Intervention de Jacques Mézard

Réunion du vendredi 27 octobre 2017 à 9h00
Commission élargie : finances - affaires économiques - développement durable

Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires :

Messieurs les présidents, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, j'étais mardi, avec le secrétaire d'État Julien Denormandie, devant vos collègues parlementaires de la commission des finances du Sénat. Me voici aujourd'hui devant vous pour cet exercice auquel je me prête bien volontiers – après m'être rendu devant la commission des affaires économiques et devant celle du développement durable.

Comme vous le savez, je dirige un ministère transversal, qui regroupe les ministères traditionnellement chargés du logement, de l'aménagement du territoire et de la politique de la ville, et dont l'objectif fondamental est de réduire les « fractures territoriales », aussi bien dans les quartiers fragiles prioritaires que dans certains territoires ruraux et de villes moyennes.

Les crédits de notre mission s'élèvent, dans le projet de loi de finances, à 16,5 milliards d'euros, auxquels il convient d'ajouter un certain nombre de dépenses fiscales de l'État au profit des acteurs du logement, de l'aménagement du territoire et de la politique de la ville, soit près de 18 milliards d'euros, dont : 1,6 milliard pour l'hébergement d'urgence, en progression ; 15,3 milliards pour le logement ; 470 millions pour l'aménagement du territoire ; et 448 millions en faveur de la politique de la ville.

Dans ce projet de la loi de finances, la politique relative au logement constitue la composante la plus importante de la « stratégie logement » que nous avons présentée ici même devant votre commission des affaires économiques, à l'invitation du président Lescure.

Cette stratégie intègre un projet de loi qui viendra devant le conseil des ministres en décembre, et devant vous en première lecture au cours du premier trimestre. Et parce qu'elle se veut ambitieuse, elle entraîne évidemment un certain nombre de changements importants, avec des volets législatifs, fiscaux, réglementaires et contractuels.

Nous sommes conduits à nous interroger sur l'efficacité de nos politiques publiques menées en matière de logement depuis des décennies, quelles que soient les sensibilités politiques en charge des exécutifs successifs. En effet, l'État y consacre chaque année près de 2 points de produit intérieur brut (PIB).

Les aides personnalisées au logement (APL) sont perçues par 6,5 millions de bénéficiaires, pour un coût global de 18 milliards d'euros. Si ce montant est élevé, c'est bien parce que le niveau des loyers est élevé. Nous avons donc décidé, dans le cadre de cette stratégie, de réduire la dépense sans engendrer de pertes pour les locataires.

C'est pourquoi le PLF 2018 comporte une réforme des aides au logement, qui doit conduire à réduire la dépense de l'État d'environ 1,7 milliard d'euros, avec, en face – et cela me permettra de répondre à la question du président Lescure –, une négociation, mais aussi la présentation, dans le cadre d'un « package » financier, d'un certain nombre de mesures destinées à compenser les efforts qui sont demandés aux bailleurs sociaux.

Au-delà des mesures qui figurent à l'article 52 du projet de loi de finances, plus de 6 milliards de prêts bonifiés sont proposés au secteur, ainsi que d'autres mesures sur lesquelles j'aurai l'occasion de revenir. Mais je le dis très clairement, conformément à la politique que nous avons menée, le secrétaire d'État Julien Denormandie et moi-même, nous poursuivrons les discussions avec les bailleurs sociaux – l'Union sociale pour l'habitat (USH) et les différentes branches qui la constituent. Ces discussions n'ont jamais été interrompues, en tout cas à mon niveau.

Les discussions sont toujours en cours et nous souhaitons qu'elles aboutissent à une solution la plus consensuelle possible. Je ferai tout pour qu'il en soit ainsi. Des modifications de l'article 52 du projet de loi auront lieu si nous réussissons à avancer dans le même sens – c'est en tout cas ce que j'espère.

D'autres mesures relatives aux aides personnelles figurent dans ce projet de loi de finances, comme la non-application, au 1er octobre 2018, de la révision annuelle du barème de calcul, ou le gel des loyers.

Toujours dans le cadre de ce budget, en matière de construction et de stratégie « logement », nous avons proposé aux bailleurs sociaux une nouvelle génération de prêts bonifiés, avec le soutien d'Action logement : des prêts dits « de hauts de bilan », qui peuvent constituer un instrument tout à fait efficace – pour un montant total de 2 milliards d'euros – en apportant des ressources supplémentaires aux bailleurs sociaux.

L'encouragement de l'innovation et l'accompagnement des transitions énergétique et numérique sont un pilier important de cette politique. L'Agence nationale de l'habitat (ANAH) voit ses crédits renforcés. En particulier, le programme « Habiter mieux », sera doté de 1,2 milliard d'euros au cours du quinquennat, pour financer la rénovation de 75 000 passoires thermiques par an dans le parc privé. La Caisse des dépôts et consignations (CDC), quant à elle, sera mobilisée de façon exceptionnelle. J'aurai l'occasion d'y revenir dans les prochaines semaines, dans le cadre du grand plan d'investissement destiné à accompagner la rénovation des parcs.

Nous l'avons déjà dit, notamment devant la commission des affaires économiques, nous avons décidé de faciliter un choc d'offre et de libérer la capacité de faire. Cela se traduira dans un certain nombre des mesures figurant dans le projet de loi logement. Il s'agit de favoriser les transactions et de limiter l'inflation du prix du foncier, qui pèse plus particulièrement dans notre pays par rapport à nos voisins.

