L'amendement fixe une date – 2040 – pour l'arrêt de la mise sur le marché de plastiques jetables : il va bien au-delà de la division par quatre d'ici à 2040 du nombre de ces plastiques adoptée au Sénat.
Il permet à la France d'adresser à ses partenaires européens et au reste du monde un signal très puissant et très concret, que je qualifierai même d'historique : nous sommes résolument engagés dans la lutte contre le plastique jetable, parce que sa prolifération entraîne une pollution massive et une réduction considérable de la biodiversité, notamment dans les océans, dont les conséquences sont visibles partout, dans les pays émergents comme développés.
L'amendement rend tangible la vision inhérente au projet de loi : le passage de la société du tout-jetable à la société du tout-réutilisable.
Il envoie également un message puissant à l'industrie : l'usage unique ne peut pas être l'avenir du plastique à long terme. Il ne s'agit pas de faire du plastic bashing bête et méchant : certes, le plastique a des vertus ; mais, pour être durables, ses applications doivent être recentrées sur quelques utilisations à plus forte valeur ajoutée – aéronautique, secteur médical, automobile et, parfois encore, construction.
En commission, j'avais demandé le retrait de l'amendement allant dans le même sens pour permettre que sa méthode d'approche soit retravaillée. Nous ne voulions pas, en effet, en rester à un objectif de long terme, sympathique et même ambitieux, mais au total, seulement incantatoire : nous voulions que l'objectif s'accompagne d'une stratégie de pilotage du processus.
Je salue donc le travail accompli depuis le débat en commission et la proposition qui en résulte quant à la gouvernance de la sortie du plastique à usage unique, sur le modèle de ce qui existe déjà s'agissant de la programmation pluriannuelle de l'énergie et de la stratégie nationale bas carbone. Car c'est au même type de transition que nous avons affaire ici, et elle appelle, là aussi, un plan concret, dont le principe ait fait ses preuves, ambitieux, réaliste, doté d'une vraie méthode. Il s'agit de définir avec les filières industrielles – dont je sais combien leur sort est source d'inquiétude, en particulier du côté droit de l'hémicycle – et avec les associations de consommateurs et de protection de l'environnement des plans à cinq ans assortis d'objectifs réalistes et de solutions crédibles.
C'est ainsi, en définissant une méthode et des jalons, que l'on évitera d'en rester à un objectif de long terme qui ne sera qu'un voeu pieux, et dont on réalisera qu'on l'a manqué quand on se réveillera tout à coup deux ans avant la date butoir. Voilà pourquoi nous voulons nous inspirer des méthodes qui ont fait leurs preuves.
On ne peut pas sortir du plastique jetable du jour au lendemain. D'abord, pour ne parler que de la France, le sujet y fait encore débat : certains nous disent qu'ils en ont encore besoin, d'autres qu'il n'est destiné qu'à des usages bien précis. En revanche, disons-le clairement et sans ciller, il faut en sortir, et nous allons le faire. Mais il faut organiser la transition vers 100 % d'emballages réemployés en 2040. Voilà notre vision. Le plastique aura d'ailleurs aussi un rôle à jouer dans cette transition.
C'est bien pourquoi la priorité de la prochaine décennie doit être d'atteindre les 100 % de plastique recyclé : d'une part, cet objectif implique 100 % de plastique collecté, autant de moins dans la nature ; d'autre part, il suppose de supprimer au plus vite l'usage de résines non recyclables pour les emballages ménagers, mais aussi pour les emballages industriels. La suppression de l'emploi de ces résines doit être réalisée avec méthode, je le répète parce que j'y tiens, c'est-à-dire à travers une vraie politique industrielle au niveau français, mais aussi européen – et plus largement, je l'ai dit en commission, au niveau mondial. Je rappelle que 100 % de plastique recyclé, c'est autant de CO2 économisé qu'avec la fermeture de nos quatre centrales à charbon à laquelle travaille le ministère.
En parallèle, il s'agit de faire progresser le réemploi, et ce projet de loi y contribue à travers différents leviers – que je ne décrirai pas à nouveau ici, parce que je sais que l'heure du dîner approche. Il faut à cet égard stimuler de nouveaux services et les business models qui y sont associés – économie de la fonctionnalité, économie de l'usage, etc.
Pour conclure, je soulignerai que si le ministère auquel j'appartiens porte l'intitulé « de la transition écologique et solidaire », c'est bien parce que cette transition doit être sérieusement organisée, faute de quoi on créera du cynisme débouchant au final sur un refus des politiques publiques environnementales, mais aussi un rejet de la part de ceux qui auraient à y perdre. Organisons-nous pour que la transition écologique soit un objet de solidarité qui rassemble plutôt qu'un facteur de division qui finirait par véritablement couper la France en deux – alors qu'elle l'est déjà en une myriade d'isolats. Par l'objectif de ce projet de loi, on peut montrer l'exemple ; par la méthode que j'ai évoquée, on peut continuer à rassembler. C'est pourquoi je salue cet amendement que je soutiens tout à fait.