposition fiscale et sociale, ceux-ci sont en effet incités à investir plus que de besoin et plongent alors dans la spirale du surendettement. Une refonte totale de ce système est par conséquent nécessaire.

Dans son discours à Rungis, le Président de la République à Rungis a évoqué un plan d'investissement de 5 milliards d'euros pour accompagner la transition des exploitants agricoles et leur permettre de se moderniser. Il est notamment à noter que 200 millions d'euros sont destinés à la mise en place d'un système de paiement pour services environnementaux.

Parallèlement à ces perspectives, il est indispensable que les agriculteurs soient aussi autonomes que possible vis-à-vis des aides, ce qui ne peut s'envisager que par des prix de vente plus rémunérateurs. Les négociations de la future PAC, qui vont débuter et dans lesquelles la France devra faire entendre sa voix, devront néanmoins déboucher sur un système d'aides plus lisible, plus transparent et plus agile.

Plus globalement, un certain nombre de contraintes administratives doivent être levées afin de faciliter le quotidien des chefs d'exploitation. Ce sera l'objet du futur projet de loi sur le droit à l'erreur et la simplification administrative, qui sera discuté au premier trimestre 2018. Certaines pistes ont d'ores et déjà été évoquées.

Nous ne pouvons nier la situation économique difficile que traverse l'agriculture française, mais celle-ci n'en possède pas moins de nombreux atouts, reconnus par l'ensemble des consommateurs, et que nous devons valoriser.

Les interprofessions n'ont pas le droit d'échouer dans la conception de leur contrat de filière, car l'encadrement des pratiques de la grande distribution est essentiel dans les mesures à prendre suite aux états généraux de l'alimentation. Quels moyens comptez-vous mettre à leur disposition, monsieur le ministre, afin qu'elles réussissent dans leur entreprise ?

La France est historiquement une nation exportatrice dans le domaine agroalimentaire, mais elle est insuffisamment réactive, notamment dans le domaine des certificats sanitaires : il nous faut plusieurs mois pour les établir là où certains pays ne mettent que quelques semaines. Quels seraient donc les moyens à mettre en place pour avoir enfin une administration plus réactive, plus pragmatique et plus efficace ?

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