Je remercie beaucoup Fabienne Barboza qui, vous l'imaginez, a énormément apporté à cette équipe.
Madame Valentin, comment faire évoluer le PLFSS pour prendre en charge le vieillissement, cela n'entrait pas dans le champ de notre mission. C'est plutôt à vous qu'il revient de le faire ! Il ressort du rapport de Dominique Libault et de la concertation qu'il a engagée que les acteurs sont dans une situation complexe, coincés entre deux pilotes, les agences régionales de santé (ARS) et les départements, qui se défaussent l'un sur l'autre. En fin de compte, ce sont les structures qui en souffrent. Le vieillissement de la population augmente les besoins en personnel. À cet égard, l'été dernier a été catastrophique. Des personnes sont restées alitées car on n'a trouvé aucun soignant pour les prendre en charge. Il y a bien urgence à agir ! Je crois dans l'accord tripartite entre l'État, les régions et les départements pour faire front commun, pourvu que, parallèlement, le secteur se réorganise. Son éparpillement en plusieurs fédérations régies par sept conventions collectives ne permet pas aux pouvoirs publics d'apporter un soutien suffisant.
La convention collective de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile est la seule qui soit encore sous agrément de l'État. Or c'est celle qui maintient la rémunération des salariés au niveau du SMIC pendant neuf à treize ans, du fait même de l'existence de cet agrément. Lorsque j'étais ministre du travail, j'écrivais tous les ans aux branches qui ne respectaient pas les minimums conventionnels. Or la BAD ne les applique pas en raison de l'accord entre les départements et l'État. Voilà pourquoi nous avons préconisé de sortir de l'agrément et de laisser le champ de la négociation aux acteurs du secteur, en prévoyant, dans les CPOM, l'opposabilité des conventions collectives. Aujourd'hui, l'agrément ne permet ni de respecter le minimum conventionnel du SMIC, ni d'être appliqué – à peine 30 % des départements respectent l'avenant n° 36 de la convention, même si certains s'en défendent en avançant que celui-ci prévoit la possibilité d'y déroger.
Ce mauvais fonctionnement vaut aux structures 15 % à 20 % d'absentéisme et une sinistralité élevée. Tout le monde est d'accord pour considérer que ce coût pourrait être réduit par une meilleure anticipation, et que l'inscription dans les CPOM d'engagements en vue d'améliorer la qualité de vie au travail ou de ne pas faire appel à des personnes non diplômées relancerait une dynamique vertueuse. Il ne faut pas voir cela comme des dépenses nouvelles, mais comme un investissement.
J'espère que vous reprendrez à votre compte certaines préconisations du rapport dans le cadre du prochain PLFSS – pourquoi pas rectificatif. Vous l'avez entendu, Fabienne Barboza et l'ensemble de l'équipe projet comptent sur vous.
Monsieur Michels, quelles pratiques innovantes pourraient être généralisées rapidement ? Je citerai la méthode de Buurtzorg, qui est appliquée dans 15 % à 20 % des structures aux Pays-Bas, et qui consiste à délimiter des quartiers de soins de proximité. Le collectif Soignons humain s'appuie sur cette méthode, qui implique des structures aussi bien publiques que privées, non lucratives et lucratives. Ces équipes projet, qui accordent plus de place à l'autonomie et à la proximité, permettent de réduire l'absentéisme et d'améliorer la qualité de service auprès des bénéficiaires. Sont aussi en train de se développer des labels, tels que Cap'Handéo, Humanitude ou Montessori, auxquels nous faisons référence dans notre section « Soutenir et évaluer les démarches innovantes ». En la matière, les financements de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie sont répartis entre les départements, souvent sous forme de saupoudrage. Mieux vaudrait les concentrer sur les méthodes innovantes qui nécessitent, la première année, la formation de beaucoup de personnes, ce qu'on ne peut pas faire aujourd'hui à budget constant. Une évaluation de ces méthodes, en lien avec la branche AT-MP au regard de leurs effets sur l'absentéisme et la sinistralité, et une analyse du modèle économique des structures qui les appliquent, déboucheraient, à notre sens, sur un développement rapide de ce type d'organisation. Pour avoir vu beaucoup de structures et avoir échangé avec les familles, les bénéficiaires et les salariés, je peux vous dire que chacun est pleinement satisfait de ce type d'expérimentation. Il nous semble donc qu'il faut pousser dans cette direction.
Monsieur Ratenon, je vous rappelle que j'ai conduit cette mission à titre bénévole durant quatre mois, pratiquement à temps plein, en poursuivant parallèlement mon activité salariée. Je n'ai pas pu me déplacer dans les départements d'outre-mer, mais j'ai reçu des contributions de la part d'associations présentes lors des nombreux colloques et tables rondes auxquels j'ai participé. Lorsque je lui ai remis mes recommandations, j'ai indiqué à Agnès Buzyn que nous n'avions pas pu aller suffisamment loin sur deux sujets très préoccupants : la situation dans les départements d'outre-mer, et les départements transfrontaliers. En Martinique, par exemple, le prix de jour est de 13 euros, alors qu'on parle aujourd'hui d'un tarif qui devrait être au minimum de 24 à 25 euros de l'heure. Dans d'autres départements, on a relevé des durées d'intervention de 15 minutes : que peut-on faire en un temps si court ?
