Intervention de Stéphane Travert

Réunion du jeudi 26 octobre 2017 à 9h00
Commission élargie : finances - affaires économiques

Stéphane Travert, ministre de l'agriculture et de l'alimentation :

Je vous remercie, mesdames et messieurs les représentants des groupes, de vos remarques positives sur ce budget.

Je commencerai par deux rappels.

Le premier concerne l'agriculture biologique. Sur la période de programmation 2014-2020, rappelons que les crédits nationaux et européens consacrés au bio ont été multipliés par trois par rapport à la période 2006-2013 ; autrement dit, nous avons la capacité d'accompagner cette demande sociale forte d'agriculture biologique exprimée par l'ensemble de nos concitoyens. Bien entendu, nous ne traitons pas la question à la légère.

Deuxièmement, nous allons reprendre dès 2018 le calendrier vertueux de versement des aides de la PAC, tel que mon prédécesseur, M. Jacques Mézard, l'avait défini en prenant un engagement le 22 juin dernier. Nous avons veillé depuis lors à ce que ce calendrier de versement des aides soit tenu. La semaine dernière, nous avons versé pas moins de 6,3 milliards d'euros au titre des apports de trésorerie remboursables (ATR) de 2017. C'est le plus gros versement jamais opéré par le ministère de l'agriculture pour assurer le paiement direct dans les trésoreries des exploitations. Un tel effort mérite d'être souligné.

Sur le reste, le retard se résorbe progressivement. Les aides du premier pilier au titre des campagnes 2015 et 2016 sont payées. L'ICHN 2016 a été payée en juillet 2017, les aides du premier pilier et l'ICHN 2017 seront payées en février 2018. Les paiements des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) et des aides à l'agriculture bio 2015 démarreront, comme prévu, en novembre 2017 ; la campagne de 2016 sera payée à partir de mars 2018, celle de 2017 à partir de juillet 2018. Le retard aura alors été totalement résorbé.

Cela m'amène à vous parler de l'effort réalisé dans la construction de ce budget pour garantir plus d'efficacité dans le paiement de ces dossiers PAC. Nous avons renforcé les services d'économie agricoles et ruraux dans les territoires, à savoir les directions départementales des territoires (DDT) ou les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM), en apportant 600 ETP complémentaires pour traiter prioritairement ces dossiers, contre 350 prévus initialement. Nous avons investi près de 30 millions d'euros supplémentaires pour renforcer l'accompagnement informatique auprès des services de l'Agence de services et de paiement (ASP) et des services déconcentrés, toujours dans le même objectif : respecter le calendrier de versement des aides PAC sur lequel nous nous sommes engagés.

Je reviens maintenant aux questions posées par les différents orateurs.

La formation est enjeu essentiel à la fois pour accompagner à la fois la transition voulue par le président de la République, mais aussi les futures générations d'agriculteurs, d'où la priorité que j'ai donnée à l'enseignement dans ce budget. Dans le même temps, nous devons continuer à adapter nos formations aux nouveaux enjeux : l'agroécologie, les prochaines perspectives agronomiques. Ce sujet est traité dans l'atelier 13 des EGA « rendre les métiers de l'agriculture plus attractifs et accroître la formation ».

Une concertation est en cours avec l'ensemble des professionnels et avec les associations pour travailler d'abord sur la carte des formations, puis sur l'adaptation aux besoins des territoires et des professionnels dans une échéance 2020-2022. C'est un travail fondamental que je suis de très près.

Plusieurs d'entre vous se sont émus de la suppression du fonds d'accompagnement du régime du micro-bénéfice agricole dit régime du « micro-BA ». Ce régime a été remplacé en 2016 par un dispositif mieux adapté aux diverses caractéristiques de chaque exploitation, plus transparent, plus juste et plus simple. Huit millions d'euros seront versés cette année aux caisses de la Mutualité sociale agricole (MSA) pour accompagner en 2018 les exploitants qui avaient choisi le régime micro-BA et dont les cotisations sociales dues au titre de l'année 2017 auraient augmenté substantiellement par rapport au régime du bénéfice forfaitaire.

