Je comprends que chacun veuille défendre son bilan. Pour ma part, mon objectif n'est pas de donner mon nom à une loi, mais de faire avancer les choses de manière constructive. (Protestations.)
Nous avons toujours dans notre pays 4,5 millions de mal-logés, une réalité qui n'est pas imputable à ce gouvernement, mais à des décennies d'action collective. À ce titre, nous sommes tous responsables de cette situation.
Il s'agit de s'interroger sur ce qui peut être fait en matière de finances publiques dans ce secteur.
Je veux d'abord apporter des clarifications sur les annonces faites par le Gouvernement au sujet des collectivités locales. Selon M. Bricout, le fait que la démarche de contractualisation n'inclue pas la totalité des communes de France serait une marque de mépris. Tel n'est pas l'avis de l'immense majorité des communes, qui sont plutôt satisfaites qu'il ne leur soit pas demandé d'efforts contractuels et qui se réjouissent de ne pas voir leurs dotations faire l'objet de diminutions drastiques et uniformes, comme c'était le cas auparavant. Loin de s'apparenter à du mépris, notre démarche est une reconnaissance de la diversité des communes, qu'il s'agisse de leur situation financière ou de leur taille. Il y a une différence considérable entre réduire de 11 milliards les dotations de manière aveugle et trouver des solutions adaptées aux 319 collectivités les plus importantes en laissant à l'immense majorité des autres une marge de responsabilité.
Certains ont évoqué le désenclavement des territoires. Nous considérons que faire une pause dans la construction de certaines grandes infrastructures pour se concentrer sur l'entretien et le développement des routes nationales et de lignes ferroviaires autres que les lignes à grande vitesse, c'est tout simplement répondre aux demandes des territoires, en faisant ce qui n'a pas été fait pendant des années.
Considérant qu'ils constituent un apport pour nos territoires, nous maintenons les contrats de ruralité au plus haut niveau, ce qui prouve que nous prenons en compte les besoins des collectivités.
De la même manière, nous maintenons au plus haut niveau – 430 millions d'euros – les dotations de la politique de la ville. L'engagement de les sanctuariser durant l'ensemble du quinquennat contribue à la visibilité de notre politique et conforte les collectivités ayant signé des contrats de ville dans la certitude qu'elles recevront les crédits nécessaires.
Quand nous disons qu'il faut concentrer les efforts sur les quartiers qui en ont le plus besoin, cela ne veut pas dire que nous déshabillons les autres. Il n'est pas question de revenir sur le fléchage des 450 quartiers prioritaires – 200 d'intérêt national, 250 d'intérêt régional. Nous allons porter le budget du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) à 10 milliards d'euros contre 5 milliards initialement. Nous avons déjà prévu 1 milliard supplémentaire et, la semaine prochaine, nous allons signer avec Action logement un engagement portant sur 2 milliards.
Pour les quartiers qui en ont le plus besoin, il m'apparaît important de flécher une politique interministérielle forte. Ce sera le cas cette année avec le dédoublement des classes de cours préparatoire (CP) dans les réseaux d'éducation prioritaire renforcés (REP+) puis dans tous les REP l'année prochaine. Ce sera le cas, dans le domaine de la sécurité, avec l'application pleine et entière des dispositions décidées par le ministre de l'intérieur. Ce sera le cas, en matière d'emploi également : j'ai signé avec la ministre du travail un courrier adressé à tous les préfets pour leur donner instruction de privilégier les quartiers prioritaires dans l'attribution des contrats aidés. Il est légitime de considérer que certains quartiers sont dans des situations plus inquiétantes, mais cela n'implique pas qu'il faille retirer des moyens aux autres. Soyons clairs afin d'éviter toute mauvaise interprétation.
Certains d'entre vous ont prétendu que nous abandonnions les territoires ruraux : ce n'est absolument pas le cas ! La politique que nous déployons en matière de numérique vise précisément à éviter l'aggravation de la fracture territoriale, ce qui n'avait pas été fait auparavant. Je le sais pour habiter un département très rural, soumis aux aléas des zones blanches et des zones grises, où il faut souvent sortir de sa maison pour espérer pouvoir téléphoner. Cet été même, plusieurs milliers de personnes ont été privées de réseau mobile. Est-ce un bilan positif ? Je ne le crois pas. Accélérer le déploiement du haut débit pour 2020 et du très haut débit pour 2022 va dans le bon sens pour les territoires ruraux. Nous avons pris des engagements clairs, supposant une négociation qui n'a rien de facile avec les opérateurs. Ajoutons à cela l'accent mis sur l'entretien des routes nationales et de certaines lignes ferroviaires, qui constitue un plus pour les territoires rencontrant des problèmes d'accessibilité.