Si nous avons évoqué la possibilité de déroger au contrat de Cahors, c'est aussi en pensant à ces départements, car nous avons bien conscience de l'importance des inégalités. Le délai qui nous était imparti ne nous a toutefois pas permis de nous rendre à La Réunion, ce qui aurait été évidemment très intéressant. S'agissant de la formation, Muriel Pénicaud s'est engagée à ce que les actions qui viendraient en plus de celles menées par les régions soient mises en oeuvre dans le cadre du programme d'investissement dans les compétences. Il n'y a pas de raison que les Réunionnais n'en bénéficient, surtout sachant les conséquences particulièrement difficiles de la fin des contrats aidés dans leur territoire.
Madame Vignon, nous sommes tout à fait favorables à l'institution d'accompagnants en gérontologie – dans nos préconisations, nous les appelons « assistants de soins en gérontologie » –, et je sais qu'un diplôme a été créé en Occitanie. Cela fait partie des propositions que nous avons faites, notamment avec Françoise Jeanson au titre de l'Association des régions de France. Nous avons remis beaucoup de contributions à la ministre, en espérant qu'une place leur sera faite dans le cadre de l'accord tripartite avec les départements et les régions.
Monsieur Delatte, dans les zones sous-denses, nous avons pensé que l'expérimentation, au titre de l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, de l'activité libérale d'aide-soignant, sous l'autorité de l'infirmière, pouvait être une solution pour renforcer l'attractivité du métier. Nous préconisons un développement de la polyvalence et du temps plein entre le domicile et l'établissement.
Madame Bagarry, nous avons repris une proposition que Mme Audrey Dufeu Schubert a formulée dans le cadre de sa mission sur l'âgisme : la création d'un brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur senior. Développer un corps d'animation ou encore faire intervenir des masseurs-kinésithérapeutes, il y aurait tant à faire ! Le champ culturel est, bien sûr, essentiel, et les aides-soignants sont très investis dans ce domaine. Nous avons proposé l'organisation de formations à l'animation, au champ culturel, car cela contribuerait à réduire la charge mentale des aides-soignants et leur permettrait de souffler.
Monsieur Borowczyk, je me suis rendue à Besançon, dans la résidence Âges et vie, où de grands logements, situés au rez-de-chaussée d'une maison, abritent chacun huit personnes âgées ou en situation de handicap. Les aides-soignants et les auxiliaires de vie habitent au premier étage – c'est leur résidence et non un logement d'astreinte. Cette forme d'habitat partagé concourt à l'attractivité des métiers ; elle offre une qualité de vie bien supérieure aux résidents et aux aides-soignants. J'espère que ce type de structure se développera. Nous nous y sommes rendus pour constater à quel point le logement pouvait être un facteur d'attractivité des salariés.
Monsieur Touraine, en effet, les allégements de charges salariales posent un problème d'équité entre le secteur lucratif et les secteurs public et associatif. Les personnes les plus dépendantes, notamment celles qui bénéficient de l'aide sociale, sont accueillies par les établissements publics, qui représentent 52 % des EHPAD. Il faut définir une vision pour le secteur public. La question de la dette, au même titre que celle des hôpitaux, est très préoccupante ; alors que le secteur public ne bénéficie pas des 6 % d'allégements de charges, il impose des restes à charge plus faibles aux usagers et à leur famille ; les possibilités de promotion professionnelle y sont beaucoup plus restreintes. Il faut rééquilibrer les choses. La réduction de la taxe sur les salaires me paraît un élément important. Si le taux actuel pour un salarié à temps plein au SMIC passait de 13,60 % au niveau minimal de 4,25 % applicable à un demi-SMIC, cela permettrait de réduire les difficultés financières. Ce serait une mesure de justice et d'équilibre au regard des allégements de charges.
Monsieur Da Silva, nous ne proposons pas l'attribution de voitures de fonction ; il s'agirait de véhicules personnels, précisément pour ne pas se heurter au problème de l'avantage en nature. Nous avons regardé avec Renault Mobilize – et le même travail pourrait être fait avec d'autres constructeurs, notamment PSA – quelle offre en crédit-bail permettrait aux salariés, notamment ceux intervenant à domicile, d'acquérir une voiture. Dans un premier temps, nous ne préconisons pas l'achat de voitures vertes. À 170 euros par mois, l'offre la plus économique n'est pas abordable. L'achat en crédit-bail de véhicules neufs éviterait les pannes fréquentes des véhicules achetés d'occasion sur des sites comme Le Bon Coin, et l'absentéisme qui en résulte. Renault Mobilize propose une aide à l'acquisition, grâce à un microcrédit qui permet de ramener les mensualités entre 80 et 100 euros par mois pour un véhicule qui consomme moins – une offre GPL sera disponible dès 2021. L'idée est de constituer une force de frappe avec l'ensemble des fédérations pour négocier un prix très attractif, car beaucoup de professionnels seront concernés. L'offre électrique, avec le coût de location des batteries, est aujourd'hui inabordable. Pour orienter les achats vers l'électrique, je vous invite à renforcer, dans le cadre du projet de loi autonomie, l'allégement fiscal pour l'achat d'un véhicule électrique. Il est aujourd'hui insuffisant pour que ce type de public puisse se permettre d'acquérir des véhicules de cette catégorie.
Je terminerai la présentation de ce rapport sur une remarque d'ordre terminologique. Nous avons rencontré, lors d'une visite sur le terrain, des professionnels qui se désignaient comme des « bienveilleuses » et des « bienveilleurs ». Ce nom, ils le portent très bien. Je veux leur renouveler nos remerciements pour ce qu'ils font au quotidien.