Madame la présidente, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs spéciaux, mes chers collègues, l'agriculture française est aujourd'hui dans une situation globalement difficile, mais elle se trouve également face à des choix qui peuvent lui offrir des perspectives bien plus heureuses.
Pour ce premier budget, la plupart des dépenses d'intervention sont en hausse. En 2018, les crédits alloués à la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » augmentent de 1,28 %, les crédits de paiement s'élevant à 3,43 milliards d'euros.
J'ai choisi d'axer mon rapport pour avis sur la situation financière des exploitations agricoles françaises afin de présenter un panorama des leviers sur lesquels agir.
Les situations de trésorerie sont très hétérogènes d'une filière à l'autre, mais aussi au sein d'une même filière. Il est frappant de constater, à la lumière des nombreuses auditions que j'ai menées, que ce ne sont pas tant la taille ou la structure des exploitations, ou encore la technicité des agriculteurs qui sont les principaux facteurs d'amélioration de la situation financière des exploitations. C'est bien davantage la capacité de gestionnaire de l'entrepreneur qui favorise la réussite. La formation en matière agricole doit sans doute s'adapter à cet état de fait.
La première phase des états généraux de l'alimentation a abouti à la conclusion qu'il est urgent de redistribuer de la valeur ajoutée aux producteurs, et ce, quelle que soit la filière, afin de redonner de la compétitivité à notre agriculture. Pour atteindre cet objectif, il est essentiel que toutes les filières prennent leurs responsabilités et établissent de réels contrats de filière, adaptés à leurs activités. Il est indispensable d'envisager un encadrement des promotions et une hausse des seuils de revente à perte, afin d'arrêter la guerre des prix dans la grande distribution, qui enclenche la spirale infernale de la destruction de valeur.
La deuxième phase des états généraux de l'alimentation doit déboucher sur une évolution du modèle agricole tenant compte de la demande des consommateurs et des attentes sociétales. Il est impératif de sortir du système agricole actuel, qui ne permet plus aux producteurs de vivre de leur travail. De nombreuses mesures ont déjà été prises par les producteurs pour faire évoluer leurs pratiques, mais beaucoup reste à faire.
Des mécanismes assurantiels devront être mis en place afin de protéger les agriculteurs contre les aléas à la fois climatiques et économiques : une refonte des assurances récoltes est nécessaire ; un dispositif d'épargne de précaution réellement efficient, qui corrige les dysfonctionnements du régime actuel des déductions fiscales pour investissement (DPI) et pour aléas (DPA), devra être adopté pour permettre aux agriculteurs de faire face à des crises économiques de façon simple et pragmatique.
Notre système fiscal actuel peut, en effet, apparaître parfois comme un pousse-au-crime pour les agriculteurs : afin d'éviter une trop forte imposition fiscale et sociale, ceux-ci sont incités à investir plus que de besoin au risque de tomber dans la spirale du surendettement. Une refonte totale de ce système est par conséquent nécessaire. Le plan d'investissement de 5 milliards d'euros annoncé par le Président de la République à Rungis permettra aussi d'accompagner cette transition en facilitant la modernisation des exploitations agricoles sans les exposer au surendettement.
Parallèlement, il est indispensable que les agriculteurs prennent le plus possible leur indépendance vis-à-vis des aides. Seuls des prix de vente plus rémunérateurs le leur permettront. Nous pourrons y parvenir dans le cadre des négociations de la future PAC qui vont débuter, dans lesquelles la France devra faire entendre sa voix. Le système des aides au titre de la PAC doit être plus lisible, plus transparent et plus agile.
Plus généralement, un certain nombre de contraintes administratives doivent être levées afin de faciliter le quotidien des chefs d'exploitation. Ce sera l'objet du futur projet de loi sur le droit à l'erreur et la simplification administrative, qui sera discuté au premier trimestre 2018.
Nous ne pouvons pas nier les problèmes économiques dont souffre l'agriculture française. Mais celle-ci possède indéniablement de nombreux atouts qui sont reconnus par l'ensemble des consommateurs et que nous devons davantage valoriser. Tous les types d'agriculture ont leur place en France : l'agriculture biologique, les circuits courts, les circuits courts organisés, les labels rouges, les appellations d'origine protégée ou l'agriculture exportatrice. Tous sont amenés à se développer, chacun sur son créneau de production, pour faire rayonner notre agriculture à tous les niveaux : local, national et international. Au niveau international, un certain nombre d'accompagnements doivent être mis en place afin d'être plus efficaces.
Les annonces du Président de la République vont dans ce sens. Il est de notre devoir de députés de la nation d'accompagner notre agriculture afin qu'elle retrouve sa place de leader sur le plan européen. C'est la raison pour laquelle nous voterons ce budget.