J'assistais hier à Valence aux rencontres d'automne de l'Association nationale Nouvelles ruralités. Je salue son action car elle donne une image positive de la ruralité. Répéter à nos concitoyens que tout irait mal dans les territoires ruraux n'est pas le meilleur moyen de les convaincre d'y rester ou de s'y installer. Il y a des territoires ruraux qui vont bien, d'autres moins bien. Outre le numérique et l'accessibilité, se pose la question de la fracture en matière de santé. Les premières mesures prises par Mme la ministre de la santé vont dans un sens tout à fait positif.
Pour les villes moyennes et les centres-bourgs, nous avons décidé de conserver les dispositifs mis en place les années précédentes qui nous paraissent pertinents. C'est le cas des contrats de ruralité et des programmes de revitalisation des centres-bourgs. La politique que nous allons mettre en place va permettre, j'en suis convaincu, à de nombreuses villes moyennes de relancer leur développement dans de bonnes conditions. Évidemment, nous n'allons pas régler tous les problèmes d'un coup. Nous sommes en train de travailler sur les critères d'éligibilité. La négociation que nous menons avec Action Logement est à un stade avancé : cet organisme est prêt à apporter un financement important pour le logement dans les villes moyennes. Et, à ce propos, je soulignerai que les représentants du monde du bâtiment, devant lesquels je me suis exprimé, ne semblent pas considérer que les grands axes de notre politique soient contraires au développement de la construction, loin de là.
Il est nécessaire que les villes elles-mêmes fassent des propositions, car notre action ne peut être menée qu'en concertation avec les collectivités prêtes à se lancer dans certaines opérations. Je le dis à Mme Ménard.
Il est normal dans une négociation que chacun montre ses muscles – c'est le jeu –, mais il est aussi indispensable d'aboutir à des solutions permettant d'aller de l'avant et de sortir de situations que beaucoup d'intervenants considèrent comme n'étant pas bonnes.
J'ai lu, et à plusieurs reprises, l'intéressant rapport de M. Pupponi sur les APL. Il contient certaines propositions qui partent du constat qu'il faut freiner ce type de dépenses. Les solutions qu'il préconise ne sont pas forcément les mêmes que les nôtres. Je sais qu'il a déposé un amendement relatif au taux d'effort. Et nous savons que raisonner en termes d'effort peut amener à des conclusions très différentes quand certains partent du constat que des bénéficiaires dont le nombre n'est peut-être pas aussi important que celui qui est avancé – reçoivent un montant d'aide supérieur à leur loyer.
La réhabilitation du parc ancien est indispensable. Plusieurs d'entre vous ont souligné la volonté du Gouvernement inscrite dans son grand plan d'investissement. L'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) recevra 1,2 milliard d'euros supplémentaires pour son programme « Habiter mieux » et s'est vu verser une dotation de 110 millions pour l'année 2018. Par ailleurs, le plan Climat prévoit 4 milliards pour la rénovation thermique des bâtiments. Améliorer l'isolation des bâtiments est une manière aussi de les rendre plus accessibles car cela permet de réduire les charges. Cela générera dans le secteur du bâtiment des travaux considérables sur l'ensemble du quinquennat, ce dont se réjouiront sans nul doute les artisans du bâtiment regroupés au sein de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB).
S'agissant des dispositifs fiscaux, nous n'avons pas pris la décision d'y mettre un terme. Nous voulons les recentrer. Pour la zone C, le prêt à taux zéro sera maintenu pour les logements neufs pendant deux ans et reconduit pendant quatre ans dans les logements anciens, ce qui me paraît une bonne chose pour les zones dites détendues.
En matière d'ingénierie territoriale, nous ne voulons pas créer une usine à gaz qui générerait par elle-même beaucoup de dépenses de fonctionnement. Nous avons besoin d'efficacité sur les territoires, après que le retrait de l'État s'est accéléré ces dernières années. Je sais ce que c'est pour un territoire de perdre des services publics, ne plus recevoir l'ATESAT ou de ne plus bénéficier du concours de l'État pour l'instruction des permis. Aujourd'hui, les collectivités consentent des efforts de mutualisation. Pour les plus petites, le besoin d'ingénierie se fait plus vif. La future agence nationale de la cohésion des territoires doit y répondre. Elle pourra mobiliser les services de l'État qui ont encore des compétences en la matière. Nous mobiliserons également la Caisse des dépôts et consignations et certains autres grands intervenants.
Je termine par les dotations de l'État. Nous avons fait le choix de les conforter à leur plus haut niveau. C'est ainsi que le budget de la politique de la ville est fixé à 430 millions d'euros, que la DETR s'élève à 996 millions d'euros et la dotation politique de la ville à 150 millions d'euros. Quant à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU), elle bénéficiera de 90 millions d'euros supplémentaires – le Parlement pourra, s'il le souhaite, aller au-delà.
Ce sont autant de signes très clairs de soutien aux collectivités, dans un contexte budgétaire qui n'a rien de facile. Lorsque l'État s'engage dans une action, nous voulons qu'il y ait en face un financement adapté, ce qui constituera un changement. Il y aura moins d'effets d'annonce. Et le fait, nouveau, d'avoir un budget sincère accroîtra l'efficacité dans la conduite de l'action publique.