Si donc elle a des objectifs louables, cette proposition de loi ne fonctionne pas, car elle sort du dispositif tous les gestes individuels, baisse les taux d'aide et, pour les habitants de logements de catégorie F ou G, ne finance des travaux que s'ils atteignent un niveau inaccessible, avec montant unitaire très élevé, fixé à 550 euros par mètre carré.
Je peux encore formuler d'autres critiques, plus techniques. Ainsi, il n'existe pas d'articulation entre ce nouveau dispositif et les certificats d'économies d'énergie, alors que Ma Prime rénov' a articulé son barème avec ces certificats pour plafonner les taux d'aide à 75 % pour les ménages modestes et à 90 % pour les ménages très modestes. Quant au financement du reste à charge, il s'inspire, dans votre proposition, de mécanismes existants tels que le prêt avance mutation ou les sociétés de tiers financement, qui en sont aujourd'hui à leurs balbutiements et ne montrent pas encore une efficacité qui permettrait une massification. Enfin, il n'est pas possible de transformer l'ANAH en un organisme capable de lever des fonds sur les marchés financiers.
J'évoquerai enfin le dispositif coercitif prévu à l'article 3 de la proposition de loi, très proche de celui que l'Assemblée nationale a voté dans le cadre de la loi relative à l'énergie et au climat. En effet, cette loi, entrée en vigueur voilà tout juste un mois, le 8 novembre dernier, prévoit déjà un dispositif d'éradication des logements les plus énergivores, appelés passoires thermiques, en instaurant une obligation d'engager des travaux d'ici 2028 et, dès le 1er janvier 2021, l'interdiction pour le propriétaire d'une de ces passoires d'en augmenter le loyer sans l'avoir rénovée. Il ne me paraît pas pertinent de revenir sur un dispositif aussi récent, voté voilà un mois par la représentation nationale. Nous travaillons déjà à sa mise en oeuvre : le diagnostic de performance énergétique va faire l'objet d'un renforcement et de mesures de fiabilisation afin de pouvoir être rendu opposable dès 2021. Sur cette base, les mesures coercitives prévues par la loi énergie climat pourront progressivement entrer en vigueur.
Pour conclure, si nous partageons la volonté de rénover le plus vite possible le parc de logements pour atteindre nos objectifs de réduction d'émissions de gaz à effet de serre, pour améliorer le confort et pour lutter contre la précarité énergétique, votre proposition de loi, moins-disante techniquement et socialement, ne fonctionne pas. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement y est défavorable.