Depuis la réforme du forfait décidée fin 2015, des allégements de charges sociales sur la famille et sur la maladie sont intervenus et ont été encore renforcés dans le cadre du PLFSS 2018. Tous les exploitants relevant du régime du micro-BA bénéficieront, au titre des cotisations dues en 2018, d'un taux de cotisation famille de 0 % au lieu de 2,15 % à l'époque du régime du forfait, et d'un taux de cotisation maladie compris entre 1,5 % et 2,9 %, au lieu de 10,04 % à l'époque du régime du forfait.

Toutes choses égales par ailleurs, un exploitant qui se situerait au maximum du seuil de chiffre d'affaires du micro-BA de 82 800 euros, c'est-à-dire après abattement de 87 % à une assiette sociale de 10 764 euros, verra le total de ses cotisations famille et maladie s'établir, en 2018, à 312 euros par an au lieu de 1312 euros au moment où la réforme du forfait a été décidée. C'est bien ce contexte nouveau d'allégement des prélèvements sociaux pour les plus bas revenus, et notamment ceux des exploitants, qui justifie cette suppression anticipée du fonds d'accompagnement. Et malgré l'importance de ces baisses de charges sociales, nous avons souhaité que les agriculteurs, les exploitants, puissent faire appel au dispositif de droit commun de prise en charge de cotisations sociales géré par la MSA et doté annuellement de 30 millions d'euros.

M. Turquois a relevé que le budget alloué au fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB) serait en diminution en 2018 par rapport à 2017. Mais cela fait suite à une très forte augmentation en 2017 : le budget 2018 du FSFB reste deux fois supérieur aux dépenses de 2016. Ces crédits s'inscriront eux aussi dans le cadre du grand plan d'investissement. Parallèlement, nous souhaitons proposer la reconduction des mesures fiscales dites « Défi forêt », qui sont destinées à favoriser l'investissement et la gestion durable des forêts. Enfin, les crédits des opérateurs forestiers sont eux aussi globalement maintenus : les effectifs et le budget de l'ONF restent stables, tout comme les effectifs dans le schéma d'emploi du Centre national de la propriété forestière.

S'agissant de l'épargne de précaution, une réflexion, liée à notre démarche plus globale sur la gestion des risques, est engagée au sein d'un groupe de travail du conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire (CSO), pour améliorer et rendre plus cohérent l'ensemble des dispositifs. Ces travaux devront aboutir à des propositions concrètes à l'horizon de 2018, de sorte qu'elles puissent s'inscrire dans la réflexion sur la PAC 2020.

La question des abattoirs a été abordée, et plus précisément celle de l'abattage rituel, sujet particulièrement complexe. Nous devons y travailler avec les représentants du culte pour concilier au mieux les prescriptions rituelles et les enjeux du bien-être animal, auquel nos concitoyens sont de plus en plus sensibles. Nous avons commencé à tenir des réunions sur ce sujet ; je recevrai prochainement les responsables des principaux cultes concernés par l'abattage rituel, afin de mettre au point ensemble des solutions dans lesquelles chacun d'entre nous puisse se retrouver.

Sur la question plus générale des abattoirs, je le dis clairement : les méthodes employées aujourd'hui par l'association L214 sont totalement inacceptables. Reste que des non-conformités sont constatées dans certains abattoirs, qui méritent tout autant vigilance. Une série d'actions doivent être mises en place sur la question du bien-être animal : la formation des professionnels et leur accompagnement, le renforcement des mesures de contrôle, la réalisation d'audits, l'adaptation des sanctions, qui peut aller jusqu'à la suspension de l'agrément sanitaire. Là aussi, nous sommes et nous restons vigilants. Les services de la DGAL, vous le savez, sont très présents dans les abattoirs ; nous suivons cette affaire avec le plus grand intérêt car ces questions sanitaires sont de plus de plus en plus prégnantes.

Sur la fiscalité agricole, on ne peut déjà anticiper les résultats d'un travail qui n'a pas encore été lancé. Ces questions n'en méritent pas moins une attention particulière. Nous allons définir rapidement le périmètre des interventions envisageables. Nous avons convenu d'une réunion de travail prochainement sur ce sujet avec Bruno Le Maire : l'idée est d'accompagner l'ensemble des exploitations agricoles vers une fiscalité plus juste, susceptible de leur redonner de la compétitivité.