Ainsi sera mise en place une politique très volontariste en faveur des villes moyennes et des bourgs centres. Les premières opérations seront lancées dès l'année 2018, et se poursuivront tout au long du quinquennat. La métropolisation, qui n'a pas que des inconvénients, engendre toutefois des déséquilibres, et il est devenu nécessaire de relancer la dynamique de certaines villes-centres. Elles ne vont pas toutes mal, mais un certain nombre d'entre elles rencontrent des problématiques qui sont aujourd'hui connues et relevées par tous. Je pense, notamment, à la dévitalisation des centres anciens. Nous y travaillons, là encore, en partenariat avec la Caisse des dépôts, et bien sûr avec Action logement.

À propos du dispositif « Pinel » et du prêt à taux zéro (PTZ), je serai clair. Les dispositions législatives antérieurement votées aboutissaient à la fin de ces dispositifs au 31 décembre 2017. Nous avons pris la décision de les reconduire de manière un peu moins importante sur le plan de la dépense budgétaire, mais avec davantage de visibilité. J'ai bien compris la volonté de ceux qui construisent d'y voir clair sans avoir à s'interroger sur le maintien, ou non, des dispositifs existants.

C'est pourquoi, dans les zones tendues, il a été décidé de reconduire le « Pinel » et le PTZ dans le neuf. Et dans les zones dites « détendues », conformément à ce qui avait été annoncé par le Président de la République, le PTZ sera poursuivi dans le neuf pendant une durée de deux ans, et dans l'ancien pendant une durée de quatre ans, pour l'accession.

Je pense que c'est un équilibre raisonnable. J'ai souhaité que nous allions dans ce sens. Agir autrement n'aurait pas été un bon message pour les zones « détendues ».

Ensuite, il nous est apparu indispensable d'agir sur les prix de la construction, qui ont évolué plus vite en France que dans les pays voisins. Certes, nous construisons des logements de très bonne qualité, mais il est nécessaire de privilégier l'innovation et de simplifier au maximum – d'où notre politique de pause normative et de changement de paradigme.

Nous voulons aller vers un objectif de résultats, plutôt que vers une prescription de moyens. En d'autres termes, l'État ne doit plus dire aux professionnels ce qu'il doit faire, mais fixer les objectifs à atteindre. C'est la mission prioritaire que nous donnerons au Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique, dont le nouveau président, Thierry Repentin, sera intronisé dans les jours qui viennent.

Je dirai un mot de la lutte contre les recours abusifs, par lesquels, actuellement, 30 000 logements se trouvent bloqués. Des efforts ont déjà été faits dans les années précédentes, mais il faut aller plus loin. Une des pistes serait, par exemple, de rendre la cristallisation des moyens non plus facultative mais obligatoire.

Je m'arrêterai plus longtemps sur un important volet de notre politique, « Logement d'abord », qui a été exposé par le Président de la République à Toulouse. Le manque de places d'hébergement s'est fortement aggravé dans les dernières années, passant de 82 000 à 122 000, et les situations humaines sont de plus en plus difficiles. Voilà pourquoi il est indispensable d'accélérer la mise en place de ce dispositif « Logement d'abord », dans le cadre d'un plan quinquennal qui prévoit, entre autres, la création de 40 000 places en intermédiation locative, et de 10 000 places supplémentaires en pensions de famille au cours du quinquennat. Nous renforcerons donc les moyens dédiés au programme 177, qui augmenteront de 13 % en 2018. Cela devrait permettre de stabiliser les crédits alloués aux hébergements d'urgence, et de renforcer ceux alloués au logement adapté.

Enfin, concernant la politique d'aménagement du territoire, j'aborderai deux volets : l'accessibilité des services en zone rurale et dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) , avec la poursuite du maillage des maisons des services au public (MSAP), le déploiement des plateformes de mobilité, la lutte contre la désertification médicale, sur laquelle s'est exprimée Agnès Buzyn, ministre de la santé ; le rattrapage du retard, sur l'ensemble des territoires, en matière de couverture numérique, l'enjeu étant d'assurer le bon débit partout – la 4G pour 2020, et le très haut débit – au-delà de 30 mégaoctets par seconde – pour 2022 ; le développement des politiques contractuelles avec les collectivités territoriales.

Concernant plus particulièrement la politique de la ville, nous sommes évidemment conscients des graves difficultés des quartiers prioritaires. Les maires expriment très fortement, mais souvent justement, leur exaspération devant la dérive de certains de ces quartiers. C'est pourquoi nous avons décidé de maintenir en 2018 les crédits qui leur sont consacrés au plus haut niveau, soit 430 millions d'euros, et de les sanctuariser sur les cinq ans.

L'État a également accordé, monsieur le président Woerth, un milliard d'euros à l'ANRU pour le Nouveau Programme national de renouvellement urbain (NPNRU). L'objectif est de doubler le montant des financements, en les faisant passer de 5 à 10 milliards d'euros. Nous allons bientôt signer la convention avec Action Logement, pour 2 milliards supplémentaires. Je ne doute pas que, globalement, nous pourrons atteindre ces 10 milliards.

Cela étant, il nous est aussi très souvent demandé de simplifier les procédures, pour répondre plus efficacement et plus rapidement aux demandes de ces quartiers.

Tel est, messieurs les présidents, mesdames et messieurs les députés, l'essentiel de ce qui me paraissait utile de vous dire de manière liminaire.

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