Nous avons obtenu la révision du zonage de l'ICHN, qui a été reportée à 2019. Vous avez raison, madame Battistel : il faut faire attention à son assiette, faute de quoi l'indemnité sera plus faible pour ceux qui sont majoritairement concernés. Lors du sommet de l'élevage à Cournon, j'avais annoncé que les zones de montage restaient totalement prioritaires au regard de l'ICHN. Mais nous allons profiter de cette révision de la cartographie pour revoir certaines situations qui peuvent apparaître quelquefois ubuesques : dans ma propre région, des zones de plaine sont classées dans le zonage de l'ICHN alors qu'elles n'y ont pas leur place, et que d'autres territoires plus fragiles seraient plus fondés à bénéficier du soutien de l'ICHN. Nous allons nous employer à finaliser une nouvelle carte du zonage ICHN dans les prochaines semaines.

Parlant des zones de montagne, j'en viens naturellement à la question de la prédation. Ma position là-dessus est claire : ce que nous visons, c'est le « zéro attaque », la défense des éleveurs, des pratiques de l'agro-pastoralisme. Pas de pays sans paysans, comme on dit communément : nous avons besoin de l'agro-pastoralisme, nous avons besoin que les éleveurs puissent assurer en toute quiétude leur travail et que les troupeaux soient protégés. D'autant que la population de loups a augmenté depuis ces dernières années : on en compte actuellement 360 loups répartis dans trente et un départements, qui ont fait 10 000 victimes en un an, des ovins essentiellement. Le coût des mesures de protection – gardiens, clôtures, chiens – répondant aux besoins des éleveurs s'est élevé à 22,5 millions d'euros en 2016, financés sur crédits du ministère de l'agriculture et du FEADER. Et il augmente chaque année… Les indemnisations ont été prises en charge par le ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) ; le projet de loi de finances pour 2018 prend en compte l'augmentation de la population de loups. Avec la Commission européenne, je plaide pour le relèvement du taux de prise en charge par les crédits publics pour des embauches de bergers.

Nous sommes en train de travailler sur l'élaboration d'un nouveau plan loup pluriannuel. Car je vous le dis sans ambages, nous ne pouvons continuer ainsi : nous dépensons 22,5 millions d'euros par an dans cette affaire, tout revient à Paris et cela ne fonctionne pas ! Je me suis déplacé dans l'Aveyron et ailleurs, j'ai reçu des délégations, j'ai vu aussi des éleveurs désespérés par cette situation. C'est de l'argent public dépensé qui ne sert à rien. Je souhaite donc revoir le dispositif, travailler sur un plan pluriannuel ambitieux, laisser aussi la main aux territoires : qui mieux qu'eux, grâce à leur maillage particulier et précis, peut gérer ces questions de prédation ? Certes, une concertation s'impose : car viser le « zéro attaque », ce n'est pas viser le « zéro loup ». Nous sommes tenus de respecter le principe de la biodiversité et de la présence du loup. Mais sa présence ne doit pas affecter le travail de nos éleveurs. Je reste bien évidemment à la disposition de tous les parlementaires concernés.

Pour ce qui est de la gestion des risques, plusieurs dispositifs existent : l'assurance climatique, le dispositif de calamité agricole, le fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnementale (FMSE), les mesures fiscales de déduction pour aléas. Une réflexion est engagée au sein d'un groupe de travail du CSO pour améliorer cet arsenal et le rendre plus cohérent. Cette préoccupation sera l'une des thématiques majeures pour la future PAC 2020.

Sur les effets de la réforme des cotisations maladie enfin, nous ne remettons pas en cause le principe des allégements de 2016. Nous savons comment ces allégements de charges ont été mis en place et pourquoi : il s'agissait de faire face à une difficulté majeure du secteur agricole en 2016. Mais nous souhaitons le répartir de manière beaucoup plus équitable : en 2016, les 60 % d'exploitants les plus modestes n'avaient reçu que 100 millions d'euros, les 40 % les mieux lotis 380 millions d'euros. Avec la réforme, les 60 % les plus modestes recevront 120 millions d'euros, et les 40 % les mieux lotis toucheront les deux tiers des aides, soit 200 millions d'euros ; autrement dit, nous avons lissé le dispositif, mais ils continueront à bénéficier de la plus grande part de la solidarité nationale. En tout état de cause, cette mesure va toucher quasiment la totalité de l'ensemble des exploitants de ce pays. C'est une mesure qui se veut plus juste, plus équilibrée et plus cohérente